Me Jean-Marie Kabengela Ilunga, avocat au Barreau de Kinshasa Matete a
déposé vendredi devant la Cour constitutionnelle une requête en
inconstitutionnalité contre la machine à voter et l’exclusion du vote des
Congolais de la Diaspora. Il n’y pas glissement si la Céni le faisait. En
examinant le calendrier électoral, il n’y a pas commande des machines à voter.
Au point 38, il est prévu à partie du 20 septembre 2018 les opérations de préparation
technique des bulletins de vote, les procès-verbaux et les fiches des
résultats.
Au point 39, il est prévu le dispatching des sites de formation et au
point 40, la Céni prévoit le déploiement non pas des machines à voter mais les
bulletins déjà imprimés. « Nous sommes donc dans le délai. Si la Cour
constitutionnelle nous suit, il n’y aura pas glissement. Il peut y avoir
glissement lorsque la Céni va commencer à commander ce que le calendrier n’a
pas prévu. Or, en suivant uniquement le calendrier, tout compte fait le 23 décembre
2018, il y aura élections. Ne pas observer le calendrier et ajouter un élément
qui n’est pas dans ce calendrier peut provoquer le glissement comme c’est le
cas des machines à voter. Donc, la Céni ajoute un élément qui n’est pas dans le
calendrier ».
REQUETE EN INCONSTITUTIONNALITE
CONTRE LA DECISION N°001 BIS/CENI/BUR/18 DU 19 FERVRIER 2018 PORTANT MESURES
D’APPLICATION DE LA LOI N°06/006 DU 09 MARS 2006 RELATIVE A L’ORGANISATION DES
ELECTIONS PRESIDENTIELLE, LEGISLATIVES, PROVINCIALES, URBAINES, MUNICIPALES ET
LOCALES, TELLE QUE MODIFIEE ET COMPLETEE A CE JOUR
POUR : Monsieur KABENGELA ILUNGA
Jean-Marie,
Avocat de profession exerçant en République Démocratique du Congo et près la
Cour Pénale Internationale, établi au N° 87 de l’avenue Kasa-vubu, dans la
commune de Ngiri-ngiri, à Kinshasa, Immeuble Louhangu, 1er étage,
Appartement D.
DEMANDEUR EN
INCONSTITUTIONNALITE.
OBJET
DE LA DEMANDE :
Déclaration de
l’inconstitutionnalité de la décision n°001 BIS /CENI/BUR/18 du 19 février 2018
portant mesures d’application de la loi N°06/006 du 09 mars 2006
relative à l’organisation des élections présidentielle, législatives,
provinciales, urbaines, municipales et locales.
ACTE ENTREPRIS
EN PRESENCE DE : LA COMMISSION ELECTORALE
NATIONALE INDEPENDANTE
A Messieurs les Président
et juges de la Cour
Constitutionnelle ;
à Kinshasa/Gombe.
Distingués plus hauts juges,
Le demandeur en inconstitutionnalité
par voie d’action a l’honneur de vous soumettre pour contrôle de la
constitutionnalité la décision n°001 BIS /CENI/BUR/18 du 19 février 2018 portant mesures d’application de
la loi N°06/006 du 09 mars 2006 relative à l’organisation des élections
présidentielle, législatives, provinciales, urbaines, municipales et locales,
telle que modifiée et complétée à ce jour.
Avant de vous proposer les
moyens d’inconstitutionnalité, le demandeur vous relate brièvement les faits et
actes de la cause.
I.
FAITS ET ACTES DE LA CAUSE
En date du 09 mars 2006, le Parlement
congolais adoptait une loi n°06/006 portant organisation des élections
présidentielle, législatives, provinciales, urbaines, municipales et
locales ;
Cette loi fut modifiée et complétée par
la loi n°11/003 du 25 juin 2011 et celle n°15/001 du 12 février 2015 ;
L’article 47 alinéa 1er tel
que modifié par la loi du 12 février 2015 disposait ce qui
suit : « Le vote s’effectue soit au moyen d’un bulletin papier
soit par voie électronique. » ;
Mais l’article 237 ter de cette même
loi disposait quant à lui que le mode de vote électronique ne peut être
appliqué pour les élections en cours ;
Or les élections en cours dont parle
cette disposition légale ne sont d’autres que celles qui devraient être
organisées en 2016 mais qui ont été postposées en 2018 pour des raisons
d’organisation notamment ;
En date du 24 décembre 2017 par la loi
n° 17/013, le législateur congolais a modifié et complété la loi électorale de
2006 sans modifier ni compléter les dispositions des articles 47 alinéa 1er
et 237 ter ;
En effet, la modification du 24
décembre 2017 comporte trois articles : 1er, 2 et 3 consacrés
respectivement à la modification, insertion et entrée en vigueur ;
Il ressort de l’article 1er
de la loi n°17/013 du 24 décembre 2017 modifiant et complétant la loi N° 06/006
du 09 mars 2006 portant organisation des élections présidentielle,
législatives, provinciales, urbaines, municipales et locales ce qui
suit :
« Les articles 10, 13, 15, 18, 19,
20, 21, 25, 27, 29, 33, 35, 56, 58, 64, 72, 104, 108, 115, 118, 119, 121, 132, 144, 145, 149, 154, 157, 160, 162, 165,177, 186, 192, 193, 195, 202, 208, 209, 209
ter, 211 et 218 de la loi N°06/006 du 09 mars 2006 portant organisation des
élections présidentielle, législatives, provinciales, urbaines, municipales et
locales telle que modifiée par la loi n°15/001 du 12 février 2015 sont modifiés
comme suit : » ;
Comme la Cour pourra aisément le
constater, l’article 237 ter de la loi électorale, tel qu’il résultait de la
modification par l’article 1er de la loi n° 15/001 du 12 février
2015, n’a pas connu de modification en 2017 ;
En outre, l’article 2 de la loi du 24 décembre
2017 n’a inséré que deux articles à savoir, 27 bis et 27 ter consacrés
respectivement à la procédure en contestation des listes provisoires des
candidatures et à la notification des décisions intervenues en la matière.
Donc, l’article 2 de la loi du 24 décembre 2017 n’a pas inséré une disposition
légale permettant l’usage de la machine à voter.
Cependant, en date du 19 février 2018, le Bureau de la CENI a pris la
décision n° 001BIS/CENI/BUR/18 portant mesures d’application de la loi N°06/006
du 09 mars 2006 relative à l’organisation des élections présidentielle,
législatives, provinciales, urbaines, municipales et locales, telle que modifiée
et complétée à ce jour, dont certaines dispositions notamment les articles 62
et suivants introduisent l’usage du vote électronique au moyen de la machine à
voter et ce, en violation des dispositions pertinentes de la constitution et de
la loi électorale.
C’est contre cette décision qu’est dirigée la présente requête.
II.
EN DROIT :
- QUANT A LA FORME
- DE LA COMPETENCE DE LA
COUR CONSTITUTIONNELLE
La compétence de la Cour
Constitutionnelle est assise sur les dispositions des articles 160 alinéa 1er
de la Constitution, 43 de la loi
organique portant organisation et fonctionnement de la Cour Constitutionnelle
ainsi que 39 du Règlement Intérieur de la Cour Constitutionnelle du 30 avril
2015.
- DE LA RECEVABILITE DE LA REQUETE
Introduite suivant la forme prévue aux
articles 160 alinéa 1er de la Constitution, 43 et 48 de la loi organique
portant organisation et fonctionnement de la Cour Constitutionnelle ainsi que
38 du règlement Intérieur de la Cour Constitutionnelle, par le demandeur
agissant en son nom personnel conformément aux textes légaux et réglementaire
en la matière, la présente requête sera déclarée recevable.
En outre, la présente requête sera
déclarée recevable, en ce qu’elle est dirigée contre un acte réglementaire des
autorités administratives, ici la décision du Bureau de la Commission
Electorale Nationale Indépendante, portant mesures d’application de la loi
électorale.
En fin, au regard du délai d’action
prescrit par l’article 50 de loi organique sur la Cour Constitutionnelle, la
présente requête sera également reçue parce qu’introduite dans le délai légal.
En effet, suivant cette disposition légale, le recours visé à l’article 48 ici
dans l’espèce n’est recevable que s’il est introduit dans les six mois suivant
la publication au journal officiel ou suivant la date de sa mise en
application ;
Dans l’espèce, la décision attaquée est
publiée au journal officiel n° spécial du 10 mai 2018. En conséquence, le
recours introduit le 24 Août 2018, est fait dans le délai légal.
- QUANT AU FOND DE LA REQUETE : MOYENS DE LA DEMANDE
Le demandeur a retenu contre la loi sus
visée le moyen unique d’inconstitutionnalité développé comme suit :
PREMIER MOYEN : TIRE DE LA VIOLATION DES
ARTICLES 62 ALINEA 2, 122 POINT 2 DE LA CONSTITUTION, EN CE QUE LA DECISION CRITIQUEE
EST PRISE EN VIOLATION DES DISPOSITIONS LEGALES DONT LA CONSTITUTION IMPOSE LE
RESPECT ET LA CONFORMITE PAR TOUTE PERSONNE PHYSIQUE OU MORALE, DE DROIT
PUBLIC OU DE DROIT PRIVE
DEVELOPPEMENTS :
L’article
62 alinéa 2 de la Constitution dispose que toute personne est tenue de
respecter la Constitution et de se conformer aux lois de la république ;
Pour
sa part, l’article 122 point 2 de la constitution dit que sans préjudice des autres
dispositions de la présente Constitution, la loi fixe les règles
concernant : 2. Le régime électoral ;
Mais
par sa décision ici entreprise, la CENI s’érige en législateur pour modifier
l’état de la législation électorale en vigueur. En effet, alors que l’article
237 ter de la loi électorale dit que le mode de vote électronique ne peut être
appliqué pour les élections en cours, la CENI, par sa décision ici critiquée,
et au moyen des articles 62, 63, 65, 68, 71, et 72, impose l’usage de la
machine à voter, procédé électronique pourtant proscrit par la loi électorale
pour les élections en cours.
En
ne respectant pas les prescrits de la loi électorale, le Bureau de la CENI a
violé l’article 62 alinéa 2 de la Constitution qui impose à toute personne
physique ou morale, de droit public ou de droit privé, de respecter la constitution
et de se conformer aux lois de la République ;
En
outre, en prenant la décision, objet de la présente requête, laquelle modifie
l’état de la législation en matière électorale, dont l’article 237 ter, le
Bureau de la CENI viole l’article 122 point 2 de la Constitution qui confère au
seul législateur la compétence de fixer le régime électoral ;
Par
ailleurs, la CENI, en d’introduisant l’usage de la machine à voter pour les
élections en cours, sans indiquer la disposition légale qu’elle mettait en
application ou qui donnerait au Bureau de la CENI le pouvoir de s’opposer aux
pouvoirs que le constituant a réservés exclusivement au parlement, elle viole
l’article 122 point 2 de la Constitution.
En
fin, s’agissant d’un acte réglementaire général, l’auteur de la décision aurait
dû indiquer l’origine constitutionnelle ou légale de son pouvoir de prendre une
décision introduisant l’usage de la machine à voter pour les élections en
cours, suivant le principe ‘’ en matière administrative, la compétence est
d’attribution’’ ;
Ainsi,
pour avoir été prise en violation de l’acte du législateur, l’article 237 ter
de la loi électorale telle que modifiée et complétée à ce jour, la décision ici critiquée sera déclarée non
conforme à la Constitution.
En
effet, seul le législateur a reçu de l’article 122 point 2 de la Constitution,
la compétence de fixer le régime électoral, et la décision ici critiquée viole seulement cette les dispositions
constitutionnelles des articles 62 alinéa 2 et 122 point 2 qui, respectivement
confie le régime électoral au législateur et impose à toute personne de se
conformer à la loi, en l’espèce, à l’article 237 ter de la loi électorale telle
que modifiée et complétée à ce jour qui proscrit l’usage du vote électronique
sous quelque forme que ce soit, pour les élections en cours.
DEUXIEME
MOYEN : TIRE DE LA VIOLATION DES ARTICLES 5 ALINEA 4, 101 ALINEA 1er, ET 197
ALINEA 4 DE LA CONSTITUTION, EN CE QUE PAR SA DECISION, OBJET DE LA PRESENTE
REQUETE, LA CENI VIOLE LE SECRET DE VOTE POURTANT CONSACRE PAR LA
CONSTITUTION
DEVELOPPEMENTS :
Les
dispositions constitutionnelles prises à ce moyen disposent respectivement ce
qui suit :
L’article 5 alinéa 4 dit : « Le suffrage
est universel, égal et secret. Il est direct ou indirect. » ;
L’article 101 alinéa 1er dispose : « Les
membres de l’Assemblée Nationale portent le titre de député national. Ils sont
élus au suffrage universel direct et secret. » ;
L’article 197 alinéa 4 dit pour sa part :
« Ils sont élus au suffrage universel direct et secret ou cooptés pour un
mandat de cinq ans renouvelable. » ;
Il
ressort des dispositions constitutionnelles ici prises au moyen que le
caractère secret du vote est consacré par le constituant congolais qui
‘instaure pour les élections et le
référendum alors que la décision attaquée instaure à l’article 62, une
procédure violant le caractère secret du vote, en ce que, d’après ladite
disposition, devant un électeur qui ne sait pas utiliser la machine à voter,
toute autre personne électrice sera mise à sa disposition pour l’aider à faire
défiler les photos des candidats et lui demander de toucher la photo du
candidat de son choix dont la photo apparaîtra sur l’écran ;
En
outre, à l’alinéa 3 de l’article 62 de la décision critiquée, il est dit :
« l’électeur effectue son choix sur l’écran tactile, en touchant sur la
photo de son candidat. Pour retrouver facilement son candidat, l’électeur peut
effectuer la recherche en tapant le numéro d’ordre du candidat souhaité en
utilisant le pavé numérique. » ;
La
procédure numérique et électronique instaurée par la décision objet du présent
recours, via la machine à voter est au-delà des capacités intellectuelles de
beaucoup de congolais, même ceux ayant franchi le seuil des études secondaires,
lesquels seront tenus de recourir à des tierces personnes ayant la maîtrise du
numérique. Ce faisant, ces personnes auront accès au choix opéré par
l’électeur. Dans ce contexte, le vote ne sera plus secret, en ce que la
personne qui assiste le non initié dans l’usage de la machine à voter, verra le
numéro et la photo du candidat choisi par l’électeur.
Le
choix opéré dans ces conditions n’est plus secret. Il est connu des personnes
qui assistent l’électeur dans la manipulation de la machine à voter.
Violant
le secret du vote par l’utilisation de la machine à voter, la disposition de la
décision qui instaure l’usage de la machine à voter est contraire aux
dispositions constitutionnelles instaurant le caractère secret du vote.
Cette
décision est donc non conforme à la constitution et sera déclarée nulle de
plein droit.
Et
pour que la CENI ne se dérobe des obligations qui incombe en vertu de la
Constitution, de l’Accord du 31 décembre 2016, de la loi électorale et de son
propre calendrier, il lui est loisible de mettre à exécution les points 38 à 40
de son calendrier qui indiquent respectivement ce qui suit :
-
Point
38. Du 20 septembre 2018 au 06 octobre 2018(17 jours) : préparatifs
techniques de l’impression des bulletins, des procès- verbaux et des fiches des
résultats : nettoyages et consolidation de la base des données des
candidats ;
-
Point
39. Du 07 octobre 2018 au 15 novembre 2018 (40 jours) : impression,
conditionnement et livraison aux 15 Hubs, des bulletins de vote, des
procès-verbaux et des fiches des résultats ;
-
Point
40. Du 16 novembre 2018 au 05 décembre 2018 (20 jours) : Déploiement des
bulletins de vote, procès-verbaux et fiches des résultats vers les sites de
formation.
POUR
TOUTES CES RAISONS :
PLAISE
A LA COUR CONSTITUTIONNELLE :
Déclarer recevable
et fondée la présente requête en inconstitutionnalité lui présentée par le
demandeur ;
EN
CONSEQUENCE :
-
Déclarer non conformes à la Constitution les articles 62, 63, 65, 68, 71 et 72
notamment de la décision n°001 BIS /CENI/BUR/18 du 19
février 2018 portant mesures d’application de la loi N°06/006 du 09 mars
2006 relative à l’organisation des élections présidentielle, législatives,
provinciales, urbaines, municipales et locales, telle que modifiée et complétée
à ce jour ;
-
Ordonner
à la CENI, s’agissant du mode de vote, d’exécuter les points 38 à 40 de son
calendrier électoral tel qu’il ressort de la décision n° 065/CENI/BUR/17 du 05
novembre 2017.
Frais comme de droit.
Ce sera justice.
Fait à Kinshasa, le
21 Août 2018
Le requérant,
Maître KABENGELA ILUNGA Jean-Marie
INVENTAIRE
DES PIECES
1.
La
loi n° 15/001 du 12 février 2015 modifiant et complétant la loi n° 06/OO6 du O9
mars 2006 portant organisation des élections Présidentielle, législatives,
provinciales, urbaines, municipales et locales telle que modifiée par la loi
n°11/003 du 25 juin 2011, relatives à la répartition des sièges par
circonscription électorale pour les élections municipales et locales ;
2.
La
loi n°17/013 du 24 décembre 2017 modifiant et complétant la loi N° 06/006 du 09
mars 2006 portant organisation des élections présidentielle, législatives,
provinciales, urbaines, municipales et locales ;
3.
Le journal officiel numéro spécial du 10 mai 2018 contenant la
décision n° 001 BIS /CENI/BUR/18 du 19 février 2018 portant mesures d’application de la loi
N°06/006 du 09 mars 2006 relative à l’organisation des élections
présidentielle, législatives, provinciales, urbaines, municipales et locales,
telle que modifiée et complétée à ce jour;
4.
La
photocopie de la carte d’électeur du demandeur.
Fait à Kinshasa, le
21 Août 2018
Le requérant,
Maître KABENGELA ILUNGA Jean-Marie
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