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vendredi 24 août 2018

Un requérant dépose une requête en inconstitutionnalité contre la machine à voter et l’exclusion du vote des Congolais de la diapora


Me Jean-Marie Kabengela Ilunga, avocat au Barreau de Kinshasa Matete a déposé vendredi devant la Cour constitutionnelle une requête en inconstitutionnalité contre la machine à voter et l’exclusion du vote des Congolais de la Diaspora. Il n’y pas glissement si la Céni le faisait. En examinant le calendrier électoral, il n’y a pas commande des machines à voter. Au point 38, il est prévu à partie du 20 septembre 2018 les opérations de préparation technique des bulletins de vote, les procès-verbaux et les fiches des résultats.
Au point 39, il est prévu le dispatching des sites de formation et au point 40, la Céni prévoit le déploiement non pas des machines à voter mais les bulletins déjà imprimés. « Nous sommes donc dans le délai. Si la Cour constitutionnelle nous suit, il n’y aura pas glissement. Il peut y avoir glissement lorsque la Céni va commencer à commander ce que le calendrier n’a pas prévu. Or, en suivant uniquement le calendrier, tout compte fait le 23 décembre 2018, il y aura élections. Ne pas observer le calendrier et ajouter un élément qui n’est pas dans ce calendrier peut provoquer le glissement comme c’est le cas des machines à voter. Donc, la Céni ajoute un élément qui n’est pas dans le calendrier ».



REQUETE EN INCONSTITUTIONNALITE CONTRE LA DECISION N°001 BIS/CENI/BUR/18 DU 19 FERVRIER 2018 PORTANT MESURES D’APPLICATION DE LA LOI N°06/006 DU 09 MARS 2006 RELATIVE A L’ORGANISATION DES ELECTIONS PRESIDENTIELLE, LEGISLATIVES, PROVINCIALES, URBAINES, MUNICIPALES ET LOCALES, TELLE QUE MODIFIEE ET COMPLETEE A CE JOUR

POUR : Monsieur KABENGELA ILUNGA Jean-Marie, Avocat de profession exerçant en République Démocratique du Congo et près la Cour Pénale Internationale, établi au N° 87 de l’avenue Kasa-vubu, dans la commune de Ngiri-ngiri, à Kinshasa, Immeuble Louhangu, 1er étage, Appartement D.

                            DEMANDEUR EN INCONSTITUTIONNALITE.

OBJET DE LA DEMANDE :

 Déclaration de l’inconstitutionnalité de la décision n°001 BIS /CENI/BUR/18 du 19 février 2018 portant mesures d’application de la loi N°06/006 du 09 mars 2006 relative à l’organisation des élections présidentielle, législatives, provinciales, urbaines, municipales et locales.

                                           ACTE ENTREPRIS

EN PRESENCE DE : LA COMMISSION ELECTORALE NATIONALE INDEPENDANTE
 



A Messieurs les Président et juges de  la Cour Constitutionnelle ;
    à Kinshasa/Gombe.

Distingués plus hauts juges,

Le demandeur en inconstitutionnalité par voie d’action a l’honneur de vous soumettre pour contrôle de la constitutionnalité la décision n°001 BIS /CENI/BUR/18 du 19 février 2018 portant mesures d’application de la loi N°06/006 du 09 mars 2006 relative à l’organisation des élections présidentielle, législatives, provinciales, urbaines, municipales et locales, telle que modifiée et complétée à ce jour.

Avant de vous proposer les moyens d’inconstitutionnalité, le demandeur vous relate brièvement les faits et actes de la cause.

I.            FAITS ET ACTES DE LA CAUSE

En date du 09 mars 2006, le Parlement congolais adoptait une loi n°06/006 portant organisation des élections présidentielle, législatives, provinciales, urbaines, municipales et locales ;

Cette loi fut modifiée et complétée par la loi n°11/003 du 25 juin 2011 et celle n°15/001 du 12 février 2015 ;

L’article 47 alinéa 1er tel que modifié par la loi du 12 février 2015 disposait ce qui suit : « Le vote s’effectue soit au moyen d’un bulletin papier soit par voie électronique. » ;

Mais l’article 237 ter de cette même loi disposait quant à lui que le mode de vote électronique ne peut être appliqué pour les élections en cours ;

Or les élections en cours dont parle cette disposition légale ne sont d’autres que celles qui devraient être organisées en 2016 mais qui ont été postposées en 2018 pour des raisons d’organisation notamment ;

En date du 24 décembre 2017 par la loi n° 17/013, le législateur congolais a modifié et complété la loi électorale de 2006 sans modifier ni compléter les dispositions des articles 47 alinéa 1er et 237 ter ;

En effet, la modification du 24 décembre 2017 comporte trois articles : 1er, 2 et 3 consacrés respectivement à la modification, insertion et entrée en vigueur ;

Il ressort de l’article 1er de la loi n°17/013 du 24 décembre 2017 modifiant et complétant la loi N° 06/006 du 09 mars 2006 portant organisation des élections présidentielle, législatives, provinciales, urbaines, municipales et locales ce qui suit :

« Les articles 10, 13, 15, 18, 19, 20, 21, 25, 27, 29, 33, 35, 56, 58, 64, 72, 104, 108, 115, 118, 119, 121, 132, 144, 145, 149, 154, 157, 160, 162, 165,177, 186, 192, 193, 195, 202, 208, 209, 209 ter, 211 et 218 de la loi N°06/006 du 09 mars 2006 portant organisation des élections présidentielle, législatives, provinciales, urbaines, municipales et locales telle que modifiée par la loi n°15/001 du 12 février 2015 sont modifiés comme suit : » ;

Comme la Cour pourra aisément le constater, l’article 237 ter de la loi électorale, tel qu’il résultait de la modification par l’article 1er de la loi n° 15/001 du 12 février 2015, n’a pas connu de modification en 2017 ;

En outre, l’article 2 de la loi du 24 décembre 2017 n’a inséré que deux articles à savoir, 27 bis et 27 ter consacrés respectivement à la procédure en contestation des listes provisoires des candidatures et à la notification des décisions intervenues en la matière. Donc, l’article 2 de la loi du 24 décembre 2017 n’a pas inséré une disposition légale permettant l’usage de la machine à voter.

Cependant, en date du 19 février 2018, le Bureau de la CENI a pris la décision n° 001BIS/CENI/BUR/18 portant mesures d’application de la loi N°06/006 du 09 mars 2006 relative à l’organisation des élections présidentielle, législatives, provinciales, urbaines, municipales et locales, telle que modifiée et complétée à ce jour, dont certaines dispositions notamment les articles 62 et suivants introduisent l’usage du vote électronique au moyen de la machine à voter et ce, en violation des dispositions pertinentes de la constitution et de la loi électorale.

C’est contre cette décision qu’est dirigée la présente requête.

II.         EN DROIT :

  1. QUANT A LA FORME

  1. DE LA COMPETENCE DE LA COUR CONSTITUTIONNELLE

La compétence de la Cour Constitutionnelle est assise sur les dispositions des articles 160 alinéa 1er  de la Constitution, 43 de la loi organique portant organisation et fonctionnement de la Cour Constitutionnelle ainsi que 39 du Règlement Intérieur de la Cour Constitutionnelle du 30 avril 2015.

  1. DE LA RECEVABILITE DE LA REQUETE
Introduite suivant la forme prévue aux articles 160 alinéa 1er de la Constitution, 43 et 48 de la loi organique portant organisation et fonctionnement de la Cour Constitutionnelle ainsi que 38 du règlement Intérieur de la Cour Constitutionnelle, par le demandeur agissant en son nom personnel conformément aux textes légaux et réglementaire en la matière, la présente requête sera déclarée recevable.

En outre, la présente requête sera déclarée recevable, en ce qu’elle est dirigée contre un acte réglementaire des autorités administratives, ici la décision du Bureau de la Commission Electorale Nationale Indépendante, portant mesures d’application de la loi électorale.

En fin, au regard du délai d’action prescrit par l’article 50 de loi organique sur la Cour Constitutionnelle, la présente requête sera également reçue parce qu’introduite dans le délai légal. En effet, suivant cette disposition légale, le recours visé à l’article 48 ici dans l’espèce n’est recevable que s’il est introduit dans les six mois suivant la publication au journal officiel ou suivant la date de sa mise en application ;

Dans l’espèce, la décision attaquée est publiée au journal officiel n° spécial du 10 mai 2018. En conséquence, le recours introduit le 24 Août 2018, est fait dans le délai légal.

  1. QUANT AU FOND DE LA REQUETE : MOYENS DE LA DEMANDE
Le demandeur a retenu contre la loi sus visée le moyen unique d’inconstitutionnalité développé comme suit :

PREMIER MOYEN : TIRE DE LA VIOLATION DES ARTICLES 62 ALINEA 2, 122 POINT 2 DE LA CONSTITUTION, EN CE QUE LA DECISION CRITIQUEE EST PRISE EN VIOLATION DES DISPOSITIONS LEGALES DONT LA CONSTITUTION IMPOSE LE RESPECT ET LA CONFORMITE PAR TOUTE PERSONNE PHYSIQUE OU MORALE, DE DROIT PUBLIC OU DE DROIT PRIVE

DEVELOPPEMENTS :

L’article 62 alinéa 2 de la Constitution dispose que toute personne est tenue de respecter la Constitution et de se conformer aux lois de la république ;

Pour sa part, l’article 122 point 2 de la constitution dit que sans préjudice des autres dispositions de la présente Constitution, la loi fixe les règles concernant : 2. Le régime électoral ;

Mais par sa décision ici entreprise, la CENI s’érige en législateur pour modifier l’état de la législation électorale en vigueur. En effet, alors que l’article 237 ter de la loi électorale dit que le mode de vote électronique ne peut être appliqué pour les élections en cours, la CENI, par sa décision ici critiquée, et au moyen des articles 62, 63, 65, 68, 71, et 72, impose l’usage de la machine à voter, procédé électronique pourtant proscrit par la loi électorale pour les élections en cours.

En ne respectant pas les prescrits de la loi électorale, le Bureau de la CENI a violé l’article 62 alinéa 2 de la Constitution qui impose à toute personne physique ou morale, de droit public ou de droit privé, de respecter la constitution et de se conformer aux lois de la République ;

En outre, en prenant la décision, objet de la présente requête, laquelle modifie l’état de la législation en matière électorale, dont l’article 237 ter, le Bureau de la CENI viole l’article 122 point 2 de la Constitution qui confère au seul législateur la compétence de fixer le régime électoral ;

Par ailleurs, la CENI, en d’introduisant l’usage de la machine à voter pour les élections en cours, sans indiquer la disposition légale qu’elle mettait en application ou qui donnerait au Bureau de la CENI le pouvoir de s’opposer aux pouvoirs que le constituant a réservés exclusivement au parlement, elle viole l’article 122 point 2 de la Constitution.

En fin, s’agissant d’un acte réglementaire général, l’auteur de la décision aurait dû indiquer l’origine constitutionnelle ou légale de son pouvoir de prendre une décision introduisant l’usage de la machine à voter pour les élections en cours, suivant le principe ‘’ en matière administrative, la compétence est d’attribution’’ ;

Ainsi, pour avoir été prise en violation de l’acte du législateur, l’article 237 ter de la loi électorale telle que modifiée et complétée à ce jour,  la décision ici critiquée sera déclarée non conforme à la Constitution.

En effet, seul le législateur a reçu de l’article 122 point 2 de la Constitution, la compétence de fixer le régime électoral, et la décision ici critiquée viole  seulement cette les dispositions constitutionnelles des articles 62 alinéa 2 et 122 point 2 qui, respectivement confie le régime électoral au législateur et impose à toute personne de se conformer à la loi, en l’espèce, à l’article 237 ter de la loi électorale telle que modifiée et complétée à ce jour qui proscrit l’usage du vote électronique sous quelque forme que ce soit, pour les élections en cours.

DEUXIEME MOYEN : TIRE DE LA VIOLATION DES ARTICLES 5 ALINEA 4, 101 ALINEA 1er, ET 197 ALINEA 4 DE LA CONSTITUTION, EN CE QUE PAR SA DECISION, OBJET DE LA PRESENTE REQUETE, LA CENI VIOLE LE SECRET DE VOTE POURTANT CONSACRE PAR LA CONSTITUTION

DEVELOPPEMENTS :

Les dispositions constitutionnelles prises à ce moyen disposent respectivement ce qui suit :

L’article 5 alinéa 4 dit : «  Le suffrage est universel, égal et secret. Il est direct ou indirect. » ;

L’article 101 alinéa 1er dispose : « Les membres de l’Assemblée Nationale portent le titre de député national. Ils sont élus au suffrage universel direct et secret. » ;

L’article 197 alinéa 4 dit pour sa part : « Ils sont élus au suffrage universel direct et secret ou cooptés pour un mandat de cinq ans renouvelable. » ;

Il ressort des dispositions constitutionnelles ici prises au moyen que le caractère secret du vote est consacré par le constituant congolais qui ‘instaure  pour les élections et le référendum alors que la décision attaquée instaure à l’article 62, une procédure violant le caractère secret du vote, en ce que, d’après ladite disposition, devant un électeur qui ne sait pas utiliser la machine à voter, toute autre personne électrice sera mise à sa disposition pour l’aider à faire défiler les photos des candidats et lui demander de toucher la photo du candidat de son choix dont la photo apparaîtra sur l’écran ;

En outre, à l’alinéa 3 de l’article 62 de la décision critiquée, il est dit : « l’électeur effectue son choix sur l’écran tactile, en touchant sur la photo de son candidat. Pour retrouver facilement son candidat, l’électeur peut effectuer la recherche en tapant le numéro d’ordre du candidat souhaité en utilisant le pavé numérique. » ;

La procédure numérique et électronique instaurée par la décision objet du présent recours, via la machine à voter est au-delà des capacités intellectuelles de beaucoup de congolais, même ceux ayant franchi le seuil des études secondaires, lesquels seront tenus de recourir à des tierces personnes ayant la maîtrise du numérique. Ce faisant, ces personnes auront accès au choix opéré par l’électeur. Dans ce contexte, le vote ne sera plus secret, en ce que la personne qui assiste le non initié dans l’usage de la machine à voter, verra le numéro et la photo du candidat choisi par l’électeur.

Le choix opéré dans ces conditions n’est plus secret. Il est connu des personnes qui assistent l’électeur dans la manipulation de la machine à voter.

Violant le secret du vote par l’utilisation de la machine à voter, la disposition de la décision qui instaure l’usage de la machine à voter est contraire aux dispositions constitutionnelles instaurant le caractère secret du vote.

Cette décision est donc non conforme à la constitution et sera déclarée nulle de plein droit.

Et pour que la CENI ne se dérobe des obligations qui incombe en vertu de la Constitution, de l’Accord du 31 décembre 2016, de la loi électorale et de son propre calendrier, il lui est loisible de mettre à exécution les points 38 à 40 de son calendrier qui indiquent respectivement ce qui suit :

-                                      Point 38. Du 20 septembre 2018 au 06 octobre 2018(17 jours) : préparatifs techniques de l’impression des bulletins, des procès- verbaux et des fiches des résultats : nettoyages et consolidation de la base des données des candidats ;
-                                   Point 39. Du 07 octobre 2018 au 15 novembre 2018 (40 jours) : impression, conditionnement et livraison aux 15 Hubs, des bulletins de vote, des procès-verbaux et des fiches des résultats ;
-                                   Point 40. Du 16 novembre 2018 au 05 décembre 2018 (20 jours) : Déploiement des bulletins de vote, procès-verbaux et fiches des résultats vers les sites de formation.

POUR TOUTES CES RAISONS :

PLAISE A LA COUR CONSTITUTIONNELLE :

Déclarer recevable et fondée la présente requête en inconstitutionnalité lui présentée par le demandeur ;

EN CONSEQUENCE :

-       Déclarer non conformes à la Constitution les articles 62, 63, 65, 68, 71 et 72 notamment de la décision n°001 BIS /CENI/BUR/18 du 19 février 2018 portant mesures d’application de la loi N°06/006 du 09 mars 2006 relative à l’organisation des élections présidentielle, législatives, provinciales, urbaines, municipales et locales, telle que modifiée et complétée à ce jour ;

-       Ordonner à la CENI, s’agissant du mode de vote, d’exécuter les points 38 à 40 de son calendrier électoral tel qu’il ressort de la décision n° 065/CENI/BUR/17 du 05 novembre 2017.

Frais comme de droit.

Ce sera justice.

Fait à Kinshasa, le 21 Août 2018

Le requérant,

Maître KABENGELA ILUNGA Jean-Marie


INVENTAIRE DES PIECES

1.    La loi n° 15/001 du 12 février 2015 modifiant et complétant la loi n° 06/OO6 du O9 mars 2006 portant organisation des élections Présidentielle, législatives, provinciales, urbaines, municipales et locales telle que modifiée par la loi n°11/003 du 25 juin 2011, relatives à la répartition des sièges par circonscription électorale pour les élections municipales et locales ;

2.    La loi n°17/013 du 24 décembre 2017 modifiant et complétant la loi N° 06/006 du 09 mars 2006 portant organisation des élections présidentielle, législatives, provinciales, urbaines, municipales et locales ;

3.    Le journal officiel numéro spécial du 10 mai 2018 contenant la décision n° 001 BIS /CENI/BUR/18 du 19 février 2018 portant mesures d’application de la loi N°06/006 du 09 mars 2006 relative à l’organisation des élections présidentielle, législatives, provinciales, urbaines, municipales et locales, telle que modifiée et complétée à ce jour;

4.    La photocopie de la carte d’électeur du demandeur.

Fait à Kinshasa, le 21 Août 2018

Le requérant,

Maître KABENGELA ILUNGA Jean-Marie





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