L'Union européenne a déployé une
mission de suivi électoral (EU EFM) dirigée par Mariya Gabriel, du 26 mai
au 22 juin 2014, avec pour objectifs principaux
l'évaluation des progrès accomplis concernant les recommandations de la Mission
d'Observation Electorale de l'Union Européenne de 2011 ainsi que l'analyse du contexte
politique et de la réforme électorale. Le présent rapport propose également une
actualisation des recommandations de la MOE UE 2011.
• La
MOE UE de 2011 ainsi que les autres
missions d'observation internationales et citoyennes ont, dans leurs rapports
et autres communications relayées les nombreuses irrégularités survenues en 2011 et
ont également formulées des recommandations visant à améliorer les processus futurs.
• La
réforme de la CENI s'est achevée tardivement, en juin 2013, avec
la prestation de serment de la nouvelle équipe dirigée par l'Abbé Malu Malu. Après une année d'exercice, le
premier bilan de cette équipe est toutefois contrasté. La CENI
n'a pas su regagner la confiance de tous les acteurs
politiques et l'héritage de l'équipe précédente continue à peser sur son
action; l'impartialité et l'efficacité de la Commission électorale de 2011 ayant été largement critiquées. Dans ce
contexte, la mission de suivi invite donc la CENI
à instaurer un dialogue régulier, ouvert et
constructif avec ses différents partenaires au sein des cadres de concertation
et à prendre des mesures visant à accroitre la transparence de son action
telles que: mentionner le décompte des votes de l'Assemblée Plénière à
l'occasion de la publication des décisions de la CENI ou encore diffuser plus largement
le rapport annuel 2013/2014 de la CENI. Elle a
également souligné la nécessité d'apurer les dettes certifiées de l'institution
électorale afin de ne pas retarder les opérations en cours.
• La mise en
place du nouveau cadre juridique des élections parallèlement au processus de
décentralisation administrative ainsi que la reprise de la cartographie et la
délimitation géographique des circonscriptions électorales ont créé une
situation complexe et confuse, qui pourrait réactiver les conflits locaux au
niveau des communautés. L'absence de différents décrets d'application des lois
et listes de groupements actualisés ne permettent pas de faire progresser
convenablement le processus de décentralisation. La mission appelle donc à
l'implication accrue des autorités compétentes dans l'harmonisation de la liste
des groupements et des villages, ainsi qu'à la tenue d'une campagne d'information
et sensibilisation auprès de la population.
• En ce qui
concerne le fichier électoral, la CENI semble faire
une lecture très restrictive de ses compétences d'attribution qui lui impose de
découper les circonscriptions électorales au prorata des données démographiques
actualisées. Cette interprétation lui permettrait ainsi d'organiser les
élections générales de 2016 avec un fichier électoral issu du
recensement administratif et surtout d'organiser les prochaines élections avec
un fichier fiabilisé mais sans enrôler les jeunes
majeurs et les non-inscrits. Cette interprétation ne saurait cependant être
contraire au principe posé par la Constitution en vertu duquel, sont électeurs
et éligibles, tous les Congolais des deux sexes, âgés de dix-huit ans révolus
et jouissant de leurs droits civils et politiques (article 5 de
la Constitution).
• Le
calendrier électoral publié le 26 mai 2014 n'indique pas de dates pour
l'affichage provisoire des listes électorales, une opération pourtant prévue
dans le cadre de la fiabilisation du fichier électoral. La Mission suggère donc
à la CENI d'envisager la possibilité d'allonger la période de
réclamation en vue de permettre l'enregistrement des non-inscrits lors de la
précédente révision du fichier et des jeunes majeurs. De cette manière, il
serait alors possible de répondre à la perception d'un sous enregistrement dans
les provinces favorables à l'opposition et d'organiser les prochaines échéances
électorales sur la base d'un fichier fiabilisé et inclusif.
• La
Mission salue la promulgation de la loi sur le financement public des partis
politiques et souligne la nécessité de renforcer l'encadrement des dépenses de
campagne pour garantir une compétition équitable. Elle reste cependant
préoccupée par l'absence de réforme du statut des partis politiques, très
nombreux et qui ne remplissent pas leurs obligations légales de fonctionnement.
La Mission recommande donc la mise en place de la commission
interinstitutionnelle, prévue sous l'égide du Ministère de l'Intérieur pour
faciliter la mise à disposition à la CENI
de la liste des partis politiques agréés.
• Le projet
d'élire les députés provinciaux au suffrage indirect et de modifier le collège
électoral des Sénateurs et gouverneurs évoqué par la Président de la
République, lors de son allocution à l'Assemblée Nationale et
au Sénat, réunis en Congrès, n'avait pas été débattu lors des Concertations
Nationales, lancées en septembre 2013.
Ce projet
de changer le mode de scrutin pour des élections provinciales, qui est l'une
des options reprises par la CENI en
janvier 2014, a fait largement débat et suscité de vives
controverses à l'occasion du déploiement de la mission de suivi.
• Une
lecture attentive des dispositions de la Constitution permet d'argumenter sur
la possibilité de restreindre le collège électoral pour les élections
provinciales (Article 220 alinéa 2). Cependant
l'un des effets d'une telle révision constitutionnelle, si elle était validée,
serait de priver les 31 millions d'électeurs congolais de leur droit à élire
directement leurs députés provinciaux. Ce projet impose par ailleurs
d'organiser des élections locales, municipales et urbaines en amont.
• En ce qui
concerne le contentieux électoral, la Mission de suivi a pris note de la
promulgation de la loi organique portant organisation et fonctionnement de la
Cour constitutionnelle (13/026; 15 octobre 2013).
Elle émet
cependant quelques réserves quant à l'indépendance et l'autonomie de cette
dernière notamment en raison de l'intervention directe du pouvoir exécutif
pouvant limiter concrètement leur indépendance ainsi que les entorses faites
aux principes d'inamovibilité et irrévocabilité des juges. La Mission encourage
donc les autorités à adopter le statut particulier des juges en garantissant
l'indépendance de l'ordre judiciaire. La mission regrette par ailleurs
qu'aucune femme ne figure parmi les neuf membres nommés début juillet.
• Afin de lutter
contre l'impunité et en vue d'assurer les poursuites nécessaires, la RDC s'est
engagée dans un processus complexe de réforme du système judiciaire, prévoyant
notamment de scinder la Cour Suprême de Justice en trois entités : la Cour Constitutionnelle, le
Conseil d'Etat et la Cour de Cassation. A ce jour, la promulgation de loi
organique instituant le Conseil d'Etat et l'opérationnalisation des tribunaux
de paix, des tribunaux administratifs et des tribunaux de grande instance sur
l'ensemble du territoire est encore attendue. La mission invite également les autorités
à accélérer la formation des magistrats et l'opérationnalisation des
juridictions en charge du contentieux électoral.
• La loi
d'amnistie concernant les faits insurrectionnels, faits de guerre et infractions
politiques commis entre le 18 février 2006
et le 20 décembre 2013 a
été promulguée le 11 février 2014. Cette Loi est cependant critiquée
par une partie de la société civile et de l'opposition, qui déplorent que les
opposants politiques n'aient pu en bénéficier. Parmi les différents projets et
propositions de loi sur les chambres spécialisées mixtes élaborés depuis
2011,aucun n'a recueilli l'approbation du Parlement,.
• Les autorités
congolaises ont essayé de mettre en place de nouveaux mécanismes relatifs à la
protection des droits humains tels que l'Entité de liaison des droits de
l'Homme, la Cellule de protection des défenseurs des droits de l'homme.
Cependant, même si la loi relative à la Commission Nationale des Droits de
l'Homme a été promulguée; cette dernière n'est toujours pas fonctionnelle. La
mission de suivi regrette que les violations des droits humains se poursuivent
et que la lutte contre l'impunité demeure difficile. Les limitations relatives
à l'exercice des libertés fondamentales soulèvent des préoccupations quant à
l'instauration d'un cadre propice à la tenue des prochaines échéances
électorales.
• En raison de
leur domaine commun, de leur mode de désignation et de la non-harmonisation des
textes, des conflits de compétences demeurent entre l'autorité de régulation
des médias (CSAC) et le Ministère de la Communication. La Mission de suivi a par ailleurs
réitéré la nécessité de dépénaliser le délit de presse et de préciser les
attributions respectives du Ministère de la Communication et du CSAC.
• L'analyse du
calendrier électoral partiel couvrant les élections municipales, urbaines et
locales fait apparaître que les risques techniques et politiques liés à la
réalisation des opérations préalables au vote sont extrêmement élevés. Chacun
de ces risques pourrait entraver le bon déroulement du processus électoral,
entraîner des retards importants et, à terme, empêcher le respect de l'échéance
constitutionnelle pour la tenue des prochaines élections générales.
• S'il s'avérait
que les élections devaient être reportées pour des raisons techniques, il
serait alors possible que les autorités soulèvent l'exception de l'article 70 de
la Constitution permettant, dans son alinéa 2, qu' «à la fin de son
mandat, le Président de la République reste en fonction jusqu'à l'installation
effective du nouveau Président élu. » La Mission souhaite donc
attirer l'attention du législateur sur les possibles implications de la séquence électorale sur la stabilité du
pays et les probables reculs en matière d'Etat de droit.
• Le
soutien de l'Union européenne au processus électoral repose sur certaines
améliorations qui ont été clairement énoncées par la MOE UE de 2011. Dans son rapport spécial d'octobre 2013 intitulé
"l'Aide de l'UE à la gouvernance en
République démocratique du Congo", la Cour des comptes Européenne a
examiné si le soutien de l'UE était pertinent au regard des besoins et objectifs fixés.
Dans ce contexte, le Programme d'Appui au Cycle électoral (PACE) est le projet qui a reçu la plus mauvaise évaluation. La
Cour a estimé que le soutien de l'UE
serait plus efficace si l'UE exploitait mieux des mécanismes tels que le principe de
conditionnalité ou le dialogue politique.
• La Mission de
suivi électorale considère donc, compte tenu du contexte d'appropriation
nationale accrue et du redimensionnement des contributions financières des
partenaires techniques et financiers (PTF) dans lequel s'inscrit le processus
électoral, que la programmation des activités nouveau projet (PACEC) doit être
plus stratégique, portant davantage sur la qualité de l'expertise mise à
disposition et améliorant ainsi la transparence et l'intégrité du processus.
• La
modification du mandat de la Monusco a entraîné une reconfiguration de l'assistance
électorale apportée par le Système des Nations Unies. L'assistance technique a
été transférée au Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD),
alors que la Monusco continue de remplir sa mission de bons offices et de
soutien logistique au processus électoral. Il existe donc un risque réel de
désynchronisation entre les besoins en soutien logistique exprimés par la
CENI et les
capacités de réponse de la Monusco.
• Globalement,
la mission de suivi conclut à un début de mise en œuvre des recommandations de
la MOE UE
de 2011. En effet, même si la mise en œuvre
des recommandations de 2011 portant sur la
protection des libertés publiques n'est pas avérée, la promulgation de la loi
sur la Cour Constitutionnelle (Recommandation n01), la réforme
de la CENI, y compris la prise de fonction d'une nouvelle équipe (n09),
la promulgation de la loi portant financement public des partis politiques
(n°13), l'opération de fiabilisation du fichier électoral et de l'inscription
de l'audit externe au calendrier électoral (n°2, 3, 4)
ainsi que
le soutien à l'observation citoyenne (n°12) suggère l'amorce de changements
positifs. .
• La
Mission de suivi souhaite enfin tout particulièrement attirer l'attention des
autorités congolaises sur les points suivants :
•
- Le refus
des autorités de se prêter à un réel dialogue notamment au sujet de la séquence
des élections et du changement de mode de scrutin, risque de conduire le
processus électoral à une impasse.
- A
l'occasion de la table ronde du 13 juin 2014,
l'EU EFM a
recommandé la publication d'un calendrier électoral complet, consensuel et
assorti d'un budget détaillé.
- La
CENI devrait
envisager une révision inclusive du fichier électoral en amont des prochaines
échéances.
- A
l'occasion de la révision de la loi électorale, la Mission invite également le
législateur à réunir les conditions d'une compétition équitable.
- La
protection des libertés publiques et la lutte contre l'impunité doivent être
renforcées, notamment par l'abrogation des dispositions relatives au délit de
presse, la réglementation de la liberté de manifestation et la poursuite des
responsables de violations des droits humains.
- L'amélioration
de l'intégrité et de la transparence du processus électoral passe par une
meilleure prise en charge du contentieux ainsi que par l'amélioration de la
traçabilité et de la mise à disposition des résultats électoraux.
AMELIORER LA QUALITE DU FICHIER ELECTORAL
Recommandation/Reformulation Destinataires Délais
Statut
Recommandation MOE
UE 2011 n°2 : Audit du fichier électoral. Transparence et crédibilité du
fichier électoral CENI Court Terme Non réalisée
EUEFM 2014 : Procéder à un audit externe du fichier électoral : rechercher un consensus autour des modalités de l'audit externe inscrit au calendrier électoral (date, champ, prestataire) au sein des cadres de concertation CENI Moyen Terme
Recommandation n°3 MOE UE 2011: Révision du fichier électoral (Inclusivité et correction du fichier électoral -suppression des doublons- et mise à jour) CENI Long Terme Partiellement mise en œuvre
EUEFM 2014 : Organiser une révision inclusive (jeunes majeurs, non-inscrits) en amont des prochaines échéances électorales CENI Court Terme
Recommandation n°4 MOE UE 2011 : Révision du fichier électoral.
EUEFM 2014 : Procéder à un audit externe du fichier électoral : rechercher un consensus autour des modalités de l'audit externe inscrit au calendrier électoral (date, champ, prestataire) au sein des cadres de concertation CENI Moyen Terme
Recommandation n°3 MOE UE 2011: Révision du fichier électoral (Inclusivité et correction du fichier électoral -suppression des doublons- et mise à jour) CENI Long Terme Partiellement mise en œuvre
EUEFM 2014 : Organiser une révision inclusive (jeunes majeurs, non-inscrits) en amont des prochaines échéances électorales CENI Court Terme
Recommandation n°4 MOE UE 2011 : Révision du fichier électoral.
Mise en place d'une structure opérationnelle implantée
de manière continue au niveau local afin d'assurer la tenue d'un registre
électoral permanent CENI Moyen/Long Terme
En cours de réalisation
EUEFM 2014 Séparer le recensement administratif de la population de l'organisation des élections Inviter le Gouvernement à accélérer la mise en place de l'Office National d'Identification de la Population. Gouvernement Court/moyen Terme
GARANTIR UNE COMPETITION EQUITABLE
EUEFM 2014 Séparer le recensement administratif de la population de l'organisation des élections Inviter le Gouvernement à accélérer la mise en place de l'Office National d'Identification de la Population. Gouvernement Court/moyen Terme
GARANTIR UNE COMPETITION EQUITABLE
Recommandation/Reformulation Destinataires Délais
Statut
Recommandation MOE UE 2011 n°10 : Adoption d'une loi organique répartissant clairement les compétences entre le Ministère de la Communication et le CSAC. Parlement Moyen Terme Non réalisée
Inchangée Parlement Moyen Terme
Recommandation MOE UE 2011 n°13 : Mise en application de la loi sur le financement public des partis politiques et adoption d'une loi encadrant les dépenses de campagne. Pouvoirs Législatif et Judiciaire Ministère de l'intérieur Moyen Terme En cours de réalisation
Recommandation MOE UE 2011 n°10 : Adoption d'une loi organique répartissant clairement les compétences entre le Ministère de la Communication et le CSAC. Parlement Moyen Terme Non réalisée
Inchangée Parlement Moyen Terme
Recommandation MOE UE 2011 n°13 : Mise en application de la loi sur le financement public des partis politiques et adoption d'une loi encadrant les dépenses de campagne. Pouvoirs Législatif et Judiciaire Ministère de l'intérieur Moyen Terme En cours de réalisation
EUEFM 2014 : Encourager la mise en place
de la Commission interinstitutionnelle afin qu'elle examine les dossiers et
décide lesquels peuvent être qualifiés de partis politiques pouvant bénéficier
de financement public; Encourager les autorités concernées à libérer le
financement public destiné aux partis politiques afin de garantir l'égalité des
chances des partis politiques notamment en vue de la compétition électorale en
préparation ;
Inviter les autorités concernées à adopter une loi
encadrant les dépenses de campagne électorale et les partis politiques à
présenter des comptes certifiés Pouvoirs
Législatif et Judiciaire Ministère de l'intérieur
Court/ Moyen Terme
Recommandation MOE UE 2011 n°18 : Contrôle public des finances des partis politiques Parlement/ Ministère de l'Intérieur Moyen/Long Terme Supprimée
Supprimée, voir recommandation n013
Recommandation MOE UE 2011 n°19 : La mise en place de sanctions claires en cas de non-respect du droit des témoins à exiger des présidents de BV la mention de leurs observations et réclamations pendant le scrutin et le dépouillement, mais aussi lorsque l'un des membres du bureau de la CENI refuse de signer le PV de consolidation des résultats. Pouvoirs Législatif et Judiciaire/ CENI Moyen/Long Terme Supprimée
Supprimée, voir recommandation n08
Recommandation MOE UE 2011 n°20 : Renforcement des pouvoirs de sanction contre les actes de campagne en dehors du délai légal, contre l'utilisation des ressources de l'Etat, contre les atteintes aux libertés publiques pendant la campagne électorale et contre toute irrégularité dans les opérations de vote et de compilation des résultats. Parlement/ Judiciaire/ CENI Moyen/Long Terme Non réalisée
Recommandation MOE UE 2011 n°18 : Contrôle public des finances des partis politiques Parlement/ Ministère de l'Intérieur Moyen/Long Terme Supprimée
Supprimée, voir recommandation n013
Recommandation MOE UE 2011 n°19 : La mise en place de sanctions claires en cas de non-respect du droit des témoins à exiger des présidents de BV la mention de leurs observations et réclamations pendant le scrutin et le dépouillement, mais aussi lorsque l'un des membres du bureau de la CENI refuse de signer le PV de consolidation des résultats. Pouvoirs Législatif et Judiciaire/ CENI Moyen/Long Terme Supprimée
Supprimée, voir recommandation n08
Recommandation MOE UE 2011 n°20 : Renforcement des pouvoirs de sanction contre les actes de campagne en dehors du délai légal, contre l'utilisation des ressources de l'Etat, contre les atteintes aux libertés publiques pendant la campagne électorale et contre toute irrégularité dans les opérations de vote et de compilation des résultats. Parlement/ Judiciaire/ CENI Moyen/Long Terme Non réalisée
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire