Les autorités devraient créer une unité de police spéciale chargée de lutter contre cette menace
(Goma, le 16 décembre 2015) – Au moins 175 personnes ont été enlevées contre rançon en 2015 en République démocratique du Congo, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. Des membres actuels et anciens de groupes armés semblent être responsables de plusieurs cas de ces kidnappings.
La grande majorité des cas
documentés par Human Rights Watch ont eu lieu dans le Rutshuru, territoire de
la province du Nord-Kivu, dans l’est du pays. Au moins trois otages ont été
tués et un autre est décédé de ses blessures lors d’une tentative d’enlèvement.
Un autre otage est toujours porté disparu. Presque tous les otages ont été
relâchés après que des membres de leurs familles ou des employeurs aient payé
une rançon. Vingt des victimes étaient des travailleurs humanitaires congolais
et étrangers.
« La hausse alarmante du
nombre de kidnappings constitue une grave menace pour la population de l’est de
la RD Congo », a déclaré Ida Sawyer,
chercheuse senior de la division Afrique à Human Rights Watch. « Les
autorités congolaises devraient de toute urgence créer une unité de police
spéciale chargée d’aider à secourir les otages, et de mener des enquêtes et des
poursuites contre les ravisseurs. »
Human Rights Watch a mené des
entretiens auprès de 45 anciens otages et témoins dans le Nord-Kivu entre mai
et décembre. Ceux-ci ont indiqué que les ravisseurs opèrent en général en
groupes d’une dizaine d’individus ou plus, et sont souvent lourdement armés de
kalachnikovs et autres armes d’assaut militaires. Nombre d’entre eux portent
des tenues militaires et semblent appartenir, ou avoir appartenu, à l’un des
nombreux groupes armés actifs dans l’est de la RD Congo.
Les ravisseurs suivent souvent une
procédure similaire ; ils frappent, fouettent ou menacent leurs otages de
mort, leur demandant d’appeler leurs proches ou leurs employeurs afin de les
persuader de payer pour leur libération. Les ravisseurs ont souvent utilisé les
téléphones portables des victimes ou bien leurs propres téléphones afin de
négocier le paiement des rançons. Dans certains cas, les ravisseurs ont enlevé
un seul otage, et dans d’autres cas un groupe d’otages.
Dans un incident survenu le 2
septembre, des hommes armés ont enlevé une étudiante de 27 ans près de
l’hôpital général de Goma et l’ont emmenée au fin fond de la forêt, où
elle a été détenue avec d’autres otages. Les ravisseurs frappaient et
maltraitaient les otages, même en les brûlant avec des baïonnettes chauffées.
« Lorsque nous avons demandé de la nourriture, ils ont choisi un homme
parmi nous et l’ont tué en lui tranchant la gorge », a-t-elle confié à
Human Rights Watch. « ‘Si vous voulez manger, voilà la viande’, nous
ont-ils dit. » Elle a été détenue pendant neuf jours, et relâchée
après que sa famille ait versé une rançon.
Dans les cas documentés par Human
Rights Watch, les ravisseurs ont réclamé de 200 à 30.000 $US par otage, même si
les montants payés étaient souvent bien inférieurs à la somme réclamée, selon
des proches et d’anciens otages.
Les paiements de rançon ont souvent
entraîné de graves difficultés financières pour les familles. Un homme a été
obligé de vendre sa ferme afin de pouvoir rembourser l’argent emprunté par sa
famille pour payer la rançon de sa libération, laissant sa famille sans aucune
source de revenu.
Les ravisseurs ont également pris
pour cible des travailleurs de l’aide nationale et internationale, du personnel
sous contrat travaillant pour les Nations Unies, et des chauffeurs d’une
importante société de transport. Dans tous les cas, les otages ont ensuite été
relâchés. Aucune information n’a été rendue publique quant à savoir si des
rançons ont été versées.
Dans la plupart des cas documentés
par Human Rights Watch, les membres des familles des otages n’ont pas informé
la police ni d’autres autorités à propos du kidnapping, soit parce qu’ils
pensaient qu’ils n’obtiendraient aucune aide, soit parce qu’ils craignaient que
cela n’empire la situation et ne les expose à d’autres actes d’extorsion de la
part des autorités pour toute aide fournie. Une ancienne otage a indiqué que
lorsque sa mère a informé un fonctionnaire judiciaire à Goma du fait que sa
fille avait été kidnappée, celui-ci s’est contenté de répondre que la mère
devrait « aller payer ».
Au moins 14 personnes ont été
kidnappées à proximité de zones où des militaires congolais étaient basés,
amenant certaines des victimes et de leurs familles à se demander si les
militaires pouvaient s’être rendus complices. Human Rights Watch n’a trouvé
aucune preuve indiquant que des militaires congolais aient participé aux
kidnappings, mais certains des individus impliqués semblent être ou avoir été
des membres de groupes armés que des officiers de l’armée congolaise avaient
armés ou soutenus par le passé.
L’un des groupes impliqués est les Forces de défense des intérêts du peuple congolais (FDIPC)
qui a collaboré avec l’armée congolaise pendant les opérations militaires
contre le groupe rebelle M23 en 2012 et 2013, selon les recherches de Human
Rights Watch et de l’ONU. D’anciens otages et des autorités locales ont affirmé
à Human Rights Watch que des combattants et anciens combattants des FDIPC
étaient responsables de certains des enlèvements.
Le 14 avril, les autorités congolaises ont arrêté le chef militaire des FDIPC, Jean Emmanuel Biriko (connu sous le nom de Manoti), son épouse, ainsi qu’une dizaine de ses combattants et les ont mis en accusation pour enlèvement, entre autres crimes. Leur procès s’est ouvert dès le lendemain devant un tribunal militaire dans la ville de Rutshuru. Le 18 mai, à la suite de procédures profondément entachées d’irrégularités au cours desquelles les droits des accusés ont été violés, le tribunal a condamné à mort Manoti et dix de ses co-accusés pour appartenance à un gang criminel. Bien que la peine de mort soit encore autorisée en RD Congo, un moratoire sur les exécutions est en vigueur depuis 2003. Human Rights Watch est opposé en toutes circonstances à la peine de mort, en tant que sanction inhumaine et irrévocable.
Au cours du procès, Manoti a prétendu avoir collaboré avec plusieurs officiers de l’armée congolaise, dont un qui, selon lui, était impliqué dans les enlèvements. Human Rights Watch n’a pu identifier aucune enquête judiciaire menée sur le rôle présumé de ces officiers de l’armée ni sur d’autres, même si des responsables gouvernementaux et de l’armée sont au courant de ces allégations. Un officier haut-gradé du renseignement militaire a reconnu auprès de Human Rights Watch que Manoti « pourrait avoir travaillé avec certains des militaires » durant les incidents de kidnapping.
Le 14 avril, les autorités congolaises ont arrêté le chef militaire des FDIPC, Jean Emmanuel Biriko (connu sous le nom de Manoti), son épouse, ainsi qu’une dizaine de ses combattants et les ont mis en accusation pour enlèvement, entre autres crimes. Leur procès s’est ouvert dès le lendemain devant un tribunal militaire dans la ville de Rutshuru. Le 18 mai, à la suite de procédures profondément entachées d’irrégularités au cours desquelles les droits des accusés ont été violés, le tribunal a condamné à mort Manoti et dix de ses co-accusés pour appartenance à un gang criminel. Bien que la peine de mort soit encore autorisée en RD Congo, un moratoire sur les exécutions est en vigueur depuis 2003. Human Rights Watch est opposé en toutes circonstances à la peine de mort, en tant que sanction inhumaine et irrévocable.
Au cours du procès, Manoti a prétendu avoir collaboré avec plusieurs officiers de l’armée congolaise, dont un qui, selon lui, était impliqué dans les enlèvements. Human Rights Watch n’a pu identifier aucune enquête judiciaire menée sur le rôle présumé de ces officiers de l’armée ni sur d’autres, même si des responsables gouvernementaux et de l’armée sont au courant de ces allégations. Un officier haut-gradé du renseignement militaire a reconnu auprès de Human Rights Watch que Manoti « pourrait avoir travaillé avec certains des militaires » durant les incidents de kidnapping.
L’arrestation de Manoti et de ses
hommes n’a pas mis fin aux enlèvements. La majorité des cas documentés par
Human Rights Watch en 2015 s’est produite après leur arrestation. Si les
autorités congolaises affirment qu’elles ont arrêté d’autres ravisseurs
présumés, aucun d’entre eux n’a été traduit en justice.
Invoquant « l’ampleur
incommensurable » des kidnappings dans l’est de la RD Congo, la
Commission Défense et Sécurité de l’Assemblée Nationale a tenu une audition le
3 décembre avec le Vice-Premier ministre et ministre de l’Intérieur Évariste
Boshab au sujet de la réponse du gouvernement. Boshab a répondu que la
situation est « vraiment très préoccupante » et « compte
parmi les grands défis sécuritaires auxquels le gouvernement est confronté en
ce moment ».
Trois membres de la commission ont indiqué qu’il avait été décidé d’établir une commission d’enquête parlementaire afin d’enquêter sur les enlèvements et sur l’éventuelle complicité de membres du gouvernement et des services de sécurité, d’évaluer ce qui a déjà été fait et de formuler des recommandations.
Trois membres de la commission ont indiqué qu’il avait été décidé d’établir une commission d’enquête parlementaire afin d’enquêter sur les enlèvements et sur l’éventuelle complicité de membres du gouvernement et des services de sécurité, d’évaluer ce qui a déjà été fait et de formuler des recommandations.
Human Rights Watch
a préconisé vivement à la commission de soutenir la création d’une unité de
police spéciale chargée de documenter les affaires de kidnapping et d’y répondre,
d’identifier et d’arrêter les ravisseurs présumés, de signaler les allégations
de complicité entre les ravisseurs et des officiels, et de travailler avec les
membres du système judiciaire pour traduire les coupables en justice dans des
procès équitables et crédibles.
« Mettre
fin à la menace de kidnapping devrait constituer une haute priorité pour le
gouvernement congolais », a conclu Ida Sawyer. « Les autorités
devraient non seulement traduire les individus responsables en justice dans le
cadre de procès équitables, mais également identifier et agir contre tout
fonctionnaire impliqué. »
Les enlèvements
Human Rights Watch a confirmé les enlèvements contre rançon de 172 Congolais et de trois ressortissants étrangers lors de 35 incidents distincts dans le Rutshuru, deux dans le territoire du Nyirangongo, un dans le Walikale, et quatre à Goma en 2015. Le nombre actuel des cas est probablement beaucoup plus élevé. Human Rights Watch a également recueilli des informations au sujet de cas de kidnappings dans la ville de Butembo et dans le territoire de Beni, mais ces incidents sont au-delà de la portée de des recherches décrites ici.
La plupart des enlèvements
documentés par Human Rights Watch ont eu lieu dans des zones contrôlées
antérieurement par le M23, un groupe rebelle soutenu par le Rwanda qui s’est
rendu coupable de crimes de guerre généralisés entre début 2012
et fin 2013, lorsque l’armée congolaise et les forces de l’ONU ont vaincu le
groupe. Un nouveau programme national de Désarmement, démobilisation et
réintégration (DDR) chargé de désarmer les anciens combattants du M23 et
d’autres groupes armés, et de leur proposer d’autres opportunités économiques
n’est pas encore pleinement opérationnel. Les combattants de divers groupes
armés qui se sont rendus au cours des deux dernières années ont été envoyés
dans des camps de regroupement où ils ont attendu pendant des mois, souvent
dans des conditions épouvantables, que le programme commence. Certains
ont abandonné les camps, lassés d’attendre, et sont revenus à leurs groupes
armés ou bien se sont tournés vers une autre activité criminelle, notamment le
kidnapping.
Plusieurs cas des enlèvements se
sont produits sur les routes principales des territoires du Rutshuru et de
Nyiragongo, au Nord-Kivu, y compris celles de Rutshuru à Rwindi, de Nyiragongo
à Rutshuru, de Rutshuru à Nyamilima, de Rwindi à Nyanzale, et de Rutshuru à
Bunagana.
Human Rights Watch a constaté que les victimes n’ont pas été choisies en fonction de leur appartenance ethnique. La grande majorité d’entre elles étaient des hommes. Si des femmes étaient capturées, elles étaient souvent volées et immédiatement relâchées. Human Rights Watch a documenté cinq cas de femmes prises en otages. L’âge des victimes variait de 4 à 70 ans. Les ravisseurs ont pris des personnes pour cible sur des routes, dans des fermes, dans des maisons et dans des écoles. Les personnes ont été détenues sur des durées allant de huit heures à neuf jours.
Human Rights Watch a constaté que les victimes n’ont pas été choisies en fonction de leur appartenance ethnique. La grande majorité d’entre elles étaient des hommes. Si des femmes étaient capturées, elles étaient souvent volées et immédiatement relâchées. Human Rights Watch a documenté cinq cas de femmes prises en otages. L’âge des victimes variait de 4 à 70 ans. Les ravisseurs ont pris des personnes pour cible sur des routes, dans des fermes, dans des maisons et dans des écoles. Les personnes ont été détenues sur des durées allant de huit heures à neuf jours.
Les conclusions de Human Rights
Watch s’appuient sur quatre missions de recherche à Kibirizi, Kiwanja, et
Kibumba dans les territoires du Rutshuru et Nyiragongo, et sur des entretiens
menés en personne et par téléphone à Goma. Au total Human Rights Watch s’est
entretenu avec plus de 70 anciens otages, témoins, défenseurs des droits
humains, hommes d’affaires, autorités locales et coutumières, agents du
gouvernement, membres de la police et du renseignement militaire, et du
personnel civil de la mission de maintien de la paix de l’ONU.
Témoignages d’anciens otages
Témoignages d’anciens otages
Une jeune femme de 19 ans kidnappée
à Goma le 18 septembre après avoir accepté une offre de trajet en voiture de la
part de trois hommes :
Une autre fille se trouvait aussi
dans la voiture quand je suis montée. Quand nous avons réalisé qu’ils nous
emmenaient dans la mauvaise direction, nous nous sommes mises à crier. Le
conducteur s’est alors penché vers l’arrière et il m’a mis du ruban adhésif sur
la bouche et les yeux. Il a fait la même chose pour l’autre fille. Ils m’ont
lié les pieds et les mains avec une ceinture. Je ne savais pas où j’étais ni où
nous allions. Un peu plus tard, la voiture a klaxonné et deux hommes m’ont
portée dans une maison. Plus tard ce jour-là, ils m’ont injecté quelque chose
et j’ai perdu connaissance.
Elle a été relâchée neuf jours plus
tard, après que sa famille a versé 300 $US aux kidnappeurs. Après avoir
consulté un docteur, elle a appris qu’elle avait été violée pendant qu’elle
était inconsciente.
Une étudiante de 27 ans a été kidnappée à 11:00 du matin le 2 septembre près de l’hôpital général de Goma : Je me rendais à l’université quand une voiture a klaxonné derrière moi. L’un des passagers m’a appelée par le nom de famille de mon père. Ils m’ont dit qu’ils avaient essayé de joindre mon frère par téléphone pour lui remettre un paquet mais qu’il ne l’avait pas pris. Ils m’ont demandé de venir le chercher avec eux. J’ai eu le courage de monter dans la voiture parce qu’ils connaissaient mon père. Je ne connaissais aucun d’entre eux. Quand nous sommes passés devant l’hôtel Karibu, j’ai perdu connaissance. Je ne sais pas comment. Le lendemain, je me suis retrouvée dans une forêt. Il y avait d’autres personnes qui avaient été kidnappées : des enfants, des hommes et des femmes. Nous avons tous été battus. Ils plaçaient une baïonnette dans le feu puis nous la posaient sur le ventre. C’était horriblement douloureux. Un jour, quand nous avons demandé à manger, ils ont choisi un homme parmi nous et l’ont tué en lui tranchant la gorge. « Si vous voulez manger, voilà la viande », nous ont-ils dit. Ma famille a envoyé 7.000 $US via Airtel Money. Je ne sais pas ce qui s’est passé ensuite mais quand je me suis réveillée je me suis retrouvée devant [la ville de] Sake.
Une étudiante de 27 ans a été kidnappée à 11:00 du matin le 2 septembre près de l’hôpital général de Goma : Je me rendais à l’université quand une voiture a klaxonné derrière moi. L’un des passagers m’a appelée par le nom de famille de mon père. Ils m’ont dit qu’ils avaient essayé de joindre mon frère par téléphone pour lui remettre un paquet mais qu’il ne l’avait pas pris. Ils m’ont demandé de venir le chercher avec eux. J’ai eu le courage de monter dans la voiture parce qu’ils connaissaient mon père. Je ne connaissais aucun d’entre eux. Quand nous sommes passés devant l’hôtel Karibu, j’ai perdu connaissance. Je ne sais pas comment. Le lendemain, je me suis retrouvée dans une forêt. Il y avait d’autres personnes qui avaient été kidnappées : des enfants, des hommes et des femmes. Nous avons tous été battus. Ils plaçaient une baïonnette dans le feu puis nous la posaient sur le ventre. C’était horriblement douloureux. Un jour, quand nous avons demandé à manger, ils ont choisi un homme parmi nous et l’ont tué en lui tranchant la gorge. « Si vous voulez manger, voilà la viande », nous ont-ils dit. Ma famille a envoyé 7.000 $US via Airtel Money. Je ne sais pas ce qui s’est passé ensuite mais quand je me suis réveillée je me suis retrouvée devant [la ville de] Sake.
Un groupe de femmes à proximité l’ont
aidée à trouver un téléphone pour appeler sa famille et rentrer à Goma neuf
jours après son enlèvement. Elle est suivie par un psychologue pour les effets
secondaires de l’expérience.
Un homme de 48 ans, appartenant à
l’ethnie Shi, a été kidnappé avec six autres sur la route Rwindi-Kibirizi, dans
le territoire de Rutshuru, en juillet :
Trois hommes armés nous attendaient
dans le parc…Ils ont tendu une corde en travers de la route pour nous obliger à
nous arrêter. C’était effrayant. Certains d’entre nous se sont urinés dessus. Nous ne savions à quel saint
nous vouer. Ils ont pillé systématiquement le véhicule et chacun de nous a dû
donner son téléphone portable et tout l’argent que nous possédions. Peu après,
ils nous ont donné l’ordre de nous mettre en marche. Dans la forêt, nous avons
rencontré onze autres hommes qui se cachaient. Ils avaient tous des armes à
feu, nous avons marché très longtemps jusqu’à installer un campement en pleine
forêt [du Parc national de la Virunga].
Le lendemain, leur chef nous a dit :
« Nous pouvons faire de vous ce que nous voulons. Nous sommes seuls
avec vous. Nous pouvons même vous couper la tête et vous donner aux animaux du
parc. Nous pouvons vous garder ici pendant six mois et personne ne pourra rien
faire pour vous. Nous savons que vous n’avez pas d’argent sur vous ici, mais
vos familles en ont. Alors, nous allons vous donner vos téléphones [portables]. »
Alors chacun de nous s’est vu rendre son téléphone pour trouver un ou deux
numéros de nos familles. « Vous allez leur dire que vous êtes dans le
parc avec les lions et qu’ils doivent apporter chacun 1.000 $US pour votre
libération. C’est urgent. Ce n’est pas négociable », [a dit le
kidnappeur].
La victime a été relâchée trois
jours plus tard après le versement de 1.000 $US par des membres de sa famille.
Un homme d’affaires de 53 ans, enlevé avec seize autres hommes le 17 mai à Mabenga, territoire de Rutshuru :
Nous nous trouvions dans un bus
public allant à Mabenga quand nous avons rencontré des bandits qui se sont mis
à tirer en l’air puis dans nos pneus. L’un des passagers a été tué
immédiatement … une autre personne a été blessée. Je voulais fuir mais un des
bandits a déclaré : « À ceux qui osent fuir, nous vous tuerons de la
même façon. » … les femmes qui se trouvaient avec nous dans le bus
n’ont pas été prises. Nous n’étions que des hommes, 17 en tout.
Quand les FARDC [l’armée congolaise]
ont appris notre enlèvement, ils sont venus nous aider. Ils ont tiré un grand
nombre de coups de feu sur les ravisseurs. L’un des bandits a dit : « Votre
armée veut vous libérer, nous allons vous montrer qui nous sommes. »
Immédiatement ils ont tiré sur un [des otages], qui est mort ensuite dans les
champs.
Les passagers ont été relâchés par
la suite, l’un après l’autre, contre des rançons allant de 500 à 4.000 $US.
L’homme d’affaires a été relâché en même temps que son neveu au bout de neuf jours
et contre un paiement de 1.000 $US.
Un homme de 31 ans dont la famille a
versé 1.500 $US après son enlèvement à Mabenga, territoire de Rutshuru, et qui
a été détenu pendant deux jours à la mi-mai :
En ce moment, ma famille est dans la
misère totale. Nous n’avons plus d’argent …J’ai perdu mon travail après
l’enlèvement. Je ne sais pas pourquoi. Alors je suis désormais un homme sans
emploi à la maison.
Un chauffeur de bus âgé de 40 ans et
appartenant à l’ethnie Hunde, a été enlevé par quatre assaillants le 12 mai à
Rugari, territoire de Rutshuru :
J’étais dans le véhicule juste après
Rugari quand quatre hommes armés ont surgi devant nous. Ils ont commencé à nous
tirer dessus. Un des passagers a été touché au bras. J’ai immédiatement stoppé
le bus. Ils n’ont pris que moi. Ils m’ont emmené dans la forêt.… Ils m’ont
bandé les yeux et ils m’ont dit : « Nous aurions pu t’enlever hier
quand tu revenais de Rutshuru mais tu étais avec une délégation de politiciens.
Ce matin quand tu es sorti du parking à Goma, nos éclaireurs nous ont informés
que tu étais en route. Maintenant, nous t’avons et tu es entre nos mains. Notre
objectif est de te tuer. Si tu ne veux pas que nous mettions fin à ta vie, tu
dois nous donner 10.000 $US. »
Sa famille a laissé 2.000 $US dans
une veste pendue à un arbre deux jours plus tard comme rançon, obtenant sa
libération. Il a ensuite perdu son travail parce que son employeur ne lui faisait
plus confiance après l’incident.
Un enseignant de 62 ans a été enlevé
chez lui à Bukoma, territoire de Rutshuru, le 9 mai : C’était
20h00 et je mangeais avec ma famille quand trois hommes armés sont entrés chez
moi, m’appelant par mon nom. Sous la menace des armes et devant mes enfants
tremblant de peur, je leur ai donné tout l’argent que j’avais dans la maison.
Mais ça ne leur suffisait pas alors ils m’ont pris en otage et ont demandé une
rançon pour me libérer.
Il a été relâché le lendemain, après que ses collègues aient collecté de toute urgence 1.500 $US de plus pour payer les kidnappeurs.
Il a été relâché le lendemain, après que ses collègues aient collecté de toute urgence 1.500 $US de plus pour payer les kidnappeurs.
Un home de 24 ans, vendeur de crédit
de téléphones portables, kidnappé le 5 mai près de Rwindi, territoire de
Rutshuru :
Nous venions de dépasser Rwindi
lorsqu’un homme en uniforme militaire est apparu au bord de la route et s’est
mis à tirer en l’air. Le chauffeur du bus s’est arrêté immédiatement et nous
avons réalisé que nous étions encerclés par neuf autres bandits. Ils portaient
également des uniformes militaires et ont commencé à tirer en l’air. On se
serait cru en guerre.
Les bandits nous ont forcés à les
suivre dans la forêt. Personne n’a essayé de résister. Nous étions quatorze
hommes. Ils n’ont pris aucune des femmes. Ils les ont seulement volées et leur
ont dit de rester dans le bus. Dans la forêt ils ont commencé à nous battre.
Ils nous ont sévèrement fouettés. Nous ne pouvions rien faire à part crier.
Personne n’aurait pu venir à notre aide dans la forêt.…
Je ne peux même pas compter le
nombre de coups de fouet que j’ai reçus. Après nous avoir fouettés, ils nous
ont dit en swahili : « Nous voulons vous tuer maintenant. »
ils ont demandé au second chauffeur [de bus] : « Il te reste de
l’argent? » Il leur a dit qu’il n’avait plus rien. Immédiatement, ils
lui ont mis un couteau sous la gorge en disant : « Nous allons te tuer
maintenant. » Il s’est mis à pleurer bruyamment en les suppliant de
l’épargner. Grâce à Dieu, il n’a pas été tué. Ensuite ils s’en sont pris à moi
en me demandant de l’argent. J’étais allongé sur le sol avec une machette sur
le cou. J’ai prié. « Seigneur, recevez mon âme ! » Ils
m’ont lâché, mais j’ai été fouetté de nouveau jusqu’à ce que je n’en puisse
plus.
Il a été relâché avec les treize
autres hommes après trois jours de captivité, lorsque leurs familles ont payé
des rançons.
Un chauffeur de bus a été attaqué
avec 18 de ses passagers et son assistant le 4 mai, dans le territoire de
Rutshuru : Nous étions à deux kilomètres de Burai quand nous
avons dépassé une position de l’armée. Environ 150 mètres devant nous, il y
avait une autre de leurs positions. Soudain, j’ai vu un homme non armé portant
une cape de pluie. Il m’a fait signe de m’arrêter et s’est placé au milieu de
la route. J’ai commencé à ralentir. Puis, sur ma gauche, un homme armé en
vêtements civils a tiré dans un des pneus du bus. Mon assistant et les
passagers ont commencé immédiatement à descendre du bus. Pendant ce temps, deux
autres assaillants sont arrivés et m’ont tiré hors du véhicule. Ils ont pillé
le bus et tous les passagers. Ils m’ont emmené tout seul dans la forêt.
Le chauffeur a été libéré trois
jours plus tard après le paiement d’une rançon de 1.200 $US.
Un chauffeur de bus de 45 ans kidnappé avec l’un de ses passagers en mai à Busendu, territoire de Rutshuru :
Un chauffeur de bus de 45 ans kidnappé avec l’un de ses passagers en mai à Busendu, territoire de Rutshuru :
Les bandits nous ont arrêtés et ont
confisqué nos téléphones portables. Nous nous trouvions à 500 mètres d’une
position des FARDC et de l’endroit où étaient postés les gardes forestiers [de
Virunga]. Ils se sont contentés de tirer en l’air, mais ils ne sont pas venus à
notre aide. L’un des [deux] assaillants a également tiré en l’air tandis que
l’autre bandit nous conduisait dans la forêt.
Les deux otages ont été relâchés
deux jours plus tard contre une rançon de 3.000 $US.
Le père d’un vacher de 17 ans à Bwito, territoire de Rutshuru, qui a été kidnappé et ensuite tué par des combattants présumés des Forces démocratiques pour la libération du Rwanda (FDLR), un groupe armé composé essentiellement de Hutus rwandais actif dans l’est de la RD Congo : Tôt le matin du 2 avril, j’ai demandé à mon fils d’aller aux pâturages porter du sel et des médicaments pour les vaches aux bergers. [Plus tard ce jour-là] un combattant des FDLR m’a appelé et il a passé le téléphone à mon fils. « Papa, je suis avec les FDLR », a-t-il dit. « Ils demandent 3.000 $US. » Avant que mon fils puisse continuer, ils lui ont repris le téléphone. « Nous n’avons pas assez de temps pour discuter ça avec toi. Si l’argent n’arrive pas ici avant 15h00, nous n’allons te laisser que le cadavre de ton fils. » Un peu plus tard, après trois heures il me semble, ils ont rappelé. « Il te reste moins de deux heures pour réagir. » Plus tard ils m’ont néanmoins rappelé disant qu’ils étaient pourchassés par les FARDC. « Il nous faut bouger. » Ensuite, ils ont expliqué où apporter l’argent. Quand j’y suis arrivé, j’ai vu le corps de mon fils, abandonné, décapité. Je ne savais plus que faire. J’ai pleuré … j’ai enterré mon fils le lendemain matin.
Le père d’un vacher de 17 ans à Bwito, territoire de Rutshuru, qui a été kidnappé et ensuite tué par des combattants présumés des Forces démocratiques pour la libération du Rwanda (FDLR), un groupe armé composé essentiellement de Hutus rwandais actif dans l’est de la RD Congo : Tôt le matin du 2 avril, j’ai demandé à mon fils d’aller aux pâturages porter du sel et des médicaments pour les vaches aux bergers. [Plus tard ce jour-là] un combattant des FDLR m’a appelé et il a passé le téléphone à mon fils. « Papa, je suis avec les FDLR », a-t-il dit. « Ils demandent 3.000 $US. » Avant que mon fils puisse continuer, ils lui ont repris le téléphone. « Nous n’avons pas assez de temps pour discuter ça avec toi. Si l’argent n’arrive pas ici avant 15h00, nous n’allons te laisser que le cadavre de ton fils. » Un peu plus tard, après trois heures il me semble, ils ont rappelé. « Il te reste moins de deux heures pour réagir. » Plus tard ils m’ont néanmoins rappelé disant qu’ils étaient pourchassés par les FARDC. « Il nous faut bouger. » Ensuite, ils ont expliqué où apporter l’argent. Quand j’y suis arrivé, j’ai vu le corps de mon fils, abandonné, décapité. Je ne savais plus que faire. J’ai pleuré … j’ai enterré mon fils le lendemain matin.
Un fermier de 51 ans a été kidnappé
ainsi que trois personnes travaillant pour l’ONU, le 23 avril dans le Parc
national de la Virunga, territoire de Rutshuru : Je coupais
du bois pour le feu lorsque deux hommes sont arrivés derrière moi. « Si
tu t’enfuis on va te tuer. »Ils étaient tous les deux armés et
portaient des vêtements civils. Ils m’ont obligé à marcher. Au bout de quelques
mètres, j’ai découvert trois autres hommes enlevés. Ils étaient gardés par
quatre hommes. Ceux-ci m’ont dit de m’asseoir. Dans la soirée, ils nous ont
demandé de nous lever et de nous remettre en marche. À Gishanga, nous avons
rencontré un autre groupe d’hommes armés. Ils étaient des dizaines. Les
kidnappeurs portaient six cartons de munitions. Ces hommes n’étaient pas des
FDLR parce qu’ils étaient en majorité des Tutsis [membres d’un groupe ethnique
peu susceptibles de faire partie des FDLR essentiellement Hutus]. Ils savaient
où les FDLR avaient leurs positions et donc nous avons pu les éviter et aller à
Kalengera, Tongo et finalement à Burungu.
Le samedi 25 avril, ils nous ont
laissé partir après que nos familles aient versé de l’argent pour notre
libération. L’un des membres de leur famille s’était vu demander d’envoyer de
l’argent sur un compte en banque à Gisenyi au Rwanda. C’est moi qui ai ramené
les [trois] hommes jusqu’à Kibumba. Les kidnappeurs m’ont donné une machette
pour tailler un chemin dans la forêt.
Un homme de 52 ans, père de dix
enfants, kidnappé pendant trois jours à Busendo, territoire de Rutshuru, en
avril : J’ai dû travailler immédiatement pour trouver de l’argent afin de
rembourser ma dette. Je ne sais pas comment faire. J’ai beaucoup de problèmes.
J’ai été obligé de vendre mon champ pour obtenir 200 $US. La situation à Binza
[territoire de Rutshuru] est vraiment mauvaise. Nous ne restons plus chez nous,
mais dans nos champs. Il n’y a aucune sécurité. Nous sommes coincés.
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