Human Rights Watch est profondément
préoccupée par la réaction de certaines autorités de la République démocratique
du Congo au sujet d’une réunion de représentants de l’opposition politique et
de la société civile à Dakar, au Sénégal, du 12 au 14 décembre 2015. La réunion
était co-organisée par un mouvement d’action civique de jeunes congolais,
Filimbi, et par Konrad Adenauer Stiftung, une fondation allemande pour la
démocratie qui a aussi en partie financée la rencontre.
Selon les organisateurs et les participants
à la rencontre de Dakar, elle consistait à discuter d’une stratégie commune
pour encourager des actions non violentes afin de tenir les élections
présidentielles dans le délai et le transfert pacifique de pouvoir au nouveau
président démocratiquement élu en 2016, conformément à la constitution et aux
lois congolaises.
La rencontre de Dakar a rassemblé
des leaders politiques, des représentants de la société civile, et des
activistes des mouvements de jeunes congolais. Des leaders politiques de Namibie,
du Togo, de la Tanzanie et d’autres pays africains ont aussi participé à cette
rencontre pour échanger des points de vue sur leurs expériences et discuter des
défis électoraux à travers le continent Africain.
Cette année, des leaders de l’opposition
et de la société civile congolaise ont dénoncé à plusieurs reprises les tentatives visant à
proroger le mandat du Président Joseph Kabila, au-delà de deux mandats
autorisés par la constitution, qui prennent fin en décembre 2016.
Le 13 décembre, dans une interview
avec l’Agence France Presse (AFP), Lambert Mende, le ministre congolais des
Médias, a dit qu’il avait des « éléments » indiquant que l’objectif
de la rencontre de Dakar était de « déstabiliser les institutions » de la
RD Congo. Il a dit que l’attitude des autorités sénégalaises qui ont autorisé
la rencontre était « inacceptable » et que cela « dénote d’une
forte dose d’irresponsabilité ».
Réaction d’Ida Sawyer, chercheuse
senior de la division d’Afrique à Human Rights Watch :
« Il n’y a rien d’illégal ou de
déstabilisant lorsque les Congolais exercent leur droit de se réunir pour
discuter des élections ou de planifier des manifestations pacifiques, que ce
soit en RD Congo ou ailleurs.
Les allégations par les autorités
congolaises selon lesquelles les personnes qui discutent ou dénoncent une
prorogation du mandat du Président Kabila, au-delà de deux mandats autorisés par
la constitution, conspireraient à déstabiliser les institutions congolaises ou
complotent des actes criminels, sont sans fondement.
De telles remarques ne sont que le
dernier exemple d’efforts du gouvernement congolais visant à réprimer
l’opposition politique et d’autres personnes perçues comme opposants au
gouvernement. Tous les citoyens congolais ont le droit de tenir des réunions,
de discuter des élections, et d’organiser et de participer à des manifestations
pacifiques sans être emprisonnés, maltraités, menacés ou tués par les forces de
sécurités ou les officiels du gouvernement, comme cela a souvent été le cas au
cours de ces douze derniers mois.
Les autorités congolaises devraient
prendre des mesures dans les plus brefs délais pour mettre fin à la
préoccupante répression politique et pour s’assurer que tous les Congolais – y
compris les participants à la rencontre de Dakar – ont la possibilité de
d’exprimer librement leurs opinions et participer à des réunions, des
manifestations et d’autres activités pacifiques.»
Contexte
La rencontre à Dakar était
co-organisée par Filimbi, un mouvement d’action civique de jeunes congolais. A
la fin d’un atelier dans la capitale congolaise, Kinshasa, en mars 2015 pour
lancer Filimbi, environ 30 personnes étaient arrêtées, dont des activistes de mouvements des jeunes
congolais et ouest africains, des journalistes, des musiciens et d’autres
personnes. A l’époque, le ministre congolais des Medias, Lambert Mende,
accusait Filimbi de planifier des « activités terroristes » et
une « insurrection violente ».
Une mission « d’information
parlementaire », établit le 27 mars pour examiner la manière dont les
services de sécurité ont géré le dossier Filimbi, n’a trouvé aucune preuve
démontrant que les dirigeants de Filimbi et les participants à l’atelier étaient
impliqués dans la commission ou la préparation d’actes terroristes ou d’autres
crimes violents. L’Assemblée nationale de la RD Congo a par la suite recommandé
une « solution politique » qui permettrait la libération des
activistes de Filimbi qui sont en détention et d’abandonner toutes les charges
contre les représentants de Filimbi. A ce jour, deux activistes de Filimbi
restent en détention : Fred Bauma et Yves Makwambala. D’autres
représentants de Filimbi craignent être arrêtés s’ils retournent en RD Congo et
ont cherché asile à l’étranger.
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