Répression accrue à l’encontre des opposants politiques
De hauts responsables des forces de sécurité et du parti au
pouvoir en République démocratique du Congo semblent avoir recruté des voyous en vue d’attaquer
une manifestation politique pacifique dans la capitale, Kinshasa, a déclaré le
6 octobre 2015 Human Rights Watch.
Le 15 septembre 2015, un groupe de jeunes a violemment
attaqué un rassemblement public organisé par des dirigeants de l’opposition
politique pour appeler le président Joseph Kabila à quitter ses fonctions à
l’issue de ses deux mandats constitutionnellement autorisés en
décembre 2016. Armés de gourdins et de bâtons en bois, les assaillants ont
frappé les manifestants, répandant la peur et le chaos dans la foule de
plusieurs milliers de protestataires. Plus d’une dizaine de manifestants ont
été blessés, dont certains ont été piétinés alors qu’ils tentaient de fuir.
« Les citoyens
congolais ont le droit de manifester pacifiquement à propos des limites du
mandat présidentiel sans se faire attaquer par des voyous recrutés à cet
effet », a déclaré Ida Sawyer, chercheuse senior
auprès de la division Afrique à Human Rights Watch. « L’implication
apparente de hauts responsables de la sécurité et du parti au pouvoir dans les attaques
violentes montre jusqu’où les autorités sont capables d’aller pour stopper les
manifestations de l’opposition. »
Human Rights Watch a observé la manifestation du
15 septembre, et a par la suite interrogé des victimes et des
témoins, des professionnels de santé et plusieurs assaillants. Parmi les
assaillants figuraient des membres de la Ligue des Jeunes du Parti du Peuple
pour la Reconstruction et la Démocratie (PPRD) de Kabila, parmi lesquels
beaucoup sont connus comme pratiquant des arts martiaux, ainsi que des jeunes
ayant des liens avec Vita Club, l’une des principales équipes de football de
Kinshasa. Des agents de l’Agence nationale de renseignements (ANR), de la
police et de l’armée, tous en tenue civile, auraient également pris part à l’attaque.
Plusieurs jeunes hommes qui ont reconnu avoir participé à
l’attaque ont affirmé à Human Rights Watch qu’ils se trouvaient parmi plus
de 100 jeunes recrutés par de hauts responsables de la sécurité et des
responsables du PPRD. Ils ont indiqué que chaque recrue était payée environ
65 USD. Les jeunes hommes ainsi recrutés ont expliqué qu’ils ont été
invités à se rassembler dans un camp militaire à Kinshasa la nuit précédente et
qu’ils ont « reçu des instructions sur la manière de mener l’attaque ».
L’un d’entre eux a raconté : « On nous a dit de commencer à
attaquer les manifestants et de semer le désordre dès que l’un des leaders de
l’opposition insulterait le président Kabila ». Un moyen de transport
a été mis à la disposition des recrus le lendemain matin, pour les conduire
jusqu’au quartier où la manifestation de l’opposition se déroulait.
La police déployée pour assurer la sécurité lors de la
manifestation n’a pas stoppé les assaillants armés de bâtons lorsqu’ils sont
arrivés, mais est restée à proximité et a simplement observé leur arrivée.
La police est uniquement intervenue quelque temps plus tard lorsque des
manifestants en colère s’en sont pris aux assaillants et ont commencé à les
frapper.
Un des assaillants qui a été battu est décédé plus tard de ses blessures. Les agents de police ont rapidement emporté son corps à l’une des morgues de la ville. Un employé de la morgue a raconté à Human Rights Watch que des officiers de police ont demandé aux employés de la morgue de ne pas toucher le corps et de n’informer personne de sa présence. Ils ont ordonné aux employés de l’étiqueter comme « corps de l’État », empêchant ainsi les membres de la famille de le réclamer. Human Rights Watch a documenté de précédents cas dans lesquels des responsables de la sécurité ont fait identifier un corps comme « corps de l’État » pour dissimuler des décès politiquement problématiques.
Un des assaillants qui a été battu est décédé plus tard de ses blessures. Les agents de police ont rapidement emporté son corps à l’une des morgues de la ville. Un employé de la morgue a raconté à Human Rights Watch que des officiers de police ont demandé aux employés de la morgue de ne pas toucher le corps et de n’informer personne de sa présence. Ils ont ordonné aux employés de l’étiqueter comme « corps de l’État », empêchant ainsi les membres de la famille de le réclamer. Human Rights Watch a documenté de précédents cas dans lesquels des responsables de la sécurité ont fait identifier un corps comme « corps de l’État » pour dissimuler des décès politiquement problématiques.
Des témoins ont indiqué à Human Rights Watch que le
commissaire provincial de la police de Kinshasa, le général Célestin
Kanyama, figurait parmi au moins trois hauts
responsables ayant participé au rassemblement de recrutement la nuit précédant
la manifestation et qui avaient donné des instructions sur la façon de mener
l’attaque. Kanyama a précédemment été impliqué dans de graves atteintes aux
droits humains, y compris pour son rôle de commandement pendant la répression
de janvier contre des manifestants qui a fait au moins 38 morts.
La police devrait rester apolitique, impartiale et respecter le droit de rassemblement pacifique de tous les citoyens congolais, a rappelé Human Rights Watch. La mission de maintien de la paix des Nations Unies en RD Congo, la MONUSCO, pourrait contribuer à prévenir de nouvelles attaques en déployant la police de l’ONU lors des manifestations politiques. Le mandat de la MONUSCO en vertu de la résolution 2147 du Conseil de sécurité prévoit d’« [a]ssurer, dans ses zones d’opérations, une protection efficace des civils se trouvant sous la menace de violences physiques ».
La police devrait rester apolitique, impartiale et respecter le droit de rassemblement pacifique de tous les citoyens congolais, a rappelé Human Rights Watch. La mission de maintien de la paix des Nations Unies en RD Congo, la MONUSCO, pourrait contribuer à prévenir de nouvelles attaques en déployant la police de l’ONU lors des manifestations politiques. Le mandat de la MONUSCO en vertu de la résolution 2147 du Conseil de sécurité prévoit d’« [a]ssurer, dans ses zones d’opérations, une protection efficace des civils se trouvant sous la menace de violences physiques ».
L’attaque du 15 septembre n’était qu’un incident parmi
les plus récents dans un contexte de répression croissante à l’encontre des
personnes qui s’opposent à un troisième mandat de Kabila ou à tout report des
élections nationales prévues en novembre 2016. Alors que les préparatifs des élections
ont déjà pris du retard, certains s’inquiètent du fait que Kabila et ses
partisans pourraient favoriser un report des élections, permettant ainsi un
« glissement » de la date du scrutin vers une prolongation du mandat
de Kabila.
Deux dirigeants de partis politiques et quatre jeunes
activistes ont été récemment condamnés pour incitation à la désobéissance
civile ou en vertu d’autres accusations fallacieuses après avoir publiquement
dénoncé la répression politique ou demandé la libération d’activistes arrêtés
arbitrairement. Plusieurs autres activistes et dirigeants de partis politiques
ont été arrêtés et font actuellement l’objet de procès pour avoir critiqué
les tentatives de Kabila de prolonger son mandat.
D’autres jeunes ont été arbitrairement arrêtés sans chef
d’inculpation. Trois étudiants universitaires arrêtés en mars alors qu’ils
imprimaient des tracts appelant les étudiants à soutenir un leader de
l’opposition, Vital Kamerhe, ont été arbitrairement détenus par l’ANR sans être
autorisés à recevoir la visite d’avocats ou de membres de leurs familles.
Un musicien congolais est toujours arbitrairement détenu par des responsables
des services de renseignement, pour des liens présumés avec des organisations
de jeunesse pro-démocratie.
Le 16 septembre, le président Kabila a exclu sept
leaders politiques de haut niveau, désignés comme le Groupe des 7 ou G7, des
rangs de sa coalition de partisans connue sous le nom de Majorité
présidentielle (MP) après qu’ils lui ont adressé une lettre publique le
14 septembre exigeant qu’il respecte la limite constitutionnelle de deux
mandats. D’autres membres de la coalition de la majorité ont alors exprimé leur
soutien au G7 en démissionnant de leurs postes au gouvernement. Plusieurs
d’entre eux ont par la suite subi des actes de harcèlement et
d’intimidation.
Le 17 septembre, des agents des services de renseignement de la province du Sankuru (dans l’ancienne province du Kasaï-Oriental) ont fait fermer une station de radio appartenant à Christophe Lutundula, un membre du parlement et du G7. Un témoin a raconté à Human Rights Watch que les agents ont confisqué l’équipement de radiodiffusion, en indiquant aux employés qu’ils avaient reçu des ordres de leurs supérieurs à Kinshasa. Le 18 septembre, des agents des services de renseignement ont arrêté trois employés du Ministère de Plan, dont l’ancien ministre, Olivier Kamitatu, fait partie du G7. Ils ont été embarqués de force dans des véhicules et conduits jusqu’au bureau de l’ANR, où ils ont été détenus pendant plusieurs heures avant d’être relâchés.
Le 17 septembre, des agents des services de renseignement de la province du Sankuru (dans l’ancienne province du Kasaï-Oriental) ont fait fermer une station de radio appartenant à Christophe Lutundula, un membre du parlement et du G7. Un témoin a raconté à Human Rights Watch que les agents ont confisqué l’équipement de radiodiffusion, en indiquant aux employés qu’ils avaient reçu des ordres de leurs supérieurs à Kinshasa. Le 18 septembre, des agents des services de renseignement ont arrêté trois employés du Ministère de Plan, dont l’ancien ministre, Olivier Kamitatu, fait partie du G7. Ils ont été embarqués de force dans des véhicules et conduits jusqu’au bureau de l’ANR, où ils ont été détenus pendant plusieurs heures avant d’être relâchés.
« L’historique
des violations graves des droits humains en RD Congo devrait servir d’alerte
aux gouvernements concernés au sujet de la violence et la répression politiques
avant qu’elles ne s’intensifient », a conclu Ida Sawyer. « Ces gouvernements devraient faire pression
sur le gouvernement congolais pour exiger la libération des personnes détenues
à tort et pour mener des enquêtes sur les responsables des attaques contre des
manifestants pacifiques. Prévenir des abus est bien moins coûteux que d’essayer
de ramasser les pots cassés après coup. »
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