Genève / Kinshasa (CICR) - En ce mercredi 3
décembre 2014, qui coïncide avec la Journée internationale des personnes
handicapées, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a franchi en
République démocratique du Congo le cap symbolique des cinq mille patients
appareillés dans le cadre de son Programme de réadaptation physique.
« Seize ans après avoir été mis en place en
République démocratique du Congo, le Programme de réadaptation physique du CICR
a permis à des milliers de Congolaises et de Congolais vivant avec un handicap
de reprendre confiance en soi, de retrouver leur dignité et de revivre en
société en se concentrant sur leurs capacités plutôt que sur leur infirmité »,déclare Yvan Sidler, chef du
Programme de réadaptation physique du CICR dans le pays.
Le 5000ème patient pris en charge s'appelle
Emmanuel. C'est en rentrant chez lui en bus, à Butembo (Nord-Kivu), il y a deux
ans, que sa vie a basculé. Pris dans des échanges de tirs entre l'armée
nationale et un groupe armé, il est touché à une jambe. Mal soigné, il passe
des mois dans différents hôpitaux, jusqu'à l'amputation en 2013. « Je suis cultivateur et mécanicien. Depuis
mon accident, je ne peux plus aller aux champs. Je n'ai plus de travail. Ma
famille m'a rejeté, et ma femme a perdu patience. Elle n'est plus venue me
rendre visite. Personne ne veut d'un invalide », raconte-t-il.
Aujourd'hui, Emmanuel va enfin recevoir une
prothèse au centre d'appareillage orthopédique Shirika La Umoja de Goma,
soutenu par le CICR. Un premier essayage s'était soldé par une blessure au
moignon, et il a fallu attendre que la plaie soit cicatrisée. Mais Emmanuel
reste confiant et il est impatient de pouvoir à nouveau marcher pour reprendre
ses activités : « Je n'ai
jamais eu pour habitude de ne rien faire, de passer mes journées au lit. C'est
très dur. Cette prothèse va tout changer. J'ai bon espoir que le fait de
pouvoir me lever et marcher me permettra de retrouver ma vie d'avant, de
recommencer à cultiver ma terre, de revoir mes enfants et peut-être ma femme. »
Les deux provinces du Kivu au cœur du programme
Déployé par le passé dans les provinces du
Katanga et du Kasaï oriental, le Programme de réadaptation physique est
aujourd'hui mis en œuvre à Kinshasa et, surtout, dans les deux provinces du
Kivu, principaux foyers de conflit ces deux dernières décennies. Dans cette
région de l'est du pays, beaucoup de gens continuent à être victimes de balles
d'hommes en armes. Le CICR apporte une assistance à de nombreuses personnes qui
se trouvent dans la même situation qu'Emmanuel, parmi lesquelles également des
enfants.
En février 2013, alors qu'elles jouaient comme
d'habitude dans la cour de leur maison, à Kitshanga (Nord-Kivu), Bonanée, 10
ans, et sa cousine Rebecca, 7 ans, ont été blessées aux jambes par des tirs
lors de violents affrontements entre l'armée congolaise et un groupe armé. Transportées
d'urgence à l'hôpital de Mweso, elles ont dû être toutes deux amputées de leur
jambe droite. Le CICR les a ensuite prises en charge et transférées à Goma, où
elles ont reçu leurs premières prothèses en octobre 2013.
Aujourd’hui, les deux cousines ont grandi et
attendent impatiemment que de nouvelles prothèses adaptées à leur croissance
soient terminées. Le père de Rebecca reste positif quant à la réinsertion
sociale de ces jeunes filles : «
Lorsque nous rentrerons à Kitshanga, toute la famille sera joyeuse. La vie
pourra reprendre son cours, les enfants marcheront comme si rien ne s’était
passé. On oubliera vite leur handicap, jusqu’à la prochaine visite». La mère de Bonanée est tout de
même consciente des obstacles qu’auront à affronter les enfants dans leur vie
quotidienne en grandissant. Déplacée des montagnes du Masisi vers Kitshanga à
cause des conflits armés, elle ne veut pas envisager un retour vers son village
et sa terre pour le moment. La situation y est encore trop instable et la
condition physique de sa fille rendrait périlleuse une nouvelle fuite en cas de
combats.
En République démocratique du Congo, le Programme
de réadaptation physique s’adresse aux personnes handicapées physiques,
prioritairement victimes de conflits et d’autres situations de violence, civils
ou militaires, et qui nécessitent un appareillage. Les services sont assurés
par des centres de réadaptation physique, gérés par des congrégations
religieuses (tels que le Centre de Rééducation pour Handicapés Physiques à
Kinshasa, Heri Kwetu à Bukavu et Shirika La Umoja à Goma). L’offre inclut la
donation de matériel et composants orthopédiques, la formation du personnel
travaillant dans les centres orthopédiques, la prise en charge financière
et psychosociale des bénéficiaires, le sport en fauteuil roulant, ou encore la
construction de rampes d’accès pour personnes à mobilité réduite.
En 2014, dans le cadre du Programme de réadaptation
physique mis en œuvre par le CICR en République démocratique du Congo :
• 762 personnes handicapées, dont 576 amputées
d'un membre inférieur, ont été prises en charge ;
• 315 prothèses et orthèses ont été posées ;
• 573 aides à la mobilité ont été fournies ;
• 2 étudiants ont reçu des bourses d'étude pour
suivre une formation d'orthoprothésiste sur trois ans à Lomé (Togo) ;
• un terrain de sport a été construit à Bukavu ;
• un restaurant/hôtel a été rendu accessible aux
personnes à mobilité réduite à Goma.
Si le CICR menait des activités de réadaptation
physique déjà avant 1979, le lancement cette année-là de son Programme de
réadaptation physique a marqué le début d'un engagement majeur de l'institution
dans ce domaine. Au fil du temps, le CICR a acquis une position prépondérante
dans ce domaine, principalement du fait de l'envergure de ses activités (qui se
sont depuis étendues au monde entier), de la mise au point de sa propre
technologie, de l'expertise qui lui est reconnue et, enfin, de son engagement à
long terme dans les projets qu'il soutient.
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