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mardi 13 novembre 2012

La Cour Militaire de la Gombe est-elle une devenue une juridiction d’exception ?

L’Association Congolaise pour l’Accès à la Justice, ACAJ, est vivement préoccupée par la violation des garanties d’un procès juste et équitable dans le procès qui se déroule, depuis le 28 mars 2012, devant la Cour Militaire de Kinshasa-Gombe dans les poursuites engagées contre les accusés Colonel Nzambo Mbongo Ebunde et consorts, pour « occupation de la base logistique du camp Kokolo et attaque de la résidence du Chef de l’Etat Joseph Kabila le dimanche 27 février 2011, faits constitutifs de participation à un mouvement insurrectionnel», sous RP 077-79/2012.
Après les événements du 27 février 2011, les services de sécurité avaient arrêté et détenu plus de 200 personnes constituées de militaires, policiers, civils, enfants mineurs et expatriés, dont la plupart sont originaires de la province de l’Equateur, trouvés ou non sur les lieux du crime.
L’ACAJ rappelle que les accusés ont eu à subir un traitement inhumain, dégradant et cruel leur infligé par les enquêteurs de services de sécurité en vue de les contraindre à faire des aveux, et n’avaient pas droit de visite, ni à l’assistance de conseils, ni aux soins médicaux, pendant leur longue détention.
L’immixtion du Gouvernement dans l’organisation du procès en cours se traduit notamment par des pressions exercées sur l’Auditeur Supérieur près la Cour Militaire de Kinshasa-Gombe pour fixer dans la précipitation le dossier et le maintien d’une chambre constituée de manière irrégulière en ce que son actuel Président, le Colonel Masungi Buna, est déjà nommé comme Conseiller à la Haute Cour Militaire de Kinshasa-Gombe suivant l’ordonnance présidentielle n° 11080 du 7 octobre 2011, soit depuis plus d’une année déjà. Plusieurs dénonciations faites par le collectif de la défense, tant auprès du Premier président de la Cour Militaire de Kinshasa-Gombe que de celui de la Haute Cour Militaire, n’ont pas suffit pour faire respecter la procédure.
Le Gouvernement a donné des instructions pour qu’aucune liberté provisoire ou mainlevée de détention ne soit accordée. C’est ainsi que la Cour n’a pas libéré des détenus dont les mandats d’arrêt provisoire n’ont pas été confirmés dans le délai de quinze, conformément à l’article 210 du code judiciaire militaire, en dépit du fait qu’elle ait reconnu, en date du 15 octobre 2012, le caractère irrégulier de leur détention.
L’attitude de la justice militaire dans ce dossier traduit manifestement son manque d’indépendance et d’impartialité, et n’offre pas aux accusés de garanties d’un procès juste et équitable, a déclaré Me Georges Kapiamba, Président national de l’ACAJ.
L’ACAJ rappelle le Gouvernement de la RDC qu’aux termes de l’article 14, point 1 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement par un tribunal compétent, indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera soit du bien fondé de toute accusation, en matière pénale dirigée contre elle, soit de contestation sur ses droits et obligations de caractère civil… L’article 16, alinéa 4 de la Constitution dispose que Nul ne peut être soumis à un traitement cruel, inhumain et dégradant; et l’article 18, alinéa 5 prescrit que tout détenu doit bénéficier d’un traitement qui préserve sa vie, sa santé physique et mentale, ainsi que sa dignité.
En outre, l’ACAJ condamne l’ingérence du Gouvernement dans le déroulement de ce procès car violant l’article 151 de la Constitution qui prévoit que le Pouvoir Exécutif ne peut donner d’injonction au juge dans l’exercice de sa juridiction, ni statuer sur les différends, ni entraver le cours de la justice, ni s’opposer à l’exécution d’une décision de justice.
Enfin, l’ACAJ condamne l’attitude du Président Masungi Buna, car contraire aux devoirs lui prescrits par l’article 71 du code de justice militaire qui dispose que : sauf cas de force majeure, les devoirs des fonctions judiciaires priment les autres services militaires; les services de la Haute Cour Militaire priment celui de la Cour Militaire...
De ce qui précède,

L’ACAJ recommande:

v  Au Premier Président de la Cour Militaire de Kinshasa-Gombe :
- de faire preuve d’indépendance et d’impartialité dans sa mission de dire le droit ;
- de faire ordonner la libération pure et simple des accusés (prévenus) dont la détention est irrégulière, notamment les enfants mineurs ;
- de remplacer le Président Masungi Buna par un autre magistrat pour assurer la sérénité à la suite de débats dans ce dossier, et d’engager des poursuites disciplinaires à son encontre ;
 
v  Au Gouvernement de la RDC :
-  de cesser toute ingérence ou immixtion dans l’administration de la justice en application de l’article 151 de la constitution.
 
Fait à Kinshasa, le 13 novembre 2012

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