L’Association
Congolaise pour l’Accès à la Justice, ACAJ, est vivement
préoccupée par la violation des garanties d’un procès juste et équitable
dans le procès qui se déroule, depuis le 28 mars 2012, devant la Cour
Militaire de Kinshasa-Gombe dans les poursuites engagées contre les accusés
Colonel Nzambo Mbongo Ebunde et consorts, pour « occupation de la
base logistique du camp Kokolo et attaque de la résidence du Chef de
l’Etat Joseph Kabila le dimanche 27 février 2011, faits constitutifs de
participation à un mouvement insurrectionnel», sous RP 077-79/2012.
Après les événements du 27 février 2011, les services de
sécurité avaient arrêté et détenu plus de 200 personnes constituées de
militaires, policiers, civils, enfants mineurs et expatriés, dont la
plupart sont originaires de la province de l’Equateur, trouvés ou non
sur les lieux du crime.
L’ACAJ
rappelle que les accusés ont eu à subir un traitement inhumain,
dégradant et cruel leur infligé par les enquêteurs de services de
sécurité en vue de les contraindre à faire des aveux, et n’avaient pas
droit de visite, ni à l’assistance de conseils, ni aux soins médicaux,
pendant leur longue détention.
L’immixtion
du Gouvernement dans l’organisation du procès en cours se traduit
notamment par des pressions exercées sur l’Auditeur Supérieur près la
Cour Militaire de Kinshasa-Gombe pour fixer dans la précipitation le dossier et
le maintien d’une chambre constituée de manière irrégulière en ce que
son actuel Président, le Colonel Masungi Buna, est déjà nommé comme
Conseiller à la Haute Cour Militaire de Kinshasa-Gombe suivant l’ordonnance présidentielle
n° 11080 du 7 octobre 2011, soit depuis plus d’une année déjà.
Plusieurs dénonciations faites par le collectif de la défense, tant
auprès du Premier président de la Cour Militaire de Kinshasa-Gombe que de
celui de la Haute Cour Militaire, n’ont pas suffit pour faire respecter
la procédure.
Le
Gouvernement a donné des instructions pour qu’aucune liberté provisoire
ou mainlevée de détention ne soit accordée. C’est ainsi que la Cour n’a
pas libéré des détenus dont les mandats d’arrêt provisoire n’ont pas
été confirmés dans le délai de quinze, conformément à l’article 210 du
code judiciaire militaire, en dépit du fait qu’elle ait reconnu, en date
du 15 octobre 2012, le caractère irrégulier de leur détention.
L’attitude
de la justice militaire dans ce dossier traduit manifestement son
manque d’indépendance et d’impartialité, et n’offre pas aux accusés de
garanties d’un procès juste et équitable, a déclaré Me Georges Kapiamba,
Président national de l’ACAJ.
L’ACAJ
rappelle le Gouvernement de la RDC qu’aux termes de l’article 14, point
1 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, toute
personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement et
publiquement par un tribunal compétent, indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera soit du bien fondé de toute accusation, en matière pénale
dirigée contre elle, soit de contestation sur ses droits et obligations
de caractère civil… L’article 16, alinéa 4 de la Constitution dispose que Nul ne peut être soumis à un traitement cruel, inhumain et dégradant; et l’article 18, alinéa 5 prescrit que tout détenu doit bénéficier d’un traitement qui préserve sa vie, sa santé physique et mentale, ainsi que sa dignité.
En
outre, l’ACAJ condamne l’ingérence du Gouvernement dans le déroulement
de ce procès car violant l’article 151 de la Constitution qui prévoit
que le Pouvoir Exécutif ne peut donner d’injonction au juge dans
l’exercice de sa juridiction, ni statuer sur les différends, ni entraver
le cours de la justice, ni s’opposer à l’exécution d’une décision de
justice.
Enfin,
l’ACAJ condamne l’attitude du Président Masungi Buna, car contraire aux
devoirs lui prescrits par l’article 71 du code de justice militaire qui
dispose que : sauf cas de force majeure, les devoirs des fonctions
judiciaires priment les autres services militaires; les services de la
Haute Cour Militaire priment celui de la Cour Militaire...
De ce qui précède,
L’ACAJ recommande:
v Au Premier Président de la Cour Militaire de Kinshasa-Gombe :
- de faire preuve d’indépendance et d’impartialité dans sa mission de dire le droit ;
- de
faire ordonner la libération pure et simple des accusés (prévenus) dont
la détention est irrégulière, notamment les enfants mineurs ;
- de
remplacer le Président Masungi Buna par un autre magistrat pour assurer
la sérénité à la suite de débats dans ce dossier, et d’engager des
poursuites disciplinaires à son encontre ;
v Au Gouvernement de la RDC :
- de cesser toute ingérence ou immixtion dans l’administration de la justice en application de l’article 151 de la constitution.
Fait à Kinshasa, le 13 novembre 2012
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