Préambule
Nous,
la Conférence Épiscopale Nationale du Congo (CENCO) et l’Église du Christ au
Congo (ECC), la Plateforme des Confessions Religieuses au Congo, ainsi que la
Coalition Interconfessionnelle pour la Nation (CIN),
Préoccupées
par la gravité persistante du cycle récurrent des conflits armés ayant ravagé
la République Démocratique du Congo au cours des trente dernières années,
causant la perte tragique de millions de vies congolaises, et souvent alimentés
par l’ingérence de certains pays voisins. De ce fait, déplorons vivement la
résurgence d’un nouveau conflit armé impliquant l’AFC/M23, soutenue par le
Rwanda, s’ajoutant à la présence déjà à alarmante de nombreux groupes armés,
tant nationaux qu’étrangers ;
Reconnaissant
l’ultime nécessité de réunir les fils et les filles du Pays dans le cadre d’un dialogue
national et inclusif, en vue de trouver des solutions holistiques, pérennes et adaptées
aux causes profondes qui alimentent ces conflits armés et menacent l’existence
de notre Nation, voire l’effectivité de l’Etat de droit démocratique en RDC ;
Conscientes
de notre responsabilité morale et spirituelle de montrer à la Nation le sens
profond de l’inclusivité, du pardon et de la réconciliation dans la quête des
solutions à la présente crise multidimensionnelle, à la lumière des
dispositions de l’article 63 de la Constitution de la RDC et des Saintes
Ecritures (Psaumes 133) ;
Considérant
les conclusions du rapport d’information aux termes des consultations nationales,
régionales et internationales, menées par la CENCO et l’ECC dans le cadre de l’Initiative
du Pacte Social pour la Paix et le Bien vivre-ensemble en RDC et dans la région
des Grands Lacs, rapport ayant mis en lumière les aspirations des différents
acteurs et parties prenantes à une paix durable, à la réconciliation nationale
et à une gouvernance équitable ;
Attendu
que la Plateforme des Confessions Religieuses au Congo a proposé à la Nation l’Initiative
pour la paix et la réconciliation en République Démocratique du Congo, et que
la Coalition Interconfessionnelle pour la Nation a lancé l’Initiative nationale
pour une concertation inclusive de paix pour la réconciliation et l’unité
nationale durable en République
Démocratique du Congo ;
Prenant
en compte tous les efforts menés au niveau de l’Union Africaine et au niveau international
dans la résolution de la présente crise multiforme, notamment la Résolution 2773
du Conseil de sécurité des Nations-Unies du 21 février 2025, l’Accord bilatéral
signé à Washington entre la République Démocratique du Congo et la République
du Rwanda, ainsi que la Déclaration des principes signée à Doha entre le
Gouvernement de la République Démocratique du Congo et le mouvement armé
AFC/M23 ;
A
l’issue de plusieurs séances techniques d’harmonisation des vues avec le
Cabinet du Chef de l’Etat sur le processus national et inclusif de paix en RDC,
Nous, vos Pères spirituels, unanimement, avons soumis au Chef de l’État,
conformément aux dispositions de l’article 69 de la Constitution, et à travers
lui, {notre Peuple et à l’ensemble de la Nation, une Feuille de route pour une
sortie holistique et durable du cycle tragique des conflits armés dans notre Pays,
visant à restaurer la paix, la cohésion nationale, le vivre-ensemble ainsi que
consolider l’Etat de droit démocratique ;
Publions,
par conséquent, {travers le présent communiqué, les éléments de la feuille de
route articulée en quatre grandes étapes, constituant la trame du Processus
national et inclusif de Paix en République Démocratique du Congo.
Feuille de route
Étape
1. Le Mois de la Paix : pour un climat de confiance mutuelle et de décrispation
politique
Cette
première étape marque une transition stratégique entre le contexte de méfiance
et le contexte d’acceptation mutuelle, en vue de mettre les uns et les autres
dans les conditions préalables à un dialogue national et inclusif.
En
effet, ce « Mois de la Paix » vise {créer un environnement propice de
pré-dialogue. Deux catégories d’activités y sont prévues : les activités
spirituelles et les actions de plaidoyer.
Activités
spirituelles
Il
sera organisé un culte œcuménique national, officié simultanément sur toute
l’étendue du territoire, y compris dans les zones sous contrôle de l’AFC/M23,
en guise de rassemblement moral et spirituel autour de la paix. Ce moment
solennel marquera l’engagement collectif de la Nation en faveur du processus de
paix, de réconciliation et de guérison de la mémoire collective.
D'autres
initiatives spirituelles seront également mises en œuvre {travers les
différentes Confessions religieuses, notamment la « Grande Pastorale de la Paix
», destinée à promouvoir la tolérance, le pardon, la fraternité sociale, la
non-violence, la réconciliation communautaire, ainsi que le retour progressif à
la cohésion nationale.
Le
défi que nous avons cru essentiel de relever au travers de ce « Mois de la paix
» est fondamentalement double, {savoir : la remise en question des pratiques
culturelles et comportementales nuisibles ; l’émergence d’un environnement
psychologique et social pacifique, basé sur la fraternité, la solidarité, le
respect mutuel, la coopération intercommunautaire et la bonne entente
citoyenne.
Activités
de plaidoyer
En
parallèle, seront conduites des missions de plaidoyer ciblées auprès des
principales parties prenantes internes et externes, en vue de (d’) :
-
Contribuer à la décrispation de la situation politique, nécessaire pour
garantir l’inclusivité ;
-
Faciliter l’harmonisation des préalables au lancement d’un dialogue inclusif ;
-
Encourager l’engagement formel des parties concernées autour de la feuille de
route ;
-
Appuyer la mise en œuvre d’un cessez-le-feu effectif, dans le respect de la
Déclaration des principes signée à Doha ;
-
Accompagner les efforts des actions humanitaires en faveur des populations
civiles déplacées, dans le respect du droit international humanitaire ;
-
Contribuer au processus de désengagement des groupes armés, conformément à l’Accord
de Washington.
Cette
étape aura le mérite d’améliorer le contexte pré-dialogue favorisant ainsi
l’émergence d’un consensus entre les parties prenantes sur les axes
prioritaires de la feuille de route du dialogue national et inclusif.
Étape
2. Le Dialogue des Experts
Nous
proposons ce « dialogue des experts » pour que les intelligences et les
expériences professionnelles congolaises soient revalorisées et mobilisées pour
l’élaboration des « feuilles de routes pratiques du redressement rapide et du
développement accéléré de notre pays dans tous les domaines ».
Ce «
dialogue des experts » a donc pour vocation de poser les bases rationnelles,
objectives et techniques du futur Pacte social pour la Paix et le
Bien-vivre-ensemble en RDC et dans la région des Grands Lacs. Il permettra aux
universitaires, aux intellectuels, aux chercheurs, aux penseurs, aux experts et
aux techniciens nationaux et ceux de la diaspora, qui seront appelés sur la
base de la pertinence de leurs œuvres scientifiques, ainsi que l’excellence de
leurs expériences professionnelles fonctionnelles, de contribuer à la mise en
œuvre des solutions rationnelles, lucides et consensuelles aux termes des
analyses des causes profondes de nombreuses crises qui ne cessent de crucifier
le destin national congolais depuis l’indépendance du 30 juin 1960.
Les
thématiques retenues, à titre indicatif, sont les suivantes :
1. État
des lieux des dialogues politiques et des accords de paix de 1960 à ce jour ;
2. Stratégies
de défense nationale et de sécurité transfrontalière ;
3.
Gouvernance sociale et économique ;
4.
Gestion de l’environnement et des ressources naturelles ;
5.
Processus démocratique et prospective électorale ;
6.
Questions identitaires et cohabitation inter communautaire ;
7.
Coopération régionale et Traité de bon voisinage transfrontalier ;
8.
Justice et droits humains.
Une
note technique sera publiée en temps utile, afin de préciser les modalités
pratiques de participation au « dialogue des experts ». Toutefois, les
animateurs des Institutions publiques seront mis à contribution en vue
d’apporter l’expertise institutionnelle au débat.
Étape
3. Le Dialogue Politique
Cette
étape, qui représente le point culminant du processus, a deux axes.
Premier
axe : obtenir le consensus des acteurs politiques et des Forces Vives de la
Nation autour des différentes « Feuilles de route du redressement rapide et du
développement accéléré de la République Démocratique du Congo », élaborées lors
du « Dialogue des Experts », aux fins de constituer les « Piliers Fondateurs du
Pacte Social pour la Paix et le Bien-Vivre Ensemble en RDC et dans la région
des Grands-Lacs ».
Le
deuxième axe concerne la tenue des assises politiques. Le défi de cet axe du «
Dialogue politique » est de parvenir, dans le respect de la Constitution, {un
compromis politique patriotique, privilégiant des solutions holistiques et
durables aux causes profondes de cette crise multiforme qui se perpétue depuis
l’indépendance du 30 juin 1960.
Le
contenu de ce « compromis » n’étant ni préétabli ni pré-envisagé, il sera le
fruit des libres et responsables échanges autour des préoccupations et
désidératas politiques des parties prenantes. Ce dialogue politique réunira,
dans un cadre technique structuré et sécurisé, l’ensemble des composantes
majeures de la Nation, à savoir :
- La
majorité au pouvoir ;
-
L’opposition politique non armée ;
-
L’opposition armée ;
- La
société civile ;
- Les
autorités coutumières et traditionnelles ;
- La
diaspora congolaise ;
- Les
personnalités indépendantes ou influentes issues du monde académique, culturel,
intellectuel et économique.
Afin
de garantir une participation représentative, équilibrée et inclusive au
dialogue politique, un mécanisme de répartition équitable des quotas sera mis
en place. Celui-ci tiendra compte de l’équilibre entre différents groupes. Les
modalités pratiques de la tenue de ces assises politiques, notamment la
structure de médiation et son plan de fonctionnement, seront rendues publiques
en temps opportun.
Au
terme de cette « étape-clé » de notre initiative, nous prévoyons une cérémonie solennelle
de remise à Son Excellence Monsieur le Président de la République et Chef de l’Etat,
des conclusions du « dialogue des experts » et du « dialogue politique », qui
seront, en définitive, les éléments constitutifs du Pacte social pour la Paix
et le Bien-vivre-ensemble en RDC et dans la région des Grands Lacs.
Étape
4. La Conférence internationale sur la paix et le bien-vivre ensemble dans la
région des Grands Lacs
Nous
avons ensemble opté pour la mise en place d’un « Secrétariat Technique », dont
le rôle, outre celui de la coordination opérationnelle générale du processus,
en planifiant et en accompagnant techniquement toutes les activités de cette
initiative, aura spécialement la charge d’élaborer les dossiers techniques et
les outils stratégiques devant structurer la démarche de plaidoyer {l’international,
qui sera entrepris sous le leadership du Président de la République, dans
l’objectif d’obtenir de la communauté internationale la tenue d’une Conférence
internationale à deux niveaux, notamment :
La
Conférence internationale sur la paix et le bien-vivre ensemble dans la région des
Grands Lacs ;
Et
la Conférence internationale sur le financement post-conflit de la reconstruction
de la République Démocratique du Congo.
Tels
sont-là les jalons structurels de la trajectoire du champ d’action stratégique
de l’Initiative du « Pacte Social pour la Paix et le Bien-Vivre Ensemble en RDC
et dans les Grands Lacs ».
Conclusion
Nous,
vos Pères spirituels, sommes persuadés que cette démarche n’est pas une
initiative ordinaire, mais une action pastorale et prophétique, pleine de
certitude que la foi en Dieu ne déçoit jamais, mais bien au contraire, guide et
illumine chaque pas de ceux et celles qui se confient à Lui.
Nous
exhortons le Chef de l'Etat, en sa qualité de Garant de la Nation et
conformément aux dispositions de l’article 69 de la Constitution, de prendre
dans les meilleurs délais, des actes d’Etat destinés à lancer officiellement ce
Processus national et inclusif de paix.
Nous
lançons un vibrant appel aux partenaires internationaux à pouvoir diligemment
reconnaitre officiellement ce processus national, holistique et inclusif de
paix, dont les grandes étapes viennent d’être rendues publiques à travers la
présente communication. De ce fait, nous attendons d’eux, un accompagnement
sincère et constructif.
A
vous tous et toutes nos très chers compatriotes, fils et filles du Grand Congo,
Nous
prions l’Eternel Dieu Tout Puissant, Maître des temps et des circonstances, de soumettre
les cœurs des fils et des filles du Pays – nos concitoyens et nos
concitoyennes, les acteurs politiques de la majorité et ceux de l’opposition
armée et non-armée, ainsi que toutes les forces vives de la nation - , à l’obéissance
de sa divine volonté, et à une direction pacifique et patriotique de la
destinée commune, afin que ce rêve collectif de bâtir un Congo plus beau
qu’avant se réalise et se concrétise d’ici-maintenant à l’horizon 2060, l’année
du centenaire de notre indépendance nationale.
Sachons-le
et faisons-le savoir : « Rien n’est impossible à ceux et à celles qui, dans la
prière, demandent à Dieu de les transformer en artisans de paix et en
bâtisseurs des relations familiales et intercommunautaires non-violentes,
solidaires et fraternelles.
Ainsi
disons-nous : Amen.
Fait
à Kinshasa, le 25 août 2025