(Une
chronique du Professeur Adolphe Voto)
L’installation
de la commune rurale de Minembwe dans lag province du Sud-Kivu a fait couler
beaucoup d’encre et de salive. Chacun y est allé selon sa passion, selon ses
intérêts. Des déclarations des acteurs sociaux et politiques ont fait couler de
l’eau sur le pont au point qu’il y a lieu de se demander pourquoi ce projet de
Minembwe suscite tant d'agitation.
Réagissant
à tous ces discours, Me Azarias Ruberwa, même s’il soutient qu’il n’est pour
rien dans l’installation contestée du bourgmestre, répond dans un audio adressé au député
provincial du Sud Kivu, le docteur Bulakari: ‘’Les Banyamulenge n’ont pas
affiché un triomphalisme. Ils sont simplement courageux, vaillant et avec Dieu,
avec la raison, avec la cause sublime, ils avancent avec l’histoire. Minembwe
est devenu célèbre et il y a là une communauté qui est en train de subir un
génocide et cela attire la communauté internationale. Et personne au monde ne
peut et ne va empêcher la progression normale de Minembwe. On dit que Minembwe
a englouti Baraka, Uvira , Sange,etc. Mais Minembwe avance, avec la prophétie,
avec les prières, Minembwe avance. ‘’Cette déclaration de Me Ruberwa traduit en
effet tout l’esprit qui motive le projet de Minembwe.
L’installation
du bourgmestre de la commune de Minembwe qui marque concrètement l’effectivité
de cette commune rurale comporte deux enjeux majeurs : cet acte venait
octroyer deux éléments essentiels au projet de la création d’un nouvel Etat
dans les Grands Lacs et partant donner un fondement juridique à ce processus
qui relevait jusque-là de la fiction. Il s’agit de la reconnaissance d’un
territoire des Banyamulenge et de la
reconnaissance d’un pouvoir politique organisé sur les Banyamulenge qui se
revendiquent cette commune. C’est en cela que Minembwe avance.
L’existence
d’un Etat se définit par des éléments constitutifs qui sont au nombre de
trois : une population, un territoire et un pouvoir politique organisé. A
ces trois éléments fondamentaux, il faut en ajouter un quatrième: la
reconnaissance internationale.
1.
UNE POPULATION
La
notion de la population ici rime avec celle d’une nation. Aussi cette
population doit avoir quelque chose en commun dont elle se reconnait. Le projet
de la création d’un Tutsiland dans les Grands Lacs qui n’est plus un secret rempli
valablement cette condition. Les Banyamulenge, hier Banyarwanda, constituent
une communauté identifiable et se considèrent comme des Congolais
entièrement à part et non des congolais à part entière. Aussi se
revendiquent-ils d’une minorité au sein de la population congolaise, alors que
toutes les ethnies et tribus congolaises sont minoritaires. Cette façon de
s'identifier inspirée de la situation des Tutsis minoritaires au Rwanda face
aux Hutus majoritaires, ne tient pas debout au Congo constitué des
plusieurs peuples : les Bantous,
les Soudanais, les Nilotiques et les Pygmées. S’il y a des peuples minoritaires
au Congo et qu’il faut protéger pour craindre leur disparition, ce sont les
Pygmées et non les Tutsis qui dépassent de loin
en nombre, plusieurs autres tribus du Congo. Mais les Banyamulenge
préfèrent s’identifier non seulement
comme une communauté à part mais une communauté minoritaire pour attirer
l’attention sur eux et pouvoir capitaliser cette position à des fins
politiques.
2.
UN TERRITOIRE
Avec
la création de la commune rurale de Minembwe, la communauté Banyamulenge veut
s’octroyer un territoire qu’il attend revendiquer comme terre d’origine. Et
pour accréditer cette thèse, les Banyamulenge qui se disaient hier de la
montagne de Mulenge (d'où le nom Banyamulenge), dans le territoire d’Uvira
affirment aujourd’hui habiter Minembwe qui est dans le territoire de Fizi depuis 400 ans. Alors que ni les archives
coloniales, ni aucun historien n’accrédite cette thèse. Le Rcd avait tenté la création du territoire de Minembwe pendant la rébellion
en découpant d’autres territoires de la province et attiré par le fort
potentiel en minerais du sous sol de
Minembwe, selon des prospections sérieuses. Mais le gouvernement a rappelé au Rcd en 2007 que cette démarche était
illégale. Avec la création dans l’opacité et la ruse de la commune rurale de
Minembwe, Me Ruberwa et Me Nyarugabo qui sont des juristes avertis, tiennent à
ajouter une pièce importante du puzzle qui pourra aider à la revendication, non
seulement d’une terre d’origine, mais d’un territoire propre aux Banyamulenge,
un territoire où les Banyamulenge seront majoritaires et où les autres ethnies
seront minoritaires. Parce que dans la configuration actuelle, les
Banyamulenge sont minoritaires dans tous les territoires de la province et ne
peuvent se revendiquer en propre aucun
territoire.
3.
UN POUVOIR ORGANISE
Avec
l’installation d’un bourgmestre, il s’organise désormais sur cette population
identifiable comme une communauté à part, un pouvoir politique organisé et
reconnu. Si pour tout autre commune de la République, un bourgmestre ne
représente pas grande chose dans la structure de l’Etat, pour Minembwe, c’est
un pas important par ce que, non seulement ce bourgmestre a un pouvoir reconnu
par l’Etat congolais, c’est-à-dire qu’il pourra désormais poser des actes
juridiques et administratifs. Par
exemple s’investir pour que, comme par le passé, des populations Tutsis
préviennent des pays voisins pour s’installer à Minembwe, en leur octroyant les
documents légaux, afin que la majorité des Banyamulenge sur ce territoire soit
incontestable. Mais aussi en tant que représentant des Banyamulenge, reconnu
par l’Etat congolais et par la communauté internationale, il peut légalement
s’engager dans un processus d’autodétermination du peuple Banyamulenge sur le
territoire de Minembwe qui constituera
un microcosme d’un Tutsiland dans les Grands Lacs.
4.
LA RECONNAISSANCE INTERNATIONALE
A
entendre Me Ruberwa, la reconnaissance internationale est déjà acquise avant
même que Minembwe puisse s’autoproclamer Etat indépendant. La recette qui a marché au Rwanda ne peut pas
ne pas marcher au Congo. La rhétorique, c’est se réclamer minoritaire, c’est
crier au génocide et en appeler à la communauté internationale qui ne voudra
plus se culpabiliser d’un autre génocide des Tutsis au Congo après celui du
Rwanda. Ce n’est donc pas anodin que
Ruberwa a associé à la cérémonie d’installation du bourgmestre de Minembwe une
délégation des Nations Unies et des Etats Unis d’Amérique, pour qu’ils prennent
acte de cette consécration.
Pourtant,
plus de six millions des congolais sont morts depuis près d’un quart de siècle
par une guerre leur imposée par les Banyamulenge. Malheureusement, à cause de
la faiblesse de la diplomatie du
gouvernement congolais, les Banyamulenge sillonnent le monde entier avec le
passeport congolais et ont investi le système des Nations Unies pour plaider en
défaveur du Congo.
LA
STRATEGIE DE LA GUERRE
Hier,
la révolte des Banyamulenge qui a déclenché la guerre de l'Afdl, c’était pour
revendiquer la nationalité. Aujourd’hui, c’est pour réclamer un territoire. La
stratégie, c’est la guerre, et encore la guerre. Depuis 1996, les Banyamulenge
ont entrainé le Congo dans un cycle de guerres interminables avec des leaders
et des mouvements Banyamulenge qui se
succèdent : AFDL avec Deogras Bugera, Masasu Nindaga, sous le
commandement de James Kabarebe et qui ont embarqué Laurent Désiré Kabila à la
dernière minute. Le CNDP avec Laurent
Nkunda, Jules Mutebusi ainsi que Bosco
Ntagada et le M 23 avec Makenga Sultani. Ce que
tous ces chefs de guerre ont en
commun, ce qu’ils sont tous Banyamulenge, au départ, Rwandais et soldats du Front Patriotiques Rwandais et par
la suite, on ne sait par quelle magie, Congolais et membres du Rcd. Leurs
expéditions militaires en République Démocratique du Congo ont permis
aux Banyamulenge de déverser dans l’armée congolaise à la suite des négociations, des miliciens Banyamulenge avec des grades
d’officiers supérieurs et généraux au point que l’ethnie des Banyamulenge seule
a au moins le tiers des officiers des FARDC occupant des postes stratégiques.
Des officiers semi-lettrés et autoproclamés, qui n’ont été dans aucune école
militaire et qui n’ont comme actif que d’avoir appris à tuer les Congolais.
Pourtant, avec le régime de Mobutu où le service militaire était libre pour
tous, aucun Munyamulenge n’était général dans l’armée. Aujourd’hui encore, le
colonel Makanika qui a le même parcours que ses prédécesseurs a fait défection
pour rejoindre les Ngumino, une autre rébellion Banyamulenge qui se prépare à attaquer le Congo pour faire du
chantage. Toujours le même scénario depuis plus de vingt ans :
APR-RCD-FARDC-Rébellion-Exil. Résultat : des millions des congolais tués.
MENSONGES
ET ILLUMINATIONS
La
plupart de ces chefs des guerres se disent pasteurs. C’est le cas de Ruberwa et
de Laurent Kunda qui fondent leur lutte sur des thèses métaphysiques.
La
première thèse est que les Banyamulenge,
en tant que Tutsis se croient supérieurs aux Bantous. Se fondant sur les écris
coloniaux de l’anthropologue belge, le Père Tempels au Rwanda qui affirmait la
supériorité des Tutsis nilotiques qu’il décrit comme un peuple éveillé et
entreprenant sur les Hutus bantous. Aussi, les Banyamulenge assimilent les
Congolais qui sont pour la plupart des Bantous aux Hutus décrits par Tempels
comme un peuple naïf et fainéant.
La
deuxième thèse, ce que en tant que Tutsis, les Banyamulenge se disent
appartenir à la descendance de Salomon et seraient en marche vers la terre
promise qui serait le Congo, du moins sa partie orientale. D’où le projet de
créer un empire Hima-Tutsi dans l’Est du
Congo, un nouveau pays qui s’appellerait
la République de Volcan ou la République
du Kivu où les Tutsis seraient majoritaires, se fondant faussement sur le texte
biblique de Esaie 18.
Minembwe
serait donc le microcosme qui est appelé
à se développer pour voir ce projet se réaliser. D’où l’affirmation de
Ruberwa : Minembwe avance. C’est ce qui explique aussi le triomphalisme et les festivités dans les
milieux des Tutsis à travers le monde après l’installation du bourgmestre de
Minembwe.
Mais tout ceci est fondé sur une histoire
falsifiée de toute pièce. Tout le monde sait qu’il existe qu’une seule terre
promise pour les Juifs qui est la Palestine et que la nation d'Israël demande à
tous les Juifs du monde de rentrer en Palestine pour reconstruire le Temple en
attente du Messie. Si les Tutsis sont donc des enfants de Salomon, pourquoi ne
rentrent-ils pas en Palestine comme les Falasha ? Pourquoi falsifient-ils
l’histoire du Congo au lieu de s’intégrer simplement dans la communauté
congolaise qui les a si bien accueilli? Malheureusement, les firmes
internationales, avides de gain, préfèrent composer avec les
différentes rébellions Banyamulenge pour l’exploitation illégale des minerais
du Congo et qui continue à alimenter la
guerre. Mais tant que l’armée congolaise sera aussi faible et infiltrée, ce
cycle aura difficile à s’arrêter.
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