122 Organisations de défense de droits de l'homme encouragent
l’Union Européenne à maintenir les sanctions ciblées pour donner un espoir de
justice aux victimes de la répression politique en RDC.
Elles encouragent à nouveau les ministres des Affaires étrangères
des pays membres de l'Union Européenne, de soutenir le maintien des sanctions
ciblées à l'encontre de 11 officiels congolais impliqués dans des violations
graves des droits de l'homme, notamment celles liées au dernier processus
électoral en République Démocratique du Congo.
Les victimes dont nous nous faisons le porte-parole n'ont
pas oublié les nombreux abus graves qu'elles ont subis pendant les années de répression
politique au cours desquelles ces hauts responsables étaient impliqués et pour
lesquels elles attendent encore une justice qui tarde à venir malgré les
promesses faites par les autorités en place, notent ces organisations des
droits humains. Elles constatent que malgré la déclaration du Président Félix-Antoine
Tshisekedi de faire de cette année 2020 une « année de l’action», rien
n’est mis en œuvre pour obliger les personnes responsables à rendre des comptes
pour les crimes du passé.
A ce jour aucun des individus sanctionnés n'a fait
l'objet d'une enquête judiciaire pour être entendu sur les faits qui leur sont
imputés. Bien que la majorité de ces hauts responsables ciblés n’aient plus de
fonction officielle, certains d’entre eux continuent à occuper des postes de
responsabilité alors que d’autres ont été nommés – et même promus pour certains
– à de nouvelles fonctions dans l’armée et dans l’administration au courant de
cette année 2020. C’est le cas notamment du Général John
Numbi qui a été relevé de ses fonctions mais demeure libre alors qu’impliqué
dans plusieurs violations graves de droits de l’homme ainsi que le Général Gabriel
Amisi qui a été quant à lui promu. Cette situation fait naître un doute dans le
cœur des victimes de voir un jour leurs bourreaux répondre de leurs actes et
fait dissiper un espoir d'une justice en leur faveur.
Comme vous pouvez le remarquer, la situation politique dans
le pays demeure encore tendue. Les derniers développements politiques nous font
croire que des manœuvres sont mises en place pour empêcher toute initiative pouvant
conduire à une redevabilité des alliés, entres autres, au pouvoir du Président Tshisekedi
pour les abus qu’ils ont commis.
Qu’ils soient encore en fonction ou passés dans l’ombre,
les hauts responsables sanctionnés par l’Union Européenne demeurent influents
sur la scène politique au sein du Front Commun pour le Congo, famille politique
de l’ancien Président Joseph Kabila, malgré le changement survenu au sommet de l’Etat.
A ce titre, leur capacité de nuisance reste indéniable. Ce camp politique qui semble
préparer son retour au pouvoir a tenté de s'assurer un contrôle de la
Commission Électorale Nationale Indépendante (CENI), l’organe organisateur des
élections en RDC, par la nomination d'une personnalité qui est impliquée dans
la fraude électorale décriée qui avait émaillé les élections de 2018.
Deux députés influents de cette même famille politique ont
initié et déposé au bureau du parlement une proposition de réforme de la loi du
secteur de la justice pour accorder au ministre de la justice – membre de leur
camp politique- un contrôle sur les poursuites judiciaires lancées par les
magistrats, ce qui mettrait en danger un système judiciaire déjà affaibli par
un manque d’indépendance à cause de l’ingérence politique et de la
corruption.
Les manifestations contre ces initiatives à travers
certaines villes du pays ont été violemment réprimées par les forces de
sécurité causant ainsi mort d’hommes à Kinshasa et Lubumbashi.
Les sanctions ciblées restent un moyen dissuasif alors
que beaucoup ont déjà les yeux rivés sur les prochaines élections et rappellent
aux auteurs des crimes graves qu’il y a un prix à payer pour les actes dont ils
se rendent coupables. Elles contribuent aussi à empêcher les personnalités ciblées
de commettre de nouveaux abus et pour certains de s’effacer de la scène politique
espérant la levée de ces sanctions.
Alors que le besoin d’une vraie justice vient d’être
exprimé à nouveau par des milliers de congolais en marge de la célébration ce 1er
octobre des dix ans du rapport Mapping - ce rapport des Nations Unies qui a
décrit les violations les plus graves des droits humains et du droit
international humanitaire commises en RD Congo entre mars 1993 et juin
2003, et qui peuvent être qualifiés de crimes contre l'humanité et de
crimes de guerre - lever les sanctions contre ne serait-ce qu’un seul de ces
officiels, sans qu’ils n’aient répondu des allégations des crimes graves devant
les juridictions compétentes serait un affront aux victimes.
C’est pour ces raisons que nous invitons les
gouvernements de l’Union Européenne à maintenir les sanctions ciblées contre toutes
ces 11 hautes personnalités tant qu’il n’y aurait pas des progrès significatifs
dans le processus de rétablissement de la justice à l’égard de toutes les victimes
de la violente répression politique de ces dernières années et plus loin encore
des crimes documentés dans le rapport mapping des Nations Unies.
Nous joignons notre voix à celle des milliers des Congolais qui demandent l’établissement d’un Tribunal pénal international pour la RD Congo ou des chambres spécialisées mixtes pour juger ces crimes car il ne peut y avoir de paix durable sans justice, comme le répète le prix Nobel de la paix, le Dr Denis Mukwege.
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