I. PROBLEMATIQUE
L’objectif
du dialogue, de par l’ordonnance présidentielle portant sa convocation, est d’obtenir de la classe politique un consensus sur :
La
mise à jour du fichier électoral ;
Le calendrier électoral ;
La sécurisation et le financement des élections.
Suivant
sa feuille de route, pour sa réussite, le dialogue devrait déboucher sur un
accord politique respectueux des principes ci-après :
La
mise en place d’un calendrier réaliste et crédible pour des élections apaisées,
transparentes et crédibles ;
Le respect de la Constitution ;
La mise en place des réformes nécessaires au financement des élections et de
leur sécurisation ;
L’exclusivité ;
II.
ACCORD POLITIQUE : LE FONDS ET LA FORME
En
lisant l’accord politique, son contenu, la procédure de son élaboration et de
son adoption, nous constatons le non respect des principes ci-haut évoqués, ce
qui compromet à l’atteinte des objectifs assignés au dialogue.
A
propos des séquences des élections et du calendrier électoral selon la CENI
La
CENI avait recommandé aux participants, et ce pour une détermination
rationnelle des dates de scrutins et du calendrier électoral, de lever
prioritairement les séquences à partir de la date du parachèvement de
l’enrôlement des électeurs, l’option relative aux séquences des élections.
L’option levée par la plénière, à cet effet, a été d’organiser en un seul jour
l’ensemble des scrutins, à savoir l’élection présidentielle, les élections
législatives nationales et provinciales, concomitamment avec les élections
municipales et locales, en cas de disponibilité des ressources financières pour
ces deux dernières.
De cette dernière option, la CENI a donné, en conséquence, les indications
relatives au délai des scrutins ci-après :
Fin Juillet 2017 : parachèvement du fichier électoral ou des opérations de
l’enrôlement ;
504 jours, soit 1 an et demi après l’enrôlement : l’organisation de tous
les scrutins. Ces délais ont été retenus en plénière consécutivement avec
l’option liée à la séquence des élections.
Du
calendrier politique du « Comité restreint »
Curieusement,
le Comité restreint mis en place pour faire la synthèse des divergences et des
convergences entre composantes au dialogue et de faire un projet d’accord à
débattre en plénière, a décidé de réduire de 6 mois le délai ci-haut en le
fixant à fin avril 2018.
La faute du Comité restreint n’a pas résidé dans la réduction du délai, mais
dans le fait qu’il n’a pas tiré les conséquences de cette réduction sur les
séquences des élections et le nombre des scrutins à organiser par jour.
Le
Président de la CENI, à qui, il a été donné la parole, le mardi 18 octobre,
quelques instants avant l’adoption par acclamation de l’accord, s’est prononcé
négativement sur le nouveau délai fixé par le Comité restreint en attirant
l’attention des participants sur la nécessité pour eux de lever les options
ci-après, en vue de rendre réaliste le nouveau délai :
Modifier
les séquences en réduisant le nombre des scrutins à réaliser par jour ;
Revoir les modes de scrutins en vue d’aller vers un regroupement des partis politiques
en vue de réduire les nombres aussi bien de partis politiques que des
candidats, en perspective de la réduction de la taille du bulletin de
vote ;
Accélérer la mobilisation du budget des élections et de leur sécurisation,
lequel doit désormais s’étaler sur une période d’un an. Rien de tout cela n’a
été retenu par la plénière.
De
la nécessite de la constitutionnalisation de la date de l’élection
présidentielle
Il
faut rappeler que l’élection présidentielle n’aura pas été organisée dans le
délai constitutionnel, soit en décembre 2016. Le nouveau délai émanant du compromis politique de la classe politique, devrait
être une date précise devant faire l’objet d’une constitutionnalisation à
travers un arrêt de la Cour constitutionnelle, et devant faire ainsi partie
désormais du corpus constitutionnel.
Malheureusement
le délai fixé à l’article n°5 C de l’Accord politique entretient délibérément
un flou artistique à cet effet. Car celui-ci stipule que la CENI est chargée de
préparer et d’organiser les élections du Président de la République, des
Députés nationaux et provinciaux dans un délai de 6 mois, à dater de la
convocation des scrutins…., ceci rend impossible sa constitutionnalisation.
On
comprend bien la synchronisation de l’Arrêt de la Cour constitutionnelle avec
l’Accord politique du dialogue : l’Arrêt de la Cour constitutionnelle
instruit la CENI en ces termes : « La CENI est autorisée à publier
dans un délai raisonnable un calendrier électoral qui tienne compte de toutes
les exigences techniques et opérationnelles », tandis que l’Accord
politique instruit la CENI de « préparer et d’organiser les élections du
Président de la République, des Députés nationaux et provinciaux dans un délai
de 6 mois, à dater de la convocation des scrutins. Toutefois, la CENI en
collaboration avec le Comité du suivi du dialogue, devra procéder à
l’évaluation de son calendrier, pour s’assurer de sa mise en œuvre et en tirer
toutes les conséquences pour son parachèvement.
Dans
les deux cas, on voit que la CENI, et à travers elle, le nouveau gouvernement,
reçoit de la part de ces deux instances le pouvoir de décider librement du
moment d’organiser toutes les élections en général et en particulier celle du
Président de la République.
Cet
Arrêt de la Cour constitutionnelle est illégal quant à la forme (quorum non
atteint) et anticonstitutionnel quant au fonds.
Glissement
programmé
En
réduisant le délai de 504 jours fixé par la CENI pour l’organisation
concomitante des 5 scrutins (présidentiel, législatif, provincial, local,…)
sans réduire à deux voire à un le nombre de ceux-ci, le « Comité
restreint » savait que ce délai de la part de la CENI voire du
Gouvernement, n’est pas réaliste.
L’objectif
du « Comité restreint » en réduisant le délai était de faire bonne
figure vis-à-vis de la population en suscitant chez elle une perception
positive de l’Accord, quitte à rallonger le délai le moment venu. Un
tel glissement serait impardonnable de la part du peuple. La
nécessité d’une stratégie globale contre la triple crise politique, économique
et sociale.Il
est vrai que l’objectif ultime du dialogue a été la résolution de la crise
politique à travers l’organisation des élections. L’atteinte
de cet objectif passe par la solution à la crise financière. Pour un Etat en
récession et dont les caisses sont vides, le recours à la planche à billets,
dans ce cas, reste la seule solution.
Compte
tenu de ses effets socialement néfastes de cet instrument, le dialogue devait
faire recors à un plan d’aide international qui passe par des réformes en
engager par le Gouvernement d’union nationale qui devra s’inscrire en rupture
avec la politique de la majorité actuelle. Cette option proposée par nous, n’a
pas été acceptée par les participants au dialogue.
La
mystification du délai de l’organisation des élections
En
réalité, ce n’est pas le délai qui pose problème dans la crise actuelle.
L’opinion nationale et la Communauté internationale peuvent bien accepter un
délai même plus long à condition qu’il décide et obtienne par une classe
politique unie et en cohésion.
Mais
en fixant une date qui d’après les données techniques est démontrée à
suffisance qu’il ne pourra pas être respectée et entrainée un autre glissement,
les participants au dialogue ne pourront que faire accroître la désaffection du
peuple envers la classe politique.
De
l’inclusivité : l’ouverture du dialogue au Rassemblement
En
décryptant attentivement le Rapport du Conclave du Rassemblement, on peut
constater qu’il y a plus de peur que de mal, car pour l’essentiel, ce texte
comprend plus d’éléments de convergence que de divergence.
Le
reste du rapport du Rassemblement est constitué des moyens de pression. Il en
est de même des préalables à sa participation telle la libération des
prisonniers, etc. Car ces préalables lors des négociations, pourront être convertis en objectifs
à réaliser par nous tous et ensemble à travers le Gouvernement d’union
nationale.
Quant
au statut du Président Kabila au 20 décembre 2016, celui-ci est négociable. Car
toutes les parties sont conscientes qu’au 20 décembre 2016, le pouvoir
n’appartient à personne en dehors du peuple. Le Président Kabila aurait
l’avantage par rapport à ses adversaires d’être en place et en expédition des
affaires courantes. Il lui reviendrait de partager son pouvoir de fait avec ses
adversaires et ses principaux alliés, dans un format tel que « 1+4 »
ou « 1+5 ».
La
convergence essentielle est que le Rassemblement est pour le dialogue. A ce
propos, l’option d’un dialogue à un ou plusieurs rounds est préférable à celle
de deux ou plusieurs dialogues.
A
ce sujet, la Composante personnalité a proposé l’option de laisser ouvert
l’accord à travers une résolution relative à la mise en commun des conclusions
des travaux du dialogue de l’Union Africaine avec celles des forces politiques
et sociales qui n’ont pas participé au dialogue. Le Comité restreint a écarté
cette hypothèse.
Régime
spécial = Révision de la constitution ou acte constitutionnel de transition.
Le
rassemblement a préconisé un régime spécial. Cette option est plus ouverte et
plus inclusive. Elle est favorable à la révision voire à l’établissement d’un
acte constitutionnel de transition pour la gestion du pays pendant la période
intérimaire.
III.
CONCLUSION
Il
vaut mieux un mauvais accord que rien du tout ;
J’ai refusé de signer l’accord politique du 18 octobre 2016, non pas parce
qu’il serait mauvais dans l’absolu, mais parce que nous pouvions faire
mieux ;
Du point de vue de la forme :
Le compromis trouvé au sein du « Comité restreint » aurait pu être
considéré comme un avant-projet de l’accord qu’on aurait dû discuter en
plénière avant adoption éventuelle.
La fixation du délai des élections devait retrouver l’adéquation avec la séquence
et le nombre de scrutins ainsi que les conditions techniques, opérationnelles
et financières de la CENI, ce qui n’a pas été le cas.
Le caractère hypothétique du délai de l’élection présidentielle ne permet pas
sa constitutionnalisation par la Cour constitutionnelle. Celle-ci n’aurait même
pas siégé pour se prononcer sur une requête de la CENI dépourvue de toute
proposition de date pour les élections présidentielle et législatives.
La volonté de faire un passage en force a amené le « Comité
restreint » de garder secret le document de l’accord vis-à-vis des
participants. Ceux-ci ne l’ont reçu et lu qu’après signature par eux de
celui-ci.
Je
ne pouvais donc pas signer un document que je n’avais ni lu, ni adopté au
préalable
Raisons
de fonds : délai des scrutins
Face aux contraintes logistiques, techniques, opérationnelles et financières,
le délai d’un an et demi n’est pas tenable pour 5 scrutins (présidentiel,
législatif, provincial, local,…) ;
Le glissement au-delà d’Avril 2018 sera inévitable et le peuple, en cette
période où la crise sociale va atteindre son paroxysme du fait de l’inflation
et de l’érosion monétaire, va entrer en colère contre la classe politique, se
sentant floué ;
L’ouverture au Rassemblement préconisée par la Composante personnalité a été
rejetée par le « Comité restreint » qui a supprimé « la
résolution » proposée par la Composante « Personnalité » selon
laquelle le dialogue devait rester permanent et susceptible d’être convoqué par
le Facilitateur pour une mise en commun de ses résolutions avec celles des
autres forces politiques et sociales qui n’auront pas participé au dialogue de
l’Union Africaine.
Le dialogue comme nouvelle source de légitimité et mandant du gouvernement de
coalition, dit gouvernement d’union nationale, devait donner une base politique
en termes d’options politiques, économiques et sociales qui devraient
sous-tendre le programme du nouveau gouvernement. Car, celui-ci, bien que
devant être investi par l’Assemblée nationale ; devait tirer son programme
non pas de la majorité actuelle qui n’a plus ni mandat, ni de projet, mais de
la coalition représentée au dialogue.
L’accord
n’ayant fixé ni orientation, ni axe de sortie de la triple crise en terme de
réformes politiques, économiques et sociales, le nouveau gouvernement n’aura
aucun repère pour son action.
Le
Comité de suivi comme cadre d’évaluation et de suivi de l’action du
gouvernement sera dépourvu aussi de toute base d’évaluation.
Fait à Kinshasa, le 20 octobre 2016
Adolphe MUZITO
Premier Ministre honoraire et Député national
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