Monsieur le Président, Messieurs les membres du
Bureau, Mesdames et Messieurs les Sénateurs et très chers collègues,
Je salue
la présence du Premier ministre, pour la seconde fois en quelques jours, parmi
nous. En République Démocratique du Congo, c’est un événement que de voir un
chef de gouvernement accepter avec spontanéité et diligence de répondre aux
questions d’un élu du peuple. Cependant, il a fallu au Premier ministre 53
jours pour répondre à ma question orale alors que l’article 159 du Règlement
intérieur du Sénat accorde un délai de sept jours avec une rallonge
exceptionnelle de sept autres jours, donc un maximum de 14 jours. Suivez mon
regard.
Sous d’autres cieux, Monsieur le Président, distingués collègues, c’est
un exercice anodin, républicain et le déplacement se fait sans tambour ni trompettes,
sans mobilisation d’une horde des flatteurs et de surcroît sans incidence sur
le Trésor public. Je saisis cette opportunité pour remercier tous les collègues
qui sont intervenus avec brio lors du débat pour exprimer des préoccupations
économiques, politiques et sociales, qui sont celles de la quasi-totalité de
nos concitoyens qui ne se retrouvent pas dans le discours du Premier ministre
sur les réformes, la croissance, la stabilité du cadre macroéconomique, la
stabilité du franc congolais et donc les résultats du programme de son
gouvernement. Monsieur le Premier ministre, Quand je vous ai suivi, le jeudi 02
juin dernier, j’ai été envahi par deux sentiments : un énorme doute sur les
capacités du gouvernement à réformer et une déception quant aux résultats
atteints. Mon doute se fonde sur votre approche purement théorique et
académique en lieu et place d’une approche concrète basée sur des réalisations
quantifiées et chiffrées. Vous avez voulu montrer au Professeur Mokonda sa
totale sous-information des résultats performants de votre gouvernance : le
niveau de pauvreté serait ramené de 71,5 % entre 2004 et 2009 à 61,3 % entre
2012 et 2015. Je reviendrai plus loin sur votre gouvernance. De prime abord,
Monsieur le Premier ministre, comment conciliez-vous la réduction de la
pauvreté avec la réduction des taux de desserte en eau et en électricité.
Comment expliquer que dans un pays où des réformes structurelles ont été
engagées, le taux de malnutrition, le taux de morbidité et le taux de mortalité
infantile n’aient pas connu une chute sensible. Par ailleurs, grande est ma
déception, car, en plus d’une heure de discours sur la politique de la nation,
vous qui vantez tant vos performances, n’avez en aucun moment fourni une
moindre statistique concrète notamment de production agricole ou industrielle,
de volume d’emplois créés ou même d’économies réalisées dans le cadre de la
bancarisation. Ma question orale était une opportunité pour vous, Monsieur le
Premier ministre, d’expliquer en toute simplicité, la pertinence des réformes
engagées depuis quatre ans, les résultats déjà obtenus ou attendus dans un
proche avenir et leur impact sur l’amélioration du quotidien de la population
congolaise. Malheureusement, ce ne fut pas le cas et je m’en vais vous le
démontrer. Votre discours sur la croissance économique, la stabilité du cadre
macroéconomique, la maitrise de l’inflation ou encore la stabilité du franc
congolais est destiné aux universitaires et aux institutions financières
internationales, même si nous ne sommes pas en programme avec elles. C’est
l’exposé d’un Premier ministre qui vit dans une tour d’ivoire, ignorant tout
des conditions de vie quotidienne des populations qu’il gouverne. C’est le
discours d’un étranger qui gère un espace situé dans une planète autre que
celle sur laquelle évolue le peuple congolais. Monsieur le Président, Chers
collègues, Tout en reconnaissant une certaine amélioration de quelques
indicateurs macroéconomiques, je persiste et signe pour confirmer que le cadre
macroéconomique est précaire voire hypothétique. Le Premier ministre lui-même
l’a reconnu en insistant sur les chocs exogènes à notre économie, une économie
totalement extravertie (c’est moi qui ajoute) et sur l’importation d’une grande
partie des biens de première nécessité et des services. L’économie congolaise
ne dispose pas des ressorts dynamiques internes susceptibles de soutenir une
croissance inclusive durable. Quand le Premier ministre parle de création des
richesses quinze ans durant, je ne peux penser un seul instant qu’il y ait une
quelconque confusion dans son esprit entre produit intérieur brut et produit
national brut. Si, par exemple, le produit intérieur brut (PIB) a doublé entre
2012 et 2016, quelle est la vraie part réservée aux Congolais ? Que vaut dans
un pays une création des richesses dont la source est essentiellement
étrangère, comme c’est le cas aujourd’hui pour la RDC avec les banques,
l’industrie extractive, les télécommunications et autres nouvelles technologies
de l’information et de communication (NTIC), les bâtiments et travaux publics
qui sont des entreprises à capitaux majoritairement étrangers. L’évaluation du
Produit national brut qui se traduit par l’incorporation des revenus provenant
de la contribution des Congolais de l’étranger et la déduction des revenus des
étrangers de la production intérieure aurait pu nous permettre d’apprécier le
réel enrichissement de la RDC et des Congolais. En réalité, le poids des
revenus des étrangers anéantit pratiquement toute croissance du revenu
national. Cet anéantissement explique le paradoxe entre le discours élogieux du
chef de gouvernement sur la croissance et la situation pernicieuse du Congolais
moyen acculé au chômage, à la régression continue et ayant perdu toute dignité
et toute espérance. Monsieur le Premier ministre, Que vaut une création des
richesses nationales sans une répartition équitable ? Je voudrais rappeler à
l’attention du Premier ministre les propos tenus par un diplomate en janvier
dernier, je cite : « En 2014, le gouvernement a dépensé quasiment autant pour
le Parlement que pour le secteur de la santé pour tout le pays. Et 12 % des
dépenses de financement interne en 2014 sont allées à la Présidence, à la
Primature et au Parlement, soit l’équivalent des dépenses de l’éducation
primaire, secondaire et technique ». Et ça, c’est tout, sauf la bonne
gouvernance. Toujours concernant le cadre macroéconomique, j’aimerais faire un
bref commentaire sur la stabilité apparente du franc congolais que nous avons
connue pendant 4 à 5 ans qui ne trouve sa justification que dans les faits
suivants, notamment : − la réduction du poids de la dette extérieure sur les
finances publiques et la monnaie ; − l’accroissement des transferts en devises
des Congolais de l’étranger qui alimentent également le marché de change ; −
l’exécution partielle du budget des dépenses courantes et d’investissements au
détriment des services publics, des provinces et des ETD ; − la liquidation
sélective et intéressée de la dette intérieure ; − l’absence d’un dispositif
budgétaire et monétaire bien réfléchi et exécuté pour assurer la réhabilitation
des infrastructures existantes ou la construction de nouvelles infrastructures
modernes. Juste en passant, j’aimerais signaler à l’opinion que contrairement à
l’affirmation du Premier ministre, le taux de change entre le dollar américain
et le franc congolais se situe à près de 960 francs au niveau de la Banque
centrale et autour de 985 francs au niveau des banques commerciales. Monsieur
le Président, Distingués collègues, Je me permets de rappeler, Monsieur le
Premier ministre qu’en 2012 en Occident, les programmes de stabilisation ont
été sévèrement remis en cause dans le cadre du pacte budgétaire européen,
l’accent étant davantage placé sur la création d’emplois et le retour de la
croissance. Plus récemment, le gouvernement et le peuple grec ont carrément
refusé de se plier à un programme de stabilisation jugé suicidaire et injuste à
leurs yeux. Au regard de tous ces éléments, il est souhaitable que le Premier
ministre cesse de parler de la République Démocratique du Congo comme pays
modèle en matière de stabilisation économique et financière à l’étranger. Bien
plus, le faire dans des universités, comme il l’a déclaré, risque de tourner le
pays en dérision. Et d’ailleurs, la récente prestation du Premier ministre sur
les ondes de la Radio France Internationale corrobore mon appréhension.
Monsieur le Président, Estimés collègues, Permettez-moi de revenir sur les
réponses du Premier ministre à mes interrogations dans le cadre de la question
orale qui nous occupe en ce moment. Ergotant sur mes prémisses sur la
croissance économique dans le monde et particulièrement en République
Démocratique du Congo, le Premier ministre a aligné ses réalisations pour
démontrer que mon analyse était infondée. Sur sa liste élogieuse, il a
notamment cité la construction des écoles, la société Transco, la compagnie
aérienne Congo Airways et le parc agro-industriel de Bukanga Lonzo. Je vais
m’arrêter brièvement sur ses réalisations phare. 1. De la construction des
écoles Le Premier ministre avait promis de construire annuellement 1.000 écoles
dans le pays. En deux ans, il n’a construit et livré que 502 bâtiments de six
classes souvent mal construites et non équipées. Ces bâtiments ne répondent pas
aux normes techniques architecturales, spécialement dans un pays qui
expérimente le réchauffement de la planète depuis quelques années. Que signifie
alors pour vous « révolution de la modernité » ? 2. De la Société Transco Que
représentent 500 bus dans une ville de 8 à 10 millions d’habitants ? En prenant
une population de 8 millions, il y a un bus pour 16.000 personnes. Pour vous
aider à avoir vos deux pieds sur terre, je vous informe, Monsieur le Premier
ministre qu’en 1970, il y avait 2000 bus en circulation dans la capitale pour
une population de 1.200.000 habitants, soit un bus pour 600 habitants. Qui dit
mieux ? Et encore des horaires rigoureux. En 1975, Assistant au Campus de
Kinshasa de l’Université Nationale du Zaïre, je louais une maison à
Bandalungwa. L’OTCZ alignait des minibus climatisés pour les cadres qui
n’avaient pas de moyens de transport personnels. Chaque jour, j’allais de chez
moi au Campus en changeant de minibus au Pont Kasa-Vubu. Tout n’était pas
mauvais sous la deuxième République. 3. De Congo Airways Au début des années
1970, la RDC, avec un taux de croissance moyen de 4,5 %, achetait des avions
neufs pilotés par des nationaux. Aujourd’hui, avec un taux moyen proche du
double pendant presqu’une décennie (selon vos propres chiffres), le
gouvernement acquiert des aéronefs de seconde main et de surcroît avec des
étrangers aux commandes, 55 ans après l’indépendance. Les compatriotes qui
étaient à bord du Bombardier baptisé Anuarite Nengapeta n’ont eu la vie sauve à
Isiro, en mai dernier, que grâce à l’intercession de la Bienheureuse. Cloué au
sol par une panne sérieuse, l’avion y est resté deux jours. Etait-il vraiment
nécessaire de survoler océans et continents jusqu’en Océanie pour acheter des
aéronefs d’occasion à la Papouasie Nouvelle-Guinée ? Pourquoi chercher une
aiguille dans une botte de foins ? N’est-ce pas une honte ? Suite à une panne
similaire à celle d’Isiro, le deuxième Bombardier n’a pas pu décoller tout
récemment de l’aéroport international de N’djili. Le lancement de la course,
opération propagandiste, a échoué, les vélos étant bloqués dans l’avion à
Kinshasa. N’est-ce pas une malédiction ? 4. De Bukanga Lonzo S’agit-il d’un
investissement congolais ou sud-africain ? Un collègue a dit que le sol du
Kwango et des environs – prolongement du désert de Kalahari - n’est pas propice
à l’agriculture, mais plutôt à l’élevage. A l’époque, tous les étudiants en
Sciences économiques l’avaient appris dans le cours de Géographie économique.
La vérité, c’est que le maïs est acheté dans les milieux paysans et transporté
à Kinshasa pour y être transformé en farine dans les installations de
CDI/Bwamanda. Encore que le prix de la farine de maïs vendu par le Parc
agro-industriel ne tienne pas compte de la bourse du consommateur de cette
denrée. Le Premier ministre ne sait pas à quel coût l’Etat d’Israël parvient-il
à rendre arables les sols. Au cours des années 1980, une étude réalisée sur le
Plateau des Bateke avait déjà relevé les limites pour développer les cultures
vivrières. Monsieur le Président, Estimés collègues, Je voudrais parler
toujours de la croissance. Celle-ci constitue un des concepts au centre des
préoccupations des économistes et acteurs politiques au cours du siècle dernier
et même encore au début de ce 21ème siècle. Depuis Ricardo, Malthus, Keynes et plus
proche de nous Friedman ou Stigliz, nous sommes passés d’une conception
apocalyptique à une vision plus rationnelle de la croissance. D’autres grands
noms de l’économie moderne comme Kuznets, Harrod ou encore Solow ont développé
des modèles pour caractériser ou interpréter le phénomène de croissance
économique. Comme je l’ai dit dans ma question orale et je demeure péremptoire
à ce propos, les bienfaits de la croissance : emplois jeunes, créations des
PME/PMI, sécurité alimentaire, prospérité issue notamment de l’accroissement de
la production agricole ou manufacturière, et donc réduction sensible de la
pauvreté, sont absents du tableau brossé par le Premier ministre. Une
croissance moyenne du PIB par habitant de 4% sur dix ans doit amener de grands
changements structurels dans un pays. D’ailleurs, les travaux du professeur
américain Okun ont mis au point, il y a soixante ans au moins, une loi que nous
enseignons aux étudiants en Sciences économiques, selon laquelle une
augmentation de la production de 3 % devrait entraîner une réduction du chômage
de 1 %. Avec un taux moyen de croissance de 9 % pendant 10 à 15 ans, la RDC
aurait dû enregistrer une réduction sensible du chômage (3 % en moyenne par
an). Et pourtant, le Premier ministre ne fournit aucune statistique ni du
nombre de demandeurs d’emploi, ni de création d’emplois nouveaux pour
l’absorption du chômage. C’est tout simplement de la fumisterie, du
tripatouillage des chiffres à mobile propagandiste. Je rappelle que l’Europe
des années 1980 était très différente de celle des années 50 à cause des 30
glorieuses années (4 à 5% en moyenne par an). Elle a rattrapé son retard par
rapport aux USA qui l’a aidée à se reconstruire. La Chine d’aujourd’hui qui a
affiché un taux moyen de croissance moyen de 9% entre 1990 et 2012 (record
historique) est très différente de la Chine de Mao. Elle est en train de
rattraper son retard par rapport à l’Occident. Elle devient progressivement la
première puissance économique du monde. Monsieur le Président, Distingués collègues,
Malgré son caractère abstrait, la croissance se vit de manière concrète au jour
le jour. Car la croissance chinoise est vue et vécue au jour le jour même par
les Congolais. Il suffit de circuler à Kinshasa pour s’en rendre compte à
chaque coin de rue. La croissance congolaise est-elle vécue à Ango, Bafwasende,
Baraka, Bumbu, Ikela, Kabambare, Kasongo Lunda, Katako-Kombe, Kisenso, Libenge,
Lubao, Luiza, Manono, Mitwaba, Ngaba, Niangara, Oshwe, Walikale ou encore dans
les pays voisins ? Seul le Premier ministre peut l’affirmer, comme il l’a
encore fait le samedi dernier sur les ondes de la RFI. Kinshasa et le Kongo
central ne sont-ils pas tributaires notamment des produits alimentaires, du
ciment et des produits pétroliers en provenance de la République sœur d’Angola
? Monsieur le Président, Distingués collègues, Je poursuis avec la politique
économique du gouvernement en tentant d’analyser les réponses du Premier
ministre portant notamment sur la politique industrielle, la politique
énergétique, la politique agricole, les fruits de la remise de la dette, la
promotion d’une classe moyenne congolaise et la protection de la main-d’œuvre
nationale. Concrètement, je ne saisis pas bien la politique industrielle du
gouvernement sur la base des réponses abstraites reçues. Le Premier revient sur
la Sidérurgie de Maluku qui aurait aggravé la dette extérieure congolaise
(sic). Me référant à l’ouvrage de Jean-Claude Willame1, c’est plus la centrale
hydroélectrique d’Inga dont la ligne très haute tension entre Inga et Kolwezi
qui représente la part la plus importante de la dette, et non la Sidérurgie de
Maluku, comme l’a affirmé le Premier ministre. Je rappelle au Premier ministre
que c’est grâce à INGA, une réalisation de la deuxième République tant et
toujours décriée, que le Kongo Central, la Ville de Kinshasa et le Katanga, en
tant qu’entités économiques et sociales, ont encore de l’oxygène pour survivre.
Depuis mai 1997, dix-neuf ans se sont écoulées, je ne connais pas une seule
centrale hydroélectrique d’envergure qui soit construite et qui soit
opérationnelle dans le pays. Or, il n’y a ni zones économiques spéciales
viables, ni industrialisation structurante, ni même parcs agro-industriels
modernes sans une politique énergétique cohérente. Non seulement, Monsieur le Premier
ministre, vous avez escamoté ma question sur Utexafrica, en plus, vous ne
m’avez pas convaincu sur la Sotexki, la Cimenterie de la Province Orientale
muée en Cimenterie de Maïko et la Sucrière de Kiliba. Vous affirmez, je cite :
« Le Gouvernement adopte Zaïre, L’épopée d’Inga : Chronique d’une prédation
industrielle, L’Harmattan, Paris, 1986, 231 p. une politique de relance
industrielle qui tient compte de la situation de l’industrie existante et de la
nécessité de reconstituer et développer le tissu industriel au regard de
l’ambition d’émergence économique du pays ». Emergence, concept désormais
fétiche en République Démocratique du Congo, est un SLOGAN creux comme les «
Cinq chantiers », comme la « Révolution de la modernité ». Quand le gouvernement
parle de l’émergence de la RDC, sur quoi repose celle-ci ? Je dois avouer que
les mots ne suffiront pas à pousser la RDC vers l’émergence. Ce sont des
actions bien articulées autour des programmes bien conçus, financés et mis en
œuvre sur le terrain qui vont transformer la RDC et en faire un pays émergent.
Et ces programmes sont à élaborer dans les domaines des infrastructures, de
l’industrie manufacturière, de l’énergie, de l’agriculture, de
l’agro-industrie, des finances, etc. La Sotexki est, aujourd’hui, l’unique
industrie textile de l’Afrique centrale. Des gouvernements des pays voisins
(Angola, Congo, Zimbabwe) s’adressent régulièrement à cette entreprise
d’économie mixte pour leurs diverses commandes. Le gouvernement de la RDC,
quant à lui, est un fidèle client de l’industrie textile des pays de
l’Extrême-Orient, malgré la loi de sauvetage des industries en péril qu’il a
fait voter au Parlement. Le coton est la matière première transformée par la
Sotexki. Le gouvernement n’a rien entrepris sur le terrain pour promouvoir la
relance de la culture du coton. Le Premier ministre sait que le coton de Mahagi
est réexporté en RDC via l’Ouganda et que notre pays produit moins de 10.000
tonnes pendant que le Burkina Faso, pays du Sahel, en produit 800.000. Il n’y a
pas match, encore moins débat. La vérité est têtue ! S’agissant de la
Cimenterie de la Province Orientale ou de la Maïko, j’ai l’obligation de livrer
les informations en ma possession. S’il est vrai que les premières études de
faisabilité avaient induit le gouvernement et le Président de la République en
erreur, il est faux de prétendre que tout va pour le mieux aujourd’hui et que
la Cimenterie fait partie des priorités du gouvernement. En réalité, ce projet
datant de 2005 constitue une arête dans la gorge du gouvernement. En effet, un
crédit de 35 millions de dollars fut libéré par le gouvernement indien en 2005
pour la mise en œuvre de trois sociétés : STUC, CIPOR et Agriculture Bio
Technology. De janvier 2009 à septembre 2011, 34 conteneurs contenant des
équipements pour CIPOR furent rassemblés au Terminal Conteneurs Port de
Kinshasa (TCPK) où ils seraient encore. Malheureusement, des carences
structurelles se sont manifestées dans le chef du gouvernement central et du
gouvernement provincial qui se sont montrés incapables, le premier pour
acheminer les équipements à Kisangani et le second pour créer une voie d’accès
au nouveau site choisi à Wanie Rukula, à plus ou moins 65 km de Kisangani.
J’aimerais toutefois rappeler à l’opinion que la centrale hydroélectrique de la
Tshopo produit actuellement 19,8 MW, la demande à Kisangani étant estimée par
la Société Nationale d’Electricité à 30 MW, soit un déficit de 10,2 MW. Il est
tout à fait exclu de transporter l’énergie de Kisangani à Wanie Rukula. Le four
rotatif de la cimenterie livré par l’Inde étant conçu pour être chauffé à
l’énergie électrique, CIMAIKO, comme l’appelle le Premier ministre, ne peut
tourner qu’avec une source d’énergie autonome. Il sied donc de financer la
construction d’une centrale hydroélectrique sur la rivière Maïko ou sur le
Fleuve Congo à Wanie Rukula, projet non prévu par le gouvernement qui priorise
le site d’INGA. CIPOR ou CIMAIKO, ce n’est que du mensonge. A l’heure actuelle,
d’après les documents en ma possession, le gouvernement tarde à libérer une
somme de près de 10 millions de $ US pour divers frais : surestaries,
occupation d’espace et transit, administratifs, transport, manutention,
honoraires, etc. Voilà, Monsieur le Président, Distingués collègues, une fois
de plus, c’est la vérité des faits. Elle demeure têtue. Quant à la Sucrière de
Kiliba, je n’ai vu que du brouillard dans l’explication du Premier ministre.
Elle n’est toujours pas une priorité pour le gouvernement. Pour terminer sur ce
point, je voudrais indiquer qu’une PMI congolaise produit des robots pour
faciliter la circulation routière. Au lieu de l’encourager et lui apporter le
soutien nécessaire pour accroître sa productivité et sa compétitivité, le
gouvernement a opté pour l’acquisition des passerelles importées plus
coûteuses, du reste très peu utilisées par les usagers, juste pour des raisons
que le commun des mortels imagine. Le choix du gouvernement vise à préserver
l’emploi à l’étranger et non à réduire le chômage en RDC et à booster la
croissance. Votre soutien institutionnel, Monsieur le Premier ministre, aurait
permis à cette jeune PMI de croître. La pose de nombreux robots sur les
principales artères de la capitale aurait certainement contribué à réduire les
nombreux accidents mortels, notamment sur le Boulevard Lumumba et les bouchons
quotidiens pour le bien-être de la population kinoise. Vous administrez la
preuve que vous n’avez pas de politique industrielle. Monsieur le Président,
Distingués collègues, Quelle est la politique agricole du gouvernement ? Monsieur
le Premier ministre, Monsieur Kablan Duncan a été nommé premier ministre de la
Côte d’Ivoire en avril mai 2011, soit juste un an avant votre avènement à la
tête du gouvernement. Je vous rappelle que la Côte d’Ivoire qui venait de
connaître de désordres politiques déchirants est un pays post-conflit comme la
RDC. Au cours de la période 2011 à 2015, c’est-à-dire autant que vous
aujourd’hui, voici quelques résultats de son action dans le domaine agricole :
- la production de cacao a atteint 1.800.000 tonnes, soit un accroissement de
20 % par rapport à 2012, consacrant ainsi ce pays premier producteur mondial ;
- la production d’anacardes passe de 565.000 tonnes en 2014 à 700.000 en 2015,
et le pays en devient le premier exportateur mondial. L’objectif est d’arriver
à 1.000.000 de tonnes en 2020. A l’heure actuelle, la Cote d’Ivoire est en
train d’installer la plus grande chocolaterie du monde pour transformer sa
production cacaoyère sur place. La Côte d’Ivoire a une superficie de 322.462
km² et une population de 23,3 millions d’habitants. La superficie de la
Côte-d’Ivoire ne représente que 14 % de celle de la République Démocratique du
Congo. Le Premier ministre peut-il donner les statistiques de production et
d’exportation du cacao congolais ? Peut-on comparer ces résultats avec les
vôtres, Monsieur le Premier ministre ? Pouvez-vous décliner les termes de votre
programme de relance des cultures de café, de cacao, de palmier à huile,
d’hévéa, de quinquina, de théier, de coton et des résultats obtenus depuis
2012, pour ne citer que celles-là ? Qu’avez-vous fait pour les cultures
vivrières (mais, riz, arachides, haricot, manioc, bananes, etc.) et l’élevage
(volailles, porcins, ovins, caprins et bovins) ? Je viens d’apprendre que le
gouvernement aurait décidé subitement d’allouer une enveloppe de 30 millions de
dollars pour financer la relance du café Arabica dans le Nord et le Sud Kivu.
Si cette information était vérifiée, quelques interrogations me viennent à
l’esprit. Quel sort le gouvernement réserve-t-il aux autres grandes provinces
caféières où se cultive le café Robusta, à savoir les ex-provinces de
l’Equateur et Orientale ? Quelle serait l’origine de ces ressources : budget de
l’exercice 2016, cagnotte spéciale, ligne de crédit d’une banque commerciale locale
ou internationale ? Pourquoi avoir attendu seulement 2016 ? Que devient
l’Office national du café dans le cadre de la relance caféière en République
Démocratique du Congo ? Pouvez-vous affirmer que la Côte d’Ivoire, pays du
président Alassane Ouattara, éminent économiste, ancien Directeur général
adjoint du Fonds Monétaire International, ne se préoccupe pas de la stabilité
de son cadre macroéconomique ? Dès leur arrivée au pouvoir, ni le président
Alassane Ouattara, ni son Premier ministre n’ont utilisé le passé de leur pays
pour justifier les difficultés de la conduite de leur politique. En République
Démocratique du Congo, les responsables politiques ne cessent de masquer leurs
insuffisances en prétextant soi-disant les erreurs de la deuxième République.
C’est de l’irresponsabilité, vingt ans après ! Monsieur le Premier ministre, Un
des plus grands goulots d’étranglement de notre économie était constitué de la
dette. Vous êtes donc certainement le plus chanceux des chefs de gouvernement
qui se sont succèdés de la Deuxième République jusqu’à ce jour, car vous êtes
le seul à avoir hérité de la gestion du pays après la crise de la dette. A ce
sujet, comment parler de la stabilisation sans que le peuple congolais ne sache
où passent les économies nées de la dette, lesquelles devaient en priorité
couvrir les dépenses pro pauvres ? A vous entendre, votre réponse a été
évasive. En outre, il n’existe aucune structure gouvernementale qui s’en est
chargée et aucune évaluation périodique n’a été faite pour en voir les
retombées s’il y en a eu sur le peuple congolais. Et comme le conseil des
ministres se réunissent rarement et à l’improviste, vous décidez donc seul de
l’affectation de ces ressources. Etant donné l’absence certaine d’orthodoxie
dans la gestion, il était préférable pour vous de taire les détails qui nous
auraient permis d’apprécier la pertinence de vos actions et l’équité de la
répartition des entités bénéficiaires des financements. Quand il s’agit du
peuple, il me semble qu’il faudrait éviter de gouverner par défi. Il sied de
lui accorder un minimum d’attention. A Kisangani, chef-lieu de la Province de
la Tshopo, troisième ville du pays jusque-là, où vous avez séjourné du vendredi
3 à dimanche 5 juin dernier, vous vous êtes fait royalement attendre le samedi
04 juin de 8h30 à 17h, sans vous manifester et sans vous excuser. C’est le
dimanche 05 en matinée que vous avez furtivement coupé le ruban symbolique
avant de vous envoler pour la capitale. Cela frise du mépris pour le souverain
primaire de l’ex- Province Orientale et du Congo profond. Voilà un signe qui ne
trompe pas : un premier ministre qui dédaigne tout contact avec le peuple. Vous
avez éludé tout simplement la préoccupation de la protection de la main-d’œuvre
congolaise et celle de la promotion de la classe moyenne. Votre gouvernement a
ouvert grandement les portes de la République Démocratique du Congo aux
étrangers au détriment des Congolais. Non seulement ce sont les entreprises
étrangères qui raflent la quasi-totalité des marchés publics attribués de gré à
gré, mais en plus, elles se réservent la part du lion dans les emplois de
commandement. Plus grave, même le personnel subalterne et ouvrier est recruté
dans les pays d’origine des entrepreneurs, sans une quelconque réaction du
gouvernement. Sur le même registre, l’opinion s’apercevra que les Congolais ne
bénéficient d’aucune prérogative dans l’exercice de certaines professions. Des
activités de commerce protégées par une loi et jadis réservées aux Congolais
sont systématiquement exploitées par les étrangers. Les Congolais subissent
donc une concurrence déloyale, dans leur propre pays, avec la complicité tacite
du gouvernement. Les femmes commerçantes en savent plus et fulminent de colère.
Le Premier ministre et son gouvernement sont restés muets sur ces
préoccupations. Monsieur le Président, Estimés collègues, Je ne peux clore ce
chapitre sur la politique économique sans m’arrêter sur la problématique de la
gouvernance, mieux de la gouvernance du Premier ministre. Monsieur le Premier
ministre, Lors de l’investiture de votre gouvernement en 2012 par l’Assemblée
nationale, vous vous êtes engagé à tripler les recettes publiques à l’horizon
2016. Dans la loi de finances votée par le Parlement et promulguée pour
l’exercice 2012, le budget en recettes était évalué à l’équivalent de 7
milliards de dollars américains pour 60 à 65 millions d’habitants. En 2016,
l’opinion s’attendait logiquement à un volume de recettes de l’ordre de 21
milliards de dollars US. Au regard du projet de loi de finances rectificatif
pour l’exercice en cours, les recettes publiques sont chiffrées à 7 milliards,
c’est-à-dire au même niveau apparemment qu’il y a 4 ans, mais 70 à 80 millions
d’habitants. En procédant au calcul en termes réels, c’est-à-dire à prix
constants, les chiffres de 2016 sont même inférieurs à ceux de 2012. Est-ce un
succès ou un échec pour vous, Monsieur le Premier ministre ? La création des
richesses et la bonne tenue de notre économie que vous vous attribuez auraient
dû se traduire par une meilleure mobilisation des ressources publiques. Ce qui
n’est pas le cas. L’appauvrissement de l’Etat, le plus grand pourvoyeur
d’emplois en RDC, peut-il contribuer à enrichir le pays, son personnel et le
peuple congolais ? J’en doute. Dès votre avènement à la tête du gouvernement,
vous avez introduit une réforme fiscale hasardeuse et douteuse : le
remplacement de la Contribution sur le Chiffre d’Affaires (CCA) par la Taxe sur
la Valeur Ajoutée (TVA). Vous n’avez jamais produit un rapport d’évaluation de
cette réforme afin d’en confirmer ou infirmer le bien-fondé. La Cour des
comptes a fait un constat amer et troublant : au cours de l’année 2014, vous
avez financé plus de 190 projets non prévus au budget pour une valeur de près
d’un milliard de dollars américains. Est-ce de la bonne gouvernance ? N’est-ce
pas l’enveloppe dont le pays a besoin pour organiser les élections en 2016.
Comme un éminent collègue l’a fait observer le jeudi dernier, la responsabilité
politique du Premier ministre est totalement établie dans tout dérapage
politique et toutes conséquences dommageables que le pays va connaître. Le
peuple congolais s’en souviendra ! Répondant à la question orale avec débat du
Sénateur Djoli, le 06 mai 2016, Madame la ministre du Portefeuille
reconnaissait, que vous avez ponctionné dix millions de dollars américains des
ressources générées par la Redevance Logistique Terrestre pour constituer le
capital de Congo Airways, en violation de l’arrêté interministériel signé par
plusieurs ministres sous votre autorité. Vous saviez pertinemment bien que les
ressources de la RLT étaient exclusivement consacrées aux exploitations de la
SCTP. Ce n’est pas tout, car vous avez également décidé d’acheter des
locomotives en faveur de la SNCC. Voilà une autre preuve de mauvaise
gouvernance. Votre gouvernance est entachée d’une vague permanente de
corruptions qui affecte tous les services de l’Etat et qui favorise un
processus d’enrichissement rapide et illicite des membres du gouvernement et
des responsables des services de l’Etat. La primature dépense chaque plus du
double du budget voté par le Parlement. Il ressort des informations en ma
possession que la primature n’est pas bancarisée. Pourquoi deux poids, deux
mesures. Que veut-on cacher ? En maintenant le prix des produits pétroliers à la
pompe inchangé, vous avez préféré sacrifier le bien-être de la population, à
travers la baisse des tarifs des transports et du prix de revient des produits
alimentaires et autres. Vous avez montré que le soulagement des souffrances de
la population n’est pas votre priorité. Et pourtant, on gouverne pour
satisfaire les besoins des populations. Vous êtes sans ignorer que diverses
autorités civiles et militaires de la RDC sont impliquées dans des opérations
mafieuses. Ces opérations concernent l’exploitation illicite des minerais, les
exonérations accordées pour l’importation de certaines marchandises et le
détournement des ressources fiscales à plusieurs niveaux, et ce toujours sans
réaction de votre part. Il me revient de constater que la décision que vous avez
prise sur le dossier BIAC n’aurait pas été soutenue par une lecture
professionnelle de la situation, étant donné l’importance de cette banque.
C’est votre refus du refinancement de la BIAC qui a perturbé l’équilibre de
cette banque et provoqué une surchauffe sur le marché monétaire et de change.
En prenant cette décision, avez-vous pris en compte le fait que cette banque
avait en charge la paie de plus de 40.000 agents et fonctionnaires de l’Etat
éparpillés dans le pays et que 55 % de ses dépôts provenaient des ménages ?
Bien plus, à vous entendre parler du coût exorbitant du crédit en République
Démocratique du Congo, j’ai eu le sentiment que la politique de votre
gouvernement incitait la clientèle à financer le déficit opérationnel des
banques plutôt que de pousser celles-ci à financer les activités de leurs
clients. Un des plus grands supports de la croissance reste l’investissement
qui lui-même dépend du financement et donc du crédit. Je relève là une
contradiction fondamentale entre la politique du gouvernement et l’objectif de
croissance qu’il s’est fixé. Monsieur le Premier ministre, Vous savez aussi
bien que moi que la gouvernance n’est pas seulement économique. Elle est
également politique, sociale et culturelle. Ma curiosité sur votre politique en
matière d’habitat ne trouve aucune réponse responsable. Vous me parlez du futur
en mentionnant la destruction des bidonvilles et la réduction drastique du
banditisme de rue. Je veux rester concret. Vous avez initié des projets dans le
secteur de l’immobilier. Il s’agit de la Cité du Fleuve, de l’ex-Pépinière de
Bandalungwa, de la Foire internationale de Kinshasa. Est-ce des logements
sociaux pour les revenus modestes ? Savez-vous à quel prix peut-on acquérir un
appartement dans ces immeubles ? Je veux parler des logements à loyer modéré, à
l’image des cités construites avant l’indépendance par l’Office des Cités
africaines devenu Office national des logements, après l’indépendance. Je veux
parler de la Cité Salongo, de la Cité verte, de la Cité Maman Mobutu où les
fonctionnaires et les employés du secteur privé peuvent acquérir à crédit des
logements décents et humains. Je voudrais encore parler des casernes pour
militaires et policiers. Avez-vous déjà visité une seule fois les camps Kokolo
et Badiadingi où sont hébergés les militaires, les camps Lufungula et Kabila où
habitent les policiers ? C’est tout simplement ahurissant et scandaleux ! Tous
ces Congolais vivent dans des conditions infra-humaines. On y trouve trois à
quatre familles d’officiers dans une villa qui, jadis, était destinée à une
seule famille. Je vous parle en connaissance de cause, car j’ai vécu au Camp
Kokolo. Savez-vous qu’au Camp Kokolo, pour ne parler que celui-là, on y a érigé
des cases comme dans un village et en pleine capitale ? Peut-on attendre de la
combativité dans le chef des militaires aussi abandonnés ? Monsieur le Premier
ministre, quand vous répondez à ma préoccupation sur l’insalubrité à Kinshasa,
vous préférez vider la pertinence de la question en alignant un chiffre : 1,4 millions
de dollars américains que vous mettez mensuellement à la disposition de la
Ville de Kinshasa. Soit ! Mais, la ville de Kinshasa, c’est la capitale, le
siège des institutions de la République, le siège des représentations
diplomatiques et de diverses organisations internationales, c’est une
concentration de 8 à 10 millions de personnes vivant en promiscuité dans un
espace de près de 700 km² sur une superficie totale de près de 10.000 km². Vous
comprenez donc l’incidence de l’insalubrité, du non curage des cours d’eau et
des caniveaux sur la santé et le bien-être de la population. Je vous apprends
qu’à une certaine époque – les années 1970- 1980 - que vous n’avez peut-être
pas connue, les Kinois se souviennent encore des avions qui survolaient la capitale
pour épandre des insecticides dans le cadre du programme de salubrité publique.
Tout ceci, Monsieur le Premier ministre, pour vous dire que vous ne palpez pas
du doigt les réalités du pays. Par exemple, on ne vous a jamais vu à Boende,
Bukavu, Bunia, Buta, Gbadolite, Gemena, Isiro, Kamina, Lisala, Lodja, Mbandaka
et j’en passe. Vos voyages sont plus orientés vers l’étranger pour des raisons
faciles à deviner. Vous gouvernez donc un pays, mieux un sous-continent, que
vous ne connaissez que sur papier. En résumé, Monsieur le Premier ministre,
vous avez fait perdre du temps et des opportunités à la République. Le secteur
minier a obtenu des résultats record en termes de production et de cours de
matières premières, sans que le pays n’ait réussi à constituer des réserves
substantielles pour relancer les secteurs agricole et manufacturier,
transfigurer l’économie congolaise et amorcer un réel élan vers l’émergence.
Monsieur le Président, Estimés collègues, Je voudrais passer au second volet de
ma conclusion quant à la gestion des ressources humaines. Monsieur le Premier
ministre, J’apprécie à sa juste valeur la réforme que le gouvernement a
entreprise en vue de rendre l’administration publique congolaise productive,
performante, capable de rendre à la population les services attendus par
celle-ci. Mes préoccupations ne portaient absolument pas sur la réforme en
cours, pas non plus sur des dossiers individuels, comme vous semblez le
banaliser dans votre réponse. Mes préoccupations concernent le malaise qui a élu
domicile au sein de l’Administration publique et qui se traduit par des mesures
arbitraires et intempestives de révocation, de suspension, de mise à la
retraite au mépris des textes législatifs et réglementaires en vigueur, la
lenteur dans le traitement des dossiers des agents de carrière de l’Etat, des
nominations sur fond de népotisme, clientélisme, tribalisme, la léthargie voire
le laxisme dans la correction des décisions prises par erreur ou encore
entachées d’irrégularités, du reste souvent reconnues par le gouvernement. Ce
sont des milliers de fonctionnaires qui sont affectés par ces injustices.
Chaque ministre doit mettre en place une équipe clientéliste de fonctionnaires,
et toujours avec votre bénédiction. Ainsi, des secrétaires généraux, des directeurs
et d’autres cadres sont suspendus ou désaffectés sans raison apparente.
D’autres sont traduits faussement en justice, et quand bien même ils s’en
sortent faute de preuve, les ministres refusent de les replacer dans leurs
fonctions et grades. Quand on parle de milliers, il s’agit au moins d’une
dizaine de milliers de personnes dépendantes (épouses, enfants, autres membres
de famille) qui sont en détresse et qui ne savent à quel saint se vouer. Pas
besoin de dessin pour comprendre. Quand on aborde la question des retraités
civils et militaires, il s’agit des hommes et des femmes qui se sont mis au
service de la nation congolaise et qui méritent la reconnaissance de l’Etat. Là
aussi, Monsieur le Premier ministre, ce sont des milliers de personnes qui sont
vouées aux gémonies. Ces deux catégories d’agents et fonctionnaires ont été
engagés par l’Etat représenté successivement par Joseph Kasa-Vubu, Mobutu Sese
Seko, Laurent Désiré Kabila et aujourd’hui Joseph Kabila. Ils ont servi la
nation sous Lumumba, Adoula, Tshombe, Mulamba, Mpinga, Bo-boliko, Ngunz,
N’singa, Kengo, Mabi, Sambwa, Lunda-Bululu, Tshisekedi, … jusqu’à vous. Ce
n’est ni humain, ni responsable d’évoquer l’antériorité des dossiers par
rapport à vous : les hommes passent, les institutions restent. C’est cela le
principe de la continuité de l’Etat que vous devez intérioriser. Monsieur le
Premier ministre, permettez-moi de vous dire que vous n’êtes pas un Saint. Les
fonctionnaires connaissent vos relations avec plusieurs agents et
fonctionnaires, bombardés de grades pour exercer des fonctions lucratives dans
l’administration des finances, les régies financières ou les entreprises.
Pensez-vous à leur sort après votre départ ? Je voudrais vous ramener tout
simplement au respect des principes, à la bonne gouvernance, à l’équité, à la
justice et à l’humanité. De toutes les quatre questions que j’ai posées, vous
n’avez répondu à aucune. Est-ce pour dire au peuple congolais que l’actuel
premier ministre tourné vers les institutions financières internationales n’est
nullement redevable vis-à-vis de son peuple ? Il y a des revendications dans la
quasi-totalité des ministères et des services publics. Je vous prie de vous
pencher sur ces requêtes. Montrez, Monsieur le Premier ministre, que vous
aussi, vous avez un cœur fait de chair et non de matière inerte. Démontrez que
pouvez être sensible aux souffrances de vos compatriotes. Malgré votre promesse
au Président du Sénat, il y a douze mois, je n’ai pas l’impression qu’il y ait
un début de solution. Ne sous-estimez pas les cris de ceux qui souffrent et qui
croient mordicus que vous pouvez soulager leurs peines. Le Dieu que vous et moi
prions à tout moment n’aime pas l’injustice. Il prêche l’amour du prochain.
Monsieur le Président, Messieurs les membres du Bureau, Mesdames et messieurs
les Sénateurs et très chers collègues, Je voudrais terminer en réitérant à
Monsieur le Premier ministre mon doute et ma déception quant à son action
depuis 4 ans, presqu’une législature. Les beaux discours au parlement, dans les
universités étrangères et auprès des organisations internationales, les
résultats affichés et claironnés sur la croissance inclusive, la stabilité du
cadre macroéconomique, la stabilité du taux de change et du franc congolais
n’ont plus de sens quand le budget de 2016 est au même niveau que celui de
2012. En termes réels, il est même plus réduit. Quelles fleurs le Premier
ministre peut-il se jeter quand quatre années durant, il n’a même pas soumis au
Parlement un projet de Plan quinquennal ou encore triennal, quand il ne donne
aucune statistique concrète de la production agricole. Rappelez-vous, chers
collègues, la leçon de gouvernance nous administrée par la Côte d’Ivoire.
Conduire la politique de la nation, ce n’est pas toujours se référer au passé
pour masquer ses insuffisances à opérer de bons choix, à arbitrer les conflits
sociaux, à réduire les inégalités, à lutter contre la corruption, à combattre
le sous-emploi et le chômage, à améliorer au quotidien le sort de ses
concitoyens, objectif ultime de toute politique économique. Conduire la
politique de la nation, c’est assurer, envers et contre tout, la sécurité
intérieure et extérieure de son pays. A Beni, chers collègues, chaque jour qui
passe, des vies humaines sont fauchées. Est-ce des mouches ou des moustiques ?
N’est-ce pas des êtres humains créés à l’image et à la ressemblance de Dieu ?
Le gouvernement, lui, reste muet, mieux insensible. Personne ne descend sur le
terrain pour compatir avec les populations meurtries, pour requinquer les
troupes en opération. Le gouvernement préfère financer et organiser soi-disant
des marches pour la paix pendant qu’il ne fait strictement rien pour mettre fin
au génocide et pour arrêter les infiltrations autorisées vers le Nord-Kivu et
l’Ituri, germe des conflits sociaux et peut- être armés de demain. Conduire la
politique de la nation, c’est chercher à savoir ce que veulent les Congolais, à
trouver des solutions idoines à leurs préoccupations. A quoi ça sert de
gouverner plusieurs années, sans qu’il y ait de l’eau potable, de
l’électricité, des logements sociaux, de la salubrité publique, des denrées
alimentaires à prix abordable, des soins médicaux à des coûts supportables ? Je
dois vous avouer que je ne suis pas satisfait des réponses du Premier ministre
à qui je conseille de l’humilité et de l’humanité. Monsieur le Président,
Distingués collègues, L’article 157 de notre Règlement intérieur me confère le
droit de transformer ma question en interpellation. Je ne le ferai pas. Je mets
le Premier ministre devant ses responsabilités et sa conscience. Je vous
remercie pour votre attention et votre patience.
Kinshasa, le 06 juin 2016
Florentin Mokonda Bonza Sénateur
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