Des propositions de loi risquent de
compromettre l’indépendance des tribunaux
Par Thomas Fessy
Dans une déclaration à la
nation à la veille des 60 ans de l’indépendance de la République démocratique du Congo la
semaine dernière, le président Félix-Antoine Tshisekedi a promis de s’opposer à toute
réforme qui affaiblirait le système judiciaire du pays.
Ses propos venaient en
réaction à trois propositions de loi sur
le fonctionnement de l’ordre judiciaire et de la magistrature que certains
députés fidèles à l’ancien président Joseph Kabila espèrent faire adopter au
parlement en s’appuyant sur la très large majorité de leur famille politique.
Ces propositions de loi visent à donner au ministre de la Justice un contrôle
renforcé sur les procureurs, en lui octroyant notamment un droit de regard sur
les poursuites pénales ainsi que le droit de sanctionner tout procureur
poursuivant une instruction contre sa volonté.
Si elles étaient adoptées,
ces lois menaceraient de compromettre gravement un système judiciaire déjà
affaibli par des années d’ingérences politiques et de corruption. Depuis
longtemps, Human Rights Watch plaide pour des
réformes afin de renforcer l’État de droit en RD Congo.
Plusieurs organisations de
la société civile n’ont pas tardé à faire entendre leur opposition à ces
propositions de loi, de même que des partis politiques ou encore les Églises
catholique et protestante. Ces critiques croissantes
ont donné lieu à des manifestations, émaillées d’actes de vandalisme pour
certaines. Les magistrats ont également défilé dans les rues de plusieurs
villes du pays.
Le ministre de la Justice,
Célestin Tunda, un fidèle de Kabila, aurait quant à lui contourné le
Conseil des ministres et le président, et approuvé les propositions. Le 27
juin, il était brièvement interpellé,
faisant monter d’un cran les tensions politiques à Kinshasa.
Le 2 juillet, les
ambassades du Canada, du Royaume-Uni et des États-Unis ont émis une déclaration commune dans
laquelle elles affirment que « réduire
cette indépendance [des tribunaux] viendrait miner la protection des
droits civils et politiques en RDC. »
Ces propositions de lois
ont été déposées par les députés pro-Kabila alors qu’un important procès pour corruption,
le premier de cette envergure en RD Congo, touchait à sa fin le mois dernier.
Tandis que bon nombre de Congolais sont désireux de voir enfin justice rendue
dans des affaires de corruption et de violation des droits humains, les lois en
question constitueraient un grand pas en arrière, protégeant des responsables
de haut rang de l’administration précédente qui jouissent de l’impunité depuis
de nombreuses années.
« Je n’accepterai sous aucun
prétexte des réformes dans ce secteur qui, par leur nature et contenu,
viendraient porter atteinte à des principes fondamentaux régissant la
justice », a affirmé le président Tshisekedi.
Le premier round de cette
joute politique s’est soldé par un report des débats
parlementaires sur ces propositions de loi au mois de septembre. Elles
devraient être purement et simplement retirées. Au lieu de présenter des
amendements aux lois en vigueur qui protégeraient encore un peu plus quelques
intouchables, le parlement devrait s’efforcer de protéger les droits de tous
les Congolais et œuvrer pour que les auteurs de graves violations soient enfin
amenés à rendre des comptes.
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