La Haye — La Chambre de première instance I de la Cour
pénale internationale (CPI) - première cour internationale permanente capable
de juger les crimes de guerre, les crimes contre l'humanité et le génocide - a
rendu aujourd'hui un verdict de culpabilité dans le premier procès historique
de la Cour, le Procureur c. Thomas Lubanga Dyilo. La Défense de Thomas Lubanga
a toutefois le droit de faire appel de la décision d’aujourd’hui.
Thomas Lubanga, ressortissant de la
République démocratique du Congo (RDC), était accusé d'avoir commis les crimes
de guerre d'enrôlement et de conscription d'enfants de moins de 15 ans et de
leur utilisation comme participants actifs dans des hostilités en RDC entre
septembre 2002 et août 2003. Le prononcé de la
peine aura lieu à une date ultérieure de sorte que toute preuve ou information
supplémentaire qui pourraient avoir un impact sur sa durée puisse être prise en
compte par les juges. Le temps que Thomas Lubanga a déjà passé en détention
sera également pris en compte.
Dans sa décision, la
Chambre a re-caractérisé la nature du conflit en RDC en 2002-2003, soutenant
qu’il s’agissant d’un conflit armé interne plutôt qu'international,
contrairement à ce que la Chambre préliminaire de la CPI avait précédemment
indiqué en 2007. La Chambre a également constaté que le bureau du procureur
(BdP) n'aurait pas dû déléguer ses responsabilités en terme d’enquêtes à des
intermédiaires –des personnes ayant facilité le contact ou un lien entre le BdP
et les témoins– des circonstances ayant mené dans certains cas à des preuves
incertaines.
« En fonction de la soumission de
l’appel et de son résultat, la décision d'aujourd'hui pourra entrer dans les
annales comme un tournant décisif dans la lutte contre l'impunité pour les
crimes les plus graves connus de l'humanité », a déclaré William R. Pace,
coordinateur de la Coalition pour la Cour pénale internationale, un réseau
mondial de plus de 2 500 organisations de la société civile dans 150 pays
oeuvrant pour une CPI juste, efficace et indépendante et pour un meilleur accès
à la justice pour les victimes de génocide, de crimes de guerre et de crimes
contre l'humanité. « Les horribles cas de violence qui se sont répétés durant
le siècle passé ont soulevé la nécessité de créer une cour pénale
internationale, et la Coalition a travaillé depuis de nombreuses années pour
voir ce moment où la justice est finalement rendue par la CPI à certaines des
victimes de ces crimes graves », a ajouté M. Pace. « De plus, la poursuite
du crime d’utilisation des enfants soldats, dont cette affaire fait partie
intégrante, a un véritable impact sur la politique des gouvernements dans le
monde. »
Thomas Lubanga a été détenu depuis le 17
mars 2006. Deux suspensions successives des procédures ont contribué aux
retards enregistrés dans le procès qui a duré deux fois plus longtemps que les
premières affaires aux Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie et le
Tribunal pénal international pour le Rwanda. Toutefois, les deuxième et
troisième procès de la CPI avancent plus rapidement.
« Bien que les retards dans le procès
Lubanga ont frustré tous les participants et pas uniquement les victimes
impliquées, nous devrions saisir cette opportunité pour réfléchir sur les
leçons tirées de ces procédures afin que les difficultés rencontrées au cours
de ce procès servent à améliorer la rapidité de ceux qui suivront et qu'ils
mettront un jour un terme à l'ère de l'impunité », a déclaré M. Pace.
Le procès Lubanga est une étape historique
pour le Statut de Rome – le traité fondateur de la CPI – qui est entré en
vigueur sà peine six ans auparavant. L’affaire Lubanga reste l’une des affaires
pénales internationales peu nombreuses dans l’histoire dans laquelle une
personne est accusée d’enrôlement et de conscription d'enfants soldats. Le
procès Lubanga a ainsi contribué à souligner la gravité du crime d’utilisation
des enfants soldats et à porter l'attention internationale sur cette question.
Durant la procédure, 10 anciens enfants soldats ont témoigné, tout comme un
certain nombre de témoins experts.
Ce procès est également remarquable du
fait qu’il constitue le premier exemple de procès pénal international avec la
participation de victimes. Les juges ont autorisé 129 victimes à participer par
l’intermédiaire de leurs représentants légaux. Les juges de la CPI peuvent
désormais ordonner des réparations pour les victimes, ce qui représenterait une
autre étape historique dans l’histoire des juridictions pénales
internationales.
« La Coalition de
la RDC pour la CPI salue la décision d’aujourd’hui qui reconnaît l’innoncence
de Thomas Lubanga Dyilo », a déclaré André Kito, coordinateur de la Coalition
de RDC pour la CPI. « Les victimes et la société civile de RDC célèbrent la
victoire de la justice et la promotion de la dignité humaine », a-t-il déclaré.
« Notre Coalition nationale félicite le gouvernement congolais pour sa volonté
et sa coopération avec la CPI, comme démontré par le renvoi de la situation en
RDC et le transfert de Lubanga à la Cour », a ajouté M. Kito. « Rappelant que
toutes les victimes ont un droit équitable à recevoir justice pour les dommages
subis, nous encourageons le gouvernement à maintenir son engagement à la CPI et
sa coopération avec celle-ci en appliquant le mandat d’arrêt de la CPI à
l’encontre de Bosco Ntaganda. Nous appelons également le gouvernement à
renforcer la complémentarité du système de Statut de Rome dans le pays. »
Le conflit en RDC a cause environ 5,4
millions de morts depuis août 1998, faisant de ce conflit le plus meurtrier au
monde depuis le Deuxième Guerre Mondiale. Pendant des années, les victimes et
la société civile de RDC ont demandé que les auteurs de crimes répondent de
leurs actes. L’ouverture du procès Lubanga était considérée comme une
importante avancée vers la justice. Le chemin vers la paix dans ce pays est
encore long. Le procès Lubanga ainsi que l’intervention de la CPI dans le pays
en général ont envoyé un signal fort en direction des criminels et groupes
armés potentiels en RDC selon lequel l’impunité ne sera plus jamais
tolérée.
Contexte : En tant que chef de l'Union des Patriotes Congolais et commandant en
chef de son bras armé, les Forces patriotiques pour la libération du Congo,
Lubanga a été accusé d'avoir commis les crimes de guerre d'enrôlement et de
conscription d'enfants de moins de 15 ans et de leur utilisation comme
participants actifs dans des hostilités en Ituri, un district de la province
orientale de la RDC, entre septembre 2002 et août 2003.
Lubanga a été la première personne accusée
dans le cadre de la situation en RDC ainsi que le premier détenu de la Cour. À
la suite du mandat d’arrêt de la CPI descellé le 17 mars 2006, Lubanga a été
arrêté et transféré à la Cour le jour même. Son procès a débuté le 26 janvier
2009. La Chambre de première instance I a délibéré sur la loi applicable et sur
les éléments de preuve présentés pendant le procès depuis l'audience de clôture
des déclarations des 25 et 26 août 2011.
La CPI est la première cour internationale permanente capable de juger les
crimes de guerre, les crimes contre l'humanité et le génocide. 120 États ont
adhéré au Statut de Rome, traité fondateur de la Cour. Au cœur du mandat de la
Cour se trouve le principe de complémentarité selon lequel la Cour n'intervient
que lorsque les systèmes juridiques nationaux sont réticents ou incapables
d'enquêter et de poursuivre les auteurs de génocide, de crimes contre l'humanité
et de crimes de guerre. Il existe actuellement sept enquêtes actives devant la
Cour: en République centrafricaine, en République démocratique du Congo, en
Côte d'Ivoire, au Darfour, au Soudan, en Ouganda, au Kenya et en Libye. La CPI
a publiquement émis 20 mandats d'arrêt et neuf citations à comparaître. Le
procureur de la CPI a également rendu public qu'il examinait de façon
préliminaire huit situations sur quatre continents: en Afghanistan, en
Colombie, en Géorgie, en Guinée, au Honduras, en République de Corée, au
Nigeria et en Palestine.
La Coalition pour la Cour pénale
internationale est un réseau mondial d'organisations de la société civile dans
150 pays travaillant en partenariat pour renforcer la coopération
internationale avec la CPI, s'assurer que la Cour soit juste, efficace et
indépendante, rendre la justice à la fois visible et universelle, et promouvoir
des lois nationales plus solides qui rendent justice aux victimes de crimes de
guerre, de crimes contre l'humanité et de génocide.
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