Mesdames et Messieurs de la presse, trois points
feront l’objet de ma communication de ce jour : Les attentats de
Bruxelles, le rapport d’enquête du GREC, et les allégations de violation de la
liberté d’expression de notre compatriote le Dr Denis Mukwege de l’Hôpital de
Panzi.
• Les attentats de Bruxelles
Le mardi 22 mars dernier, la barbarie aveugle du
terrorisme a une fois de plus frappé, semant la mort et la désolation à
Bruxelles. Après les massacres cycliques des Congolais que nous déplorons
chaque jour dans le Grand Nord Kivu ; après les attentats de Paris de
l’année dernière, de la Turquie, de la Tunisie, du Burkina-Faso, du Mali, du
Nigéria, du Tchad et de Côte d’Ivoire cette année, c’est la Belgique qui vient d’être
la cible d’actes terroristes avec des dizaines de victimes innocentes parmi
lesquelles se trouvent quelques compatriotes, compte tenu de la proximité qui
existe entre nos peuples.
Le Gouvernement condamne ces crimes que rien ne
saurait justifier. Il exprime sa compassion et adresse au peuple frère de
Belgique ses sincères condoléances.
La révolte que suscite en chacun de nous la
multiplication exponentielle de ces tragédies humainement inacceptables et dont
aucune région du monde n’est épargnée appelle la constitution rapide d’un front
commun des nations civilisées. Un tel front commun contre la barbarie devrait
se fonder sur un code standard des lois et règles communes destinées à rendre
efficiente et efficace l’indispensable lutte contre ce fléau qui se nourrit de
la complaisance, de l’obscurantisme, de l’anonymat et de l’irresponsabilité.
Il est assez désagréable pour nous de constater
qu’en la matière, il existe malheureusement une floraison mal coordonnée de registres
d’analyses, de définitions des situations et des modes opératoires face à ce
fléau selon que l’on se trouve dans l’hémisphère Nord ou sous nos tropiques. Nous
regrettons qu’à cet égard, que ce que l’on déplore et condamne à bon escient
dans tous les pays du Nord fasse souvent l’objet de controverses, voire de
complaisance en Afrique en général et en République Démocratique du Congo en
particulier.
Ainsi, lorsque le Gouvernement congolais exige que,
conformément aux usages observés partout ailleurs et aux lois en vigueur dans
le pays, les usagers des téléphones cellulaires ainsi que toutes les personnes
morales et ONG qui interagissent avec le public d’une façon ou d’une autre se
fassent enregistrer, des donneurs de leçons s’agitent et accusent les autorités
congolaises de brimer leurs concitoyens ou de restreindre les espaces des libertés
fondamentales. Il en est de même chaque fois que des mesures exceptionnelles
sont prises face à des situations menaçant gravement la sécurité dans notre
pays, des mesures jugées banales sous d’autres cieux.
Le Gouvernement congolais estime qu’il s’agit pour
lui de dispositions qu’il ne peut pas se permettre de ne pas prendre au risque
de violer la législation nationale qu’il a le devoir de mettre en application. Car
en définitive, il s’agit d’une obligation de précaution élémentaire.
Nous n’avons pas à attendre l’autorisation de je ne
sais qui pour assurer la protection des populations vivant dans notre pays en
les mettant à l’abri par de telles mesures des conséquences funestes de
certaines dérives dès l’instant où le lien entre anonymat et criminalité ou le
terrorisme est avéré.
Tout en respectant les fondamentaux de la vie privée
et des droits individuels garantis par la Constitution, il nous appartient en
tant qu’Etat, de mettre en œuvre un système qui permette de réduire les trop
nombreux cas de crimes commis par des auteurs inconnus, c'est-à-dire par des
individus ou des groupes d’individus qui, n’étant ni identifiables ni localisables,
rendent impossible toute possibilité de prévention, de répression ou de
réparation, et abandonnent au désespoir leurs victimes.
La liberté d’opinion et d’expression entendue comme
le droit d’informer, d’être informé, d’avoir des opinions et de les communiquer
sans aucune entrave quel que soit le support utilisé est garantie à toute
personne par notre constitution et nos lois mais sous réserve du respect de la
loi, de l’ordre public, des droits d’autrui et des bonnes mœurs.
C’est uniquement sous cette réserve qu’il est
affirmé qu’en matière de communication audiovisuelle ou écrite par exemple, la
liberté est le principe et l’interdiction, l’exception. C’est également cette
même réserve qui justifie, dans toutes les législations du monde, la
responsabilité pénale et civile de l’auteur d’une communication.
C’est le sens qu’il faut donner au rappel par le
Ministre de la Justice et des Droits Humains de l’option du Gouvernement de la
République de mettre un terme à l’existence de groupes illégaux parce que non
enregistrés par les services compétents de son administration.
• Le rapport d’enquête du GREC
La complaisance de quelques groupes d’intérêt à
l’égard des groupes criminels sous nos tropiques transpire jusque dans certaines
analyses produites par des africanistes autoproclamés qui semblent faire leur
beurre dans la mauvaise image qu’ils répandent de notre pays. Le cas de cet
ancien expert de l’ONU, Jason Stearns, aujourd’hui converti en chercheur dans
un Centre de Coopération Internationale de l’Université de New-York, est emblématique
à cet égard. En effet, dans un rapport publié lundi dernier et repris par Jeune
Afrique, ce Monsieur s’est lancé dans une sorte de plaidoyer pour dédouaner les
ADF des massacres commis à Beni en les imputant aux FARDC sous prétexte que certaines
victimes des égorgeurs en action dans la région lui auraient déclaré avoir vu
certains de leurs bourreaux ivres et les avoir entendu s’exprimer en
Kinyarwanda et en lingala alors que lui, sieur Jason Stearns sait que les ADF
ne boivent pas de bière et ne parlent aucune de ces deux langues !
Ce rapport d’une quarantaine de pages daté du 20
mars 2016 que le Groupe d’Etude sur Congo (GREC) a rendu public sur la situation
sécuritaire au Nord-Kivu : « Qui
sont les tueurs de Beni. Rapport d’enquête n° 1 » s’appuie sur les
déclarations de centaines de témoins oculaires des tueries perpétrées dans la
partie du territoire de Beni que l’on appelle Beni-rural qu’il interprète.
C’est ce qui permet à Stearns et à ses amis de mettre le pied dans le plat pour
ébaucher des hypothèses et prétendre identifier les auteurs des crimes qui ont
coûté la vie à plus d’un demi-millier de Congolais dans le Grand Nord mieux que
ne l’ont fait jusqu’ici les autorités congolaises et la Monusco qui accusent
les rebelles Ougandais de l’ADF de ces atrocités perpétrées depuis le dernier
trimestre 2014.
L’étude se contente en réalité de romancer plus ou
moins ce que les autorités congolaises et la Monusco n’ont cessé de dire
jusqu’à ce jour, à savoir que quelques autochtones, c’est-à-dire, quelques
Congolais ont été embrigadés par les terroristes des ADF pour tuer leurs
propres concitoyens.
Le fait que certains assaillants se soient exprimés
en lingala et en kinyarwanda alors que les ADF s’expriment généralement en
kiganda et en swahili ne constitue donc en rien un « scoop » que
Stearns croit jeter en pâture aux lecteurs de son rapport.
Pour forcer la note, ils insistent sur l’hypothèse
de la « participation directe des FARDC aux massacres » en faisant
état de témoignages selon lesquels « les membres du 1006 Régiment basés
à Kithahomba (à 5 km de l’axe Beni-Nyaleke) seraient les auteurs des
tueries ». Ou encore, que des FARDC monnayent les massacres :
« Un témoin interne aux FARDC, du grade de sous-lieutenant, confirme
(que) un de ses collègues, originaire de l’ancienne province de l’Equateur,
aurait été recruté par le groupe de massacreurs. Il a reçu 250 USD au moment de
son recrutement, avec promesse de recevoir par la suite 250 USD par tête
tranchée ». Des massacres de Tenambo-Mamiki (le 8 octobre 2014), un
rescapé dénommé Modeste Leblanc accuse un certain major Byamungu et son escorte
d’avoir participé à la tuerie. « Il les connaît bien parce qu’il participe
aux travaux communautaires du camp des FARDC de Tenambo-Mamiki et (…) que le
major Byamungu convoite sa femme ».
Des témoignages non exhaustifs, loin s’en faut et
qui pèchent par un certain subjectivisme dans l’appréciation des faits. Nulle
part il n’est prouvé que ce sont des unités FARDC répondant aux ordres de leur
hiérarchie qui auraient participé à quelque tuerie que ce soit à Beni. Les
auteurs du rapport eux-mêmes le reconnaissent lorsqu’ils écrivent en page 19 que « Néanmoins, il reste
difficile de savoir exactement dans quelle mesure la hiérarchie de l’armée a
été impliquée dans ces abus et quelles motivations auraient conduit certains de
ses membres à participer ».
On aura constaté avec
quelle facilité les auteurs sont passés de « certains membres des FARDC », à l’affirmation selon laquelle
les FARDC ont participé aux massacres de Beni. Cela s’appelle généralisation
abusive.
Comme on peut le constater, dans sa quête de
sanctification des ADF, Jeason Staerns avoue paradoxalement que ‘’ses
enquêtes’’ n’ont établi ni les chaînes de commandement ni les motivations des
uns et des autres.
Mais le venin est dans la queue de la bête, dans la
conclusion ou l’auteur du rapport qui accable les forces régulières congolaises
énonce que la MONUSCO a deux mandats contradictoires : protéger la
population civile et étendre l’autorité de l’Etat congolais. Comme pour
convaincre le lecteur que les deux objectifs sont inconciliables et incompatibles
pour cet expert dans la mesure où la bonne protection de la population
congolaise serait conditionnée par l’affaiblissement de l’Etat congolais.
Autrement dit, plus un Etat est faible, mieux sa population est protégée … sans
doute par procuration ou par substitution, afin peut-être de donner du
travail à des experts étrangers au chômage ! On est face à une mystification
que l’intelligence la plus élémentaire ne saurait soutenir.
• Point de presse du Dr MUKWEGE à
Kinshasa
Notre estimé compatriote le Dr Denis Mukwege,
directeur de l’hôpital de Panzi au Sud-Kivu, a tenu une conférence de presse dont
la caractéristique principale fut qu’elle était essentiellement politique.
Au cours de sa prestation à l’Institut Français de
Kinshasa, le médecin de Panzi a délaissé le sujet qui l’a rendu célèbre à
travers le monde, les femmes violées de Panzi, pour parler exclusivement de
politique politicienne. C’est son droit.
L’opinion publique, nous l’espérons, aura pu se
rendre compte que cette conférence de presse prétendument
« interdite » avait simplement été reportée par ses organisateurs de
l’Institut français de la Gombe débordés par le voyage de leur ministre
Ségolène Royal à Kinshasa et non par le Gouvernement congolais comme l’avait
insinué l’intéressé.
L’incident, inventé manifestement de toutes pièces, aura
permis au médecin de Panzi de proclamer ses véritables préoccupations de
l’heure, qui sont essentiellement politiques. Probablement parce que la page
des femmes violées à l’Est de la RD Congo particulièrement, devrait se clore d’un
jour à l’autre, et qu’il paraît avoir résolu d’investir sur d’autres thèmes
très médiatiques.
Le point de presse du médecin - directeur de Panzi à
Kinshasa, fut un événement très politisé, à défaut d’être politique. Reporté
comme signalé plus haut par l’institut Français en raison du séjour de la
ministre française de l’Écologie et Développement et présidente de la Cop 21 en
RDC, le décalage a été présenté avec force publicité par M. Mukwege et ses amis
comme une obstruction du « pouvoir en place à Kinshasa ». L’astuce
avait l’avantage de le présenter comme un acteur politique dont Kinshasa aurait
peur de vérités qui feraient trembler dans les allées du pouvoir congolais.
Force est de constater que, in fine, le point
de presse du « réparateur des femmes » s’est bel et bien tenu, et
qu’il n’a pas eu pour point focal les femmes violées du Kivu au nom desquelles
il court le monde et se constitue un joli pactole sur lequel il refuse de
rendre compte à quiconque, même pas au fisc de son pays.
L’Institut Français de Kinshasa vous a bien présenté
un praticien qui a allègrement franchi le Rubicon de la politique politicienne.
Mardi 15 mars à Kinshasa, c’est « l’alternance démocratique » en
République Démocratique du Congo que le médecin de Panzi a réclamé comme remède
aux maux dont souffrent ses patientes. C’est, pour lui, la solution pour mettre
un terme au cycle des violences sexuelles indicibles imposées à des milliers de
femmes de l’Est de notre pays.
On devrait, à l’en croire, conclure que les viols au
Kivu et dans tout l’Est rd congolais sont directement liés au manque
d’alternance démocratique à Kinshasa. Et pas à l’état de guerre endémique
imposé aux paisibles citoyens congolais par des groupes armés criminels qui se
sont déversés depuis 1994 dans notre pays et des coalitions de puissances
étrangères qui gavent le médecin fistulier de titres honorifiques depuis
quelques années.
Comme pour passer sous silence la responsabilité de
ses parrains occidentaux dans les maux qui assaillent ses patientes et leurs
familles, le Dr Denis Mukwege a déclaré qu’« On a trop parlé de viol,
de guerre, de destruction, il est temps que nous puissions également parler du
développement ». Ou encore, « Nous sommes très, très inquiets
par rapport à l’année 2016, une année où nous avons deux possibilités : un
passage de paix, où on pourrait avoir une alternance démocratique ; ou
malheureusement retourner dans le cycle des violences ». Une manière
comme une autre d’absoudre les vrais responsables des problèmes qui ont
entrainé les dysfonctionnements dont souffrent les femmes du Kivu.
Plutôt que de verser dans les discours ressassés par
les politiciens depuis plusieurs décennies, ce médecin qui a forcé notre
respect à tous en soignant des femmes violées s’est abstenu dans sa
communication de dire aux Congolais ce qu’ils attendaient le plus de lui, à
savoir l’impact réel sur nos malheureuses concitoyennes de ses interventions. On
attendait de savoir si le nombre de femmes violées avait diminué ou non à
l’Est. Ces statistiques sur ce phénomène qui l’a rendu célèbre aurait permis
d’apprécier ses efforts qui gagneraient à être coordonnés avec ceux du
Gouvernement et des partenaires comme la Monusco qui ne sont pas négligeables
sur terrain. Malheureusement il ne les a pas suffisamment élaboré et beaucoup
de ceux qui l’ont écouté seraient en peine de savoir si le cycle de violence
qui a jeté des centaines de femmes violées entre ses bras à Panzi conserve la même
ampleur que par le passé ni en quoi il constitue toujours un problème qui ne
peut être résolu que par le discours politicien et grossièrement racoleur fondé
sur le procès d’intention fait au Président Joseph Kabila par certains de ses
sponsors de se préparer à refuser l’alternance démocratique.
En fait, la relation entre l’alternance démocratique
et la fin des violences sexuelles à l’Est est simplement tirée par les cheveux,
sinon, comme le constatait un de ses jeunes confrères écœuré par ses diatribes,
ces violences n’auraient pas attendu la disparition d’un régime qui régna 32 ans
et sans aucun débat sur l’alternance entre 1965 et 1997 pour devenir endémique.
Une remarque d’autant plus pertinente que de l’aveu même de Denis Mukwege,
« cette barbarie est corrélée à la guerre, à l’absence de l’Etat de
droit, au déni de justice. On n’avait jamais vu cela auparavant ».
Faire croire que l’alternance démocratique est
synonyme de la fin de la guerre et de ses corollaires que sont l’absence de
l’Etat de droit et le déni de justice relève du leurre parfait. Dans la mesure
où on peut lui rétorquer qu’un pouvoir fort et dictatorial, comme celui qui a
existé dans notre pays en d’autres temps ou aujourd’hui encore dans certains
pays de notre continent ou ailleurs, est tout aussi à même d’éradiquer
efficacement cette catégorie criminelle.
De fait, les statistiques de nos confrères de Paris
Match qui ont consacré un reportage à Denis Mukwege indiquent que le nombre de
victimes de viols est en chute libre à Panzi. Il serait passé de quelque 4.000
à 2.500 femmes soignées par jour, même si à l’évidence, de tels chiffres
méritent d’être contre-vérifiés. Etant donné que les règles élémentaires de la
pratique médicale ne permettent pas d’imaginer qu’un médecin puisse effectuer
autant d’interventions fistulaires par jour.
Un fait demeure, cependant, le marché des femmes
violées pourrait se révéler saturé et financièrement peu rentable d’ici
quelques années. De mauvaises langues commencent à croire que c’est la raison
pour laquelle ce compatriote qui semble avoir pris goût aux feux de la rampe et
aux plantureux subsides, s’agite pour se ménager un créneau plus porteur que la
réparation des fistules à Panzi.
Je vous remercie.
Lambert
MENDE OMALANGA
Ministre de la Communication et
Médias
Porte-parole du Gouvernement
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire