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lundi 27 mai 2024

Un magistrat de la RDC suggère des chambres spécialisées pour la poursuite des présumés criminels environnementaux

Le premier avocat général près le Conseil d'Etat, Dieudonné Kanyama Mbayabu, de la République Démocratique du Congo a été porté à l'unanimité à la tête de 8 pays ayant pris part  à l'atelier sur la poursuite des crimes environnementaux à l'Académie internationale de l'application de la loi (ILEA) qui s'est tenu du 6 au 10 mai 2024 à Gaborone au Botswana.

La conférence de Gaborone a réuni les procureurs des différents pays à savoir, la Zambie, les Seychelles, le Cameroun, la République du Congo, la République Démocratique du Congo, le Madagascar, le Burundi et le Botswana. Les participants ont eu le privilège d'être formés par des instructeurs américains (des procureurs en fonction aux États-Unis et les responsables de l'agence à l'appui de la justice environnementale). Donc des sommités dans le domaine de l'environnement qui ont partagé leur expérience avec les participants sur la poursuite des crimes environnementaux.


Premier avocat général près le Conseil d'Etat, Dieudonné Kanyama Mbayabu

La poursuite des crimes environnementaux s'articule autour de trois grandes étapes  notamment les enquêtes, la poursuite et enfin le jugement. Les enquêtes en matière des crimes environnementaux sont une matière éminemment technique. Les preuves recueillies sont scientifiques. L’environnement a plusieurs secteurs et chaque secteur a ses spécificités. Les différents domaines dans ce secteur exigent une expertise avérée.

Pour poursuivre ses crimes, il faut qu'il y ait des preuves scientifiques qui peuvent établir les dommages pour qu'il y ait une réparation par rapport à l'environnement. Cela doit être évalué scientifiquement par des experts. D'où, les experts jouent un rôle très important dans les enquêtes en matière de poursuites des crimes environnementaux, a indiqué Dieudonné Kanyama.

Matériels à disposer pour asseoir cette infraction

« Nous avons appris plusieurs techniques en cette matière notamment comment constituer une scène de crime environnemental, quels sont les outils qu'on doit utiliser pour constituer la scène de crime, nous avons des appareils photographiques, nous avons des caméras, nous avons des drones et nous avons également des prélèvements ou des échantillons qui doivent être conservés pour que des analyses appropriées se fassent. C'est un secteur très sensible mais malheureusement dont nous n'avons pas aujourd'hui chez nous maîtriser les méandres parce que les gens qui contribuent à établir l'expertise proviennent des différents domaines (des biologistes, des spécialistes des eaux, des spécialistes dans l'exploitation forestière) ».

Donc, toute cette expertise multi-sectorielle doit être maîtrisée. C'est ça même le cœur des crimes environnementaux. Les participants ont échangé sur les expériences dans la pollution des navires, des eaux...

La pollution, d'aucun peut penser qu'elle se limite à une certaine sphère mais pourtant les études de la NASA ont pu démontrer que la pollution s'étend sur le monde entier. Il a été prouvé scientifiquement qu'elle peut avoir des dégâts sur l'être humain et pour cela ça doit s'apprécier scientifiquement. Le degré et l'impact de la pollution sont des domaines qui sont de fois méconnus et négligés chez nous, a ajouté Dieudonné Kanyama.

 Chaque pays a sa spécificité

« Nous sommes conscients bien sûr que chaque pays a ses spécificités. J'ai parlé de l'expérience américaine mais l'expérience américaine a été confrontée à celle des autres pays participants. Chaque pays venait avec une expérience à partager. Les Américains aussi ont appris beaucoup de choses de chez nous. A titre d'exemple, les États-Unis forment des enquêteurs, des procureurs dans la poursuite des crimes environnementaux mais le juge américain reste le juge de droit commun. Il apprécie le fait qu'on lui soumet par des gens formés et outillés dont la répression de ces crimes spécifiques ».

La RDC pas de procureurs ou de gens formés, à part une catégorie bien sûr des officiers de police judiciaire (OPJ) à compétence restreinte qui sont formés et outillés dans ce secteur. Mais seulement qu'il y a un décalage entre ceux qui sont au début de l'enquête et la continuité de l'enquête avec le procureur, qui lui, ignore les différents secteurs ou qu'il devrait maîtriser aussi pour engager des poursuites. C'est une sorte de dichotomie qui est qu'il faut pallier, a fait observer Dieudonné Kanyama.

Ensuite, les juges congolais ne sont pas aussi formés. Ce sont les juges du droit commun. Mais à la différence des juges américains parce que dans la pratique, ils se forment sur plusieurs cas qui viennent. Ils savent finalement prendre position sur des questions environnementales. Par contre en RDC, ces questions environnementales sont éludées. La justice n'arrive même pas à les examiner par manque d'expertise voulue.

Institution des chambres spécialisées

À titre de réforme, il serait intéressant qu'il y ait des chambres spécialisées pour s'occuper des questions environnementales et trouver des solutions idoines. À défaut, on pourrait peut-être si le gouvernement s'implique fortement pour qu'il y ait des juridictions qui s'occupent essentiellement des questions environnementales.

« Je pense qu'on y arrivera parce que lorsque nous disons que la RDC est un pays solution, ça signifie que nous devons être outillés pour faire face à ces défis qui tiennent au changement climatique. voilà nous sommes là nous avons des solutions pour l'humanité. Nous interpellons les gouvernants de se pencher sur la question ne fût-ce que pour commencer à mettre sur pied des chambres spécialisées en matière des crimes environnementaux ».

Dieudonné Kanyama insiste pour dire que ce sont des domaines qui exigent des expertises avérées. Un fait allégué sans preuve est rejeté. Pour constituer des preuves en matière d'environnement, il faut une expertise avérée et ça demande des moyens parce que cette expertise là vous n'allez pas l'avoir  facilement. Il y en a qui vont aller dans des laboratoires des preuves scientifiques. Une preuve qui n'est pas susceptible de contestation à première vue mais si elle peut être contestée, c'est par une contre-expertise mais s'il n'y a pas de contre-expertise.

« Ça devrait nous prendre un temps assez long pour former les opérateurs judiciaires dans ce secteur de l'environnement qui est un secteur d'avenir parce que notre avenir en dépend. Donc, nous sommes tous tenus par les effets du changement climatique. Aujourd'hui, il y a plusieurs thèmes notamment la justice climatique, la justice transitionnelle... Ce sont des thèmes d'actualité aujourd'hui qu'il faudrait vraiment faire avec ».

Choix porté sur la RDC

Le choix de la RDC d'être portée à la tête de cette organisation, « je pense que nous avons été élus à l'unanimité, c'est en partie par rapport à notre position géopolitique et géostratégique. La RDC joue un rôle très important et tous les gens sont impressionnés par les richesses que la RDC regorge ». 

Finalement, les participants ont porté le choix sur la RDC pour dire que voilà dans cette lutte de réchauffement climatique, il faudrait peut-être qu'on ait le chef de peloton la RDC ayant des vrais problèmes qu'il s'agisse des minerais rares qui sont recherchés aujourd'hui et qui font l'objet de convoitise.

La RDC a un rôle très important à jouer et elle devra disposer des infrastructures qui lui permettent de faire face à ces défis en disposant des juridictions appropriées ou de chambres spécialisées selon le cas. Avoir des magistrats formés par rapport à la répression de ces crimes environnementaux. C'est en cela que les autres pays vont peut-être s'inspirer de son expérience et du rôle important qu’elle devrait jouer.

La délégation congolaise était composée du procureur général près la Cour d'Appel Pierre Shindano Bulenge et de deux experts de l'Institut Congolais pour la conservation de la nature (ICCN), à savoir Me Dorian Simba Bukatoto et Me Donat Mbiya Mwanza.

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