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mercredi 22 mai 2024

La Cour des comptes de la République Démocratique du Congo a publié le 20 mai 2024 les résultats du Rapport d'audit sur les recettes judiciaires qu’elle a lancé depuis 2023; Alors que sous d'autres cieux, le secteur de la Justice figure parmi les gros pourvoyeurs des recettes budgétaires, le contrôle par la Cour des comptes de l'exécution des lois de finances a révélé que la part des recettes provenant du secteur de la Justice dans les revenus encadrés par la Direction Générale des Recettes Administratives, Domaniales et de Participation (DGRAD) est dérisoire.

La part des recettes judiciaires par rapport aux recettes hors pétroliers producteurs encadrées par la DGRAD n'ont été que de 3,88 % en 2019,3,59 % en 2020, 1,76 % en 2021 et de 1,58 en 2022. La faible mobilisation des recettes judiciaires ne pouvait qu'interpeller la Cour des comptes dont la mission, en matière des recettes publiques, consiste à s'assurer de leur mobilisation optimale, conformément à l'article 28, alinéa 2 de la Loi organique n° 18/024 du 13 novembre 2018 portant composition, organisation et fonctionnement de la Cour des comptes.

Cet audit a concerné les Cours et Tribunaux et Parquets y attachés, la Police Nationale Congolaise et certains Services d'assiette relevant du Ministère de la Justice dans la Ville de Kinshasa. 43 entités au total.

Au niveau des Cours, Tribunaux et Parquets

La méconnaissance, de la part des animateurs des Juridictions et Offices, du statut de leurs entités comme service d'assiette, en plus de leur mission première de dire le droit. La perception des mains des requérants ainsi que la détention des frais de justice par des personnes non habilitées (Magistrats, Greffiers, Secrétaires et préposés des services d'assiette relevant du Ministère de la Justice et Garde des Sceaux) pour les reverser plus tard auprès des intervenants financiers et ce, en violation de l'Ordonnance-loi n° 13/003 du 23 février 2013 portant réforme des procédures relatives a l'assiette, au contrôle et aux modalités de recouvrement des recettes non fiscales qui a abrogé les dispositions des Codes de procédure civile et pénale en la matière.

L'absentéisme des Ordonnateurs de la DGRAD dans bon nombre des Services d'assiette ; L'application systématique par le Magistrat instructeur du taux minimum de 20 dollars sur un maximum de 1.000 dollars quels que soient la gravité des faits et le rang social de l'inculpé, à l'occasion de la fixation des taux des amendes transactionnelles et des cautionnements de mise en liberté provisoire.

La consommation généralisée à la source d'une importante partie des recettes perçues au motif que les entités ne bénéficient ni de frais de fonctionnement, ni de la rétrocession sur les recettes réalisées. Le versement de la prime de rétrocession à des individus en lieu et place des services d'assiette. Le non-versement au Conseil d'Etat de la prime de rétrocession depuis sa création jusqu'à ce jour ; La justification du paiement des frais de justice par des faux bordereaux de versement émis à partir de nombreux comptes non reconnus par l'intermédiaire financier qu'est la Rawbank.

Des ruptures récurrentes des séries dans l'établissement des Notes de perception, ce qui correspond au coulage d'importantes recettes non canalisées vers le Trésor public et à l'utilisation des Notes de perception parallèles. L'ouverture, sur décision du Greffier Roger Mulenda Mukendi du Tribunal pour Enfants de Kinshasa-Ngaliema, d'un compte bancaire dans les livres d'Equity-BCDC, dont lui-même et la Greffière Comptable Herline Abelema sont mandataires. Des recettes judiciaires y sont logées.

L'examen de l'historique de ce compte atteste des retraits d'espèces par ces deux agents.

Au niveau du ministère de la Justice

L'inexistence dans les services d'assiette relevant du Ministère de la Justice et Garde des Sceaux, d'Agents Taxateurs prévus par l'Ordonnance-Loi n° 13/003 du 23 février 2013 portant réforme des procédures relatives à l'assiette, au contrôle et aux modalités de recouvrement des recettes non fiscales. Les ordonnateurs de la DGRAD affectés dans ces services cumulent les fonctions incompatibles d'agents taxateurs et d'ordonnateurs.

L'enregistrement en comptabilité du montant de 10 dollars américains pour l'obtention de l'Extrait du Casier judiciaire alors que les requérants paient 30 dollars américains ou plus entre les mains des préposés de cette entité. Le paiement de la prime de rétrocession dans les comptes bancaires individuels d'une vingtaine de cadres et agents en lieu et place de la Coordination Nationale de la Police Judiciaire.

4. Une mauvaise gestion des biens saisis et confisqués par la Commission Nationale de Gestion des Biens Saisis et Confisqués (COGEBISCO) qui présente un rapport non exhaustif de l'inventaire desdits biens. La part des recettes revenant au Trésor public sur les ventes réalisées et les loyers perçus n'est pas régulièrement versée. D'ailleurs, un audit spécifique vient d'être lancé sur cette entité.

D'importantes discordances sont relevées entre les recettes ordonnancées et celles recouvrées à la Direction des Cultes et Associations ainsi qu'à la Commission de Censure des Chansons et des Spectacles.

Au niveau de la Police nationale congolaise

Application systématique, par les Officiers de Police Judiciaire (OPJ), du taux minimum de 20 dollars américains par rapport au plafond de 2.000 dollars américains fixés dans l'annexe de l'Arrêté interministériel n° 001/CAB/MIN/INTERSECDAC/2012 et n° CAB/MINFINANCES/2012/535 du 22 août 2012 portant fixation des taux des droits et taxes à percevoir à l'initiative de la Police nationale congolaise, sans tenir compte de la gravité des faits et du rang social de l'auteur présumé de l'infraction.

La consommation à la source d'une importante partie des recettes réalisées au motif que le Gouvernement ne verse pas les frais de fonctionnement. Le versement, par Manya Vita Emmanuel, Comptable public subordonné au Commissariat Urbain du District de Lukunga, des recettes réalisées dans un compte bancaire ouvert en son nom à la TMB.

Recommandations

Devant cette situation déplorable, la Cour des comptes formule quelques principales recommandations.

La tenue d'une rencontre au sommet entre le Président du Conseil Supérieur de la Magistrature, le Ministre en charge de la Justice, le Ministre des Finances, le Commissaire Général de la Police Nationale Congolaise et le Premier président de la Cour des comptes en vue de mettre en place des dispositifs efficaces garantissant une mobilisation accrue des recettes et un cadre de concertation. La révision à la hausse des minimas et des maximas des fourchettes des taux des amendes transactionnelles et des frais contenus dans les arrêtés interministériels.

L'affichage public des taux d'actes générateurs au niveau de tous les services d'assiette. L'organisation des campagnes et des ateliers de sensibilisation du public et des agents commis aux services d'assiette sur les modalités de paiement des droits et taxes dus au Trésor. La suppression de la fonction de Greffier comptable.

La motivation du personnel des services d'assiette par le paiement de la prime de rétrocession aux services et non aux individus.

Suites réservées

Des constations faites par la Cour des comptes au cours de l'audit des recettes judiciaires, il résulte des suites ci-après :

La poursuite devant la Chambre de Discipline budgétaire de tous les auteurs de fautes de gestion relevées ; En attendant, le Premier président de la Cour des comptes adressera des référés aux autorités hiérarchiques des personnes mises en cause afin d'obtenir d'elles des sanctions disciplinaires conséquentes.
La transmission aux cours et tribunaux de l'ordre judiciaire des dossiers des infractions pénales relevées, notamment les cas des détournements des deniers publics et des faux et usages de faux. Enfin, le lancement d'une mission d'audit sur les recettes judiciaires en provinces.

 

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