Lubumbashi, le 29 juin 2019
Chers Compatriotes,
Ce 30 juin 2019, la République
Démocratique du Congo va commémorer le 59ème anniversaire de son indépendance. Dans de circonstances normales, nous nous serions réjouis tous ensemble en
évoquant notamment les hauts faits des femmes et des hommes qui se sont
sacrifiés pour que notre pays puisse accéder à la souveraineté nationale et
internationale. Tout en ayant une pensée pour ceux des pionniers de
l’indépendance qui nous ont quittés et ceux qui sont encore en vie, les
Congolaises et les Congolais ne peuvent que se rendre à l’évidence : cinq mois
après mon accession à la Magistrature Suprême, je ne peux nier que notre pays
fait encore face à des défis majeurs. Ils sont énormes certes, mais pas
insurmontables. La problématique de l’insécurité récurrente dans certaines
parties du territoire national, principalement dans les provinces de l’Ituri du
Nord-Kivu, du Sud-Kivu, du Tanganyika, du Kasaï et du Kasaï central est très
préoccupante. Je fais du rétablissement de la paix sur l’ensemble du
territoire, ma priorité car il y va de la survie de centaines de milliers de
compatriotes, de la stabilité des institutions établies, de la relance
économique et du climat de paix avec tous nos voisins.
En attendant la mise en place imminente du Gouvernement
de la République, je n’ai pas croisé les bras. Après la passation de pouvoir,
je me suis rendu à Lubumbashi pour prendre des mesures à même d'endiguer le
banditisme qui faisait rage dans cette ville et mettre fin aux tracasseries
existant au poste frontalier.
Je me suis ensuite rendu dans la province du Nord-Kivu,
plus précisément à Goma et Béni pour faire l’état des lieux de l’insécurité
grandissante et de la persistance de l’épidémie à virus Ebola. J’ai terminé ce premier périple à l’intérieur
du pays par la ville de Kisangani. Partout où je suis passé, je me suis rendu
compte que nos compatriotes vivent dans la peur du lendemain à cause de
l’insécurité. Et en ce qui concerne Béni
et Butembo, comme si cela ne suffisait pas, le drame humanitaire que constitue
cette épidémie à virus Ebola est venu s’ajouter à ce tableau déjà très sombre.
Les derniers cas de résurgence d’insécurité en Ituri
m’affectent profondément car ils constituent un grand recul en matière de
pacification. C’est ainsi que je viens d’ordonner à nos forces armées de mener
des opérations de grande envergure dans les territoires de Djugu et
Mahagi. Ces opérations vont s’étendre à
Minembwe dans le Sud-Kivu pour mettre définitivement fin aux aventures de tous
les hors-la-loi qui endeuillent nos populations et sèment la désolation dans
cette partie du pays. Nous saluons les nombreuses redditions des groupes armés
observées depuis notre accession à la Magistrature Suprême.
Le Gouvernement en
concertation avec la MONUSCO est en train d’étudier le cadre adéquat pour leur
prise en charge en vue de leur réinsertion dans la société. Nous lançons un
vibrant appel aux groupes armés encore actifs à déposer les armes pour
bénéficier des avantages de ce nouveau cadre de Démobilisation, Désarmement et
Réinsertion (D.D.R). L’insécurité est aussi et surtout le fait des groupes
armés étrangers. Un plan de leur éradication totale est en train d’être discuté
avec la MONUSCO et les pays voisins concernés.
Chers compatriotes,
En signe de
solidarité avec nos compatriotes de Beni, Bunia, Mahagi, Djugu, Butembo, des
villes environnantes et des autres contrées du pays, touchées par l’insécurité,
j’ai décidé de commémorer ce 30 juin dans la province de l’Ituri. Ma présence
dans cette province s’explique par un souci de compassion envers des milliers
de familles congolaises endeuillées.
Chers compatriotes,
Mon propos
d’aujourd’hui ne constitue pas un bilan à mi parcours du Chef de l’État.
Cependant, il est de bon ton, après cinq mois à la tête du pays, que je vous
dise ce qui revient à l’actif de mon administration. S’agissant du social, j’ai
entrepris dans le domaine de la santé, de mettre en œuvre des mesures qui
produiront des effets bénéfiques à l’ensemble de la population, à court terme.
Ces mesures sont mises en place de manière progressive.
Il en est ainsi de la gratuité des soins médicaux au profit de nos hommes de
troupes, ce qui constitue un prélude à la couverture maladie universelle que
j’ai annoncée et à laquelle plusieurs partenaires extérieurs ont adhéré,
promettant leur accompagnement. Pour
renforcer la lutte contre le virus Ebola, j’ai créé un comité de coordination
nationale placé directement sous la tutelle de la Présidence, qui réunit, outre
le ministère de la Santé, des experts congolais dont la renommée en la matière
est reconnue au delà de nos frontières.
Je ne ménagerai aucun effort pour enrayer ce fléau. C’est pourquoi aux
actions du Gouvernement, j’ai décidé d’associer les leaders politiques locaux
et ceux de la société civile. Car ce combat nous concerne tous.
La problématique de l’eau et de l’électricité à Kinshasa
et dans l’arrière-pays se doit d’être définitivement résolue. A Kinshasa, la
capitale, certains travaux d’aménagement de modules de traitement d’eau sont à
terme et d’autres, en cours de finition.
C’est le cas, pour ne citer que ces exemples, de la station de Lemba Imbu, tout
comme la reprise en alimentation d’eau au Camp militaire de Kitona dans la
province du Kongo central, après plusieurs décennies de pénurie.
Dans le domaine des infrastructures, les travaux en
cours, sur l’étendue du territoire national, en particulier des routes et ponts
d’intérêt général, démontrent ma détermination à favoriser l’intégration
nationale et les échanges entre les provinces. Dans les centres urbains, la
ville de Kinshasa a donné le ton avec la construction des travaux
d’aménagement, notamment des sauts-de-mouton en vue de débarrasser la capitale
de ses interminables embouteillages. En ce qui concerne la réhabilitation des
routes, plusieurs ouvrages sont en voie d’être achevés à Kinshasa et dans les
provinces, comme j’ai pu m’en rendre compte personnellement lors de ma visite
dans la Tshopo où j’ai inauguré deux ponts d’intérêt national. Des travaux de
grande envergure ont été confiés à l’office des routes dans toutes les 26
provinces. Et à l’office des voiries et
drainage (OVD) en ce qui concerne Kinshasa et les principales villes du pays.
S’agissant des travaux en province, ils concernent la
réhabilitation et la réouverture des routes d’intérêt général mais aussi la
remise en état des ouvrages de franchissement, c’est-à-dire ponts et bacs. Nous construisons ces routes et ces ouvrages
de franchissement pour une meilleure circulation des biens et des personnes sur
l’ensemble du territoire national, ce qui va induire une véritable intégration
nationale sur le plan économique. Les produits vivriers seront ainsi facilement
acheminés des milieux ruraux où ils sont produits vers les grands centres
urbains. Les échanges entre les
différentes provinces selon leurs spécificités et spécialités vont entraîner
l’embellie de notre économie aujourd’hui fortement extravertie.
Mon objectif à terme est d’assurer l’autosuffisance
alimentaire à toutes les congolaises et
à tous les congolais. Il est en effet incompréhensible que la République
Démocratique du Congo, dotée d’innombrables ressources naturelles tels que des
terres arables, des fleuves et rivières poissonneux, des pâturages puisse
importer la quasi totalité des biens de première nécessité. Le même élan sera poursuivi pour certaines
mesures préconisées, concernant notamment la baisse des prix des denrées
alimentaires.
Pour ce qui est
des volets politiques et des Droits de l’homme, je me réjouis avec
l’ensemble des Congolais que notre pays ait connu sa première alternance
pacifique et historique, à l’issue des élections du 30 décembre 2018.
Le mérite revient en premier lieu au peuple congolais qui
est allé accomplir son devoir civique dans la paix. Ensuite l’attitude affichée
par mon prédécesseur à propos de l’alternance pacifique a été très déterminante
pour le maintien de la paix et de la stabilité dans notre pays. Enfin, le rôle
joué par les acteurs nationaux et internationaux impliqués dans le processus
électoral a été tout aussi primordial. Concernant les libertés publiques, je ne
vous cacherai pas ma satisfaction d’avoir permis la concrétisation de la
décrispation politique telle que stipulée dans l’Accord de la Saint-Sylvestre.
Les exilés politiques sont de retour, les réunions et manifestations politiques
se tiennent sans aucune entrave. Je tiens à vous rassurer sur ce chapitre que,
les choses iront de mieux en mieux dans le strict respect des lois de la
République et de l’établissement d’un état de droit. Nous n’avons plus de
cachots privés dans notre pays, nos pénitenciers se vident de leurs prisonniers
politiques et d’opinion : plus de 700 prisonniers ont pu être relaxés, comme
vous avez pu vous en rendre compte avec la libération, notamment de certains
cas dits emblématiques. Et pour respecter les standards dans le milieu
carcéral, j’ai décidé de l’assainissement des prisons qui sont devenues de
véritables mouroirs et de l’augmentation de leur capacité d’accueil. C’est dans
ce cadre que les travaux entamés au niveau du centre pénitentiaire de
rééducation de Kinshasa (CPRK) communément appelé «Prison de Makala»
constituent la première étape. Si toutes les manifestations politiques qui se
sont tenues jusqu’à ce jour n’ont connu aucun mort, aucune arrestation dans les
rangs des manifestants, il est cependant déplorable de constater que ce sont
des éléments de la police nationale qui se retrouvent agressés ou grièvement
blessés. C’est le cas de la dernière
manifestation, qui s’est tenue le 23 juin dernier à Kinshasa. Je me suis rendu
au chevet des victimes d’actes de vandalisme commis par des inciviques,
des manifestants mal encadrés qui n’ont
pas hésité à s’attaquer aux ouvrages publics, aux paisibles citoyens et à leurs
biens. Ceci doit prendre fin et la loi
doit s’appliquer dans toute sa rigueur, car je refuse que certains leaders mal
intentionnés puissent confondre démocratie et anarchie.
Pour renforcer la protection des droits humains, j’ai
créé récemment un organisme chargé de lutter contre la traite de l’être humain.
Toujours sous ce chapitre, il n’est pas vain de signaler que toutes les
tendances politiques ont désormais accès aux médias officiels notamment la
Radio et Télévision Nationale Congolaise (RTNC).
Mes chers compatriotes,
Cinq mois après mon avènement au
pouvoir, je ne peux produire de miracle, c’est pourquoi, je fais appel au
patriotisme de tout un chacun pour les nombreuses réformes à réaliser en vue de
répondre aux besoins multiples et variés de la population. Si nous adhérons
tous à la vision selon laquelle tout doit être fait et revenir d’abord au
peuple, celui-ci a aussi sa part de responsabilité, particulièrement dans le
changement des mentalités. Dès lors, je vous exhorte tous à regarder dans la
même direction. Notre pays ne pourrait qu’en retirer le plus grand bien. De
nouvelles opportunités s’offriront aux Congolais. À la faveur de l’amélioration en cours du
climat des affaires, la diversification de notre économie attirera de nouveaux
investisseurs. Des emplois seront créés au profit des chômeurs et surtout de
nos jeunes. Chers compatriotes,
Enfin, s’agissant de la Diplomatie et de la
coopération régionale dès ma prise de fonction, j’ai procédé à la réouverture
de la Maison Schengen pour normaliser nos relations avec l’Union Européenne qui
est un partenaire traditionnel de notre pays. J’ai organisé un premier déjeuner diplomatique, j’ai décidé d’échanger
régulièrement avec tous les ambassadeurs accrédités dans mon pays. C’est dans
ce cadre que j’ai reçu au mois de février dernier tous les ambassadeurs pour
partager avec eux ma vision en politique étrangère. Dans ce même cadre, j’ai
tenu à mettre en place des « déjeuners diplomatiques » dont le premier s’est
tenu avec les ambassadeurs de l’Union Européenne et du Canada. Cet exercice va
se poursuivre avec les ambassadeurs des autres pays. Dans ce domaine, ma
politique sera celle de l’ouverture au monde dans un partenariat
gagnant-gagnant. Quant à la coopération régionale, la position géographique de
mon pays, situé au carrefour de plusieurs organisations sous régionales, lui
confère un rôle majeur dans l’intégration africaine préconisée par tous les
Chefs d’état regroupés au sein de l’Union africaine. L’intégration africaine
étant l’objectif ultime, j’ai entamé des voyages au niveau de la région pour
partager cette idée avec mes pairs. Cette démarche consiste à réaliser d’abord
l’intégration au niveau de chaque sous région, avant sa consolidation au niveau
continental. C’est dans ce cadre que mes visites m’ont déjà permis d’échanger
avec les Chefs d’état de l’Ouganda, du Rwanda, du Burundi, de la Tanzanie, de
la Zambie, de l’Angola, et du Congo en ce qui concerne nos voisins. A cette
liste s’ajoutent mes fructueuses rencontres avec les Chefs d’état du Kenya, de
la Namibie, d’Afrique du Sud, du Gabon et de la Guinée-équatoriale. Avec les
uns et les autres nous avons conclu que nous n’atteindrons pas cet objectif
d’intégration africaine et du développement de notre continent, si nous ne
menons pas un combat farouche contre l’insécurité et les différents conflits
qui déstabilisent l’Afrique. Ceci n’est
possible que par la construction d’infrastructures transnationales : les
routes, les chemins de fer, les voies aériennes, les voies fluviales et
maritimes et par l’élimination des barrières douanières. Toujours sur ce
chapitre de la diplomatie, je voudrais aussi souligner mon dernier passage à
Washington où j’ai eu des discussions avec Directrice générale du Fonds
Monétaire International. Ces discussions ont débouché sur une mission de cette
institution à Kinshasa au titre de l’article 4. Le rapport de cette mission
augure la reprise des programmes avec le FMI, qui est une bonne chose pour
l’économie de mon pays. Avec la Banque Africaine du Développement, je voudrais
remercier ici le Président de cette institution, mon frère Akinwumi Adesina. Au
cours de nos échanges il a clairement indiqué sa satisfaction concernant l’assainissement du cadre macroéconomique et
a également promis le soutien de son institution aux différents projets de mon
pays. Je voudrais aussi dire qu’au
niveau de la Banque Mondiale, je viens de recevoir à Lubumbashi, le
vice-président de cette institution financière internationale avec qui nous
avons partagé des vues communes sur la reprise de leurs programmes en RDC.
Chers compatriotes,
Après avoir dressé ce constat à
mi-parcours dans les domaines étayés, je vous annonce ma détermination à
engager le Gouvernement à réponde aux attentes de la population par des réformes
nécessaires au développement de notre
pays. Ainsi la promotion des droits de
la femme et un critère qui rentre en compte pour ce faire. C’est pourquoi je
demanderai au Parlement de réfléchir sur un système de quota aussi bien dans
les assemblées électives que dans l’administration, à réserver d’emblée aux
femmes afin de renforcer leur participation active dans la société. De la même
manière, je prendrais des mesures pour lutter contre le chômage des
jeunes. Des mesures incitatives seront
prises en faveur des entreprises qui vont employer des jeunes. Un fonds de
garantie sera créer pour leur permettre d’accéder aux crédits bancaires tout en
bénéficiant d’un accompagnement dans la gestion de leurs projets. J’envisage également une profonde restructuration
du Service National, et le renforcement du rôle de l’INPP (Institut National de
Préparation professionnelle) pour prendre en charge les jeunes désœuvrés et
favoriser leur réinsertion dans la société.
Chers compatriotes,
La lutte contre la corruption et en faveur de la
bonne administration de la justice sont des gages de bonne gouvernance. Sans
une justice équitable, il est inutile de parler d’État de droit. « La Justice
élève une nation » dit-on ! Cette parole biblique doit nous inspirer dans notre
quête d’une justice juste qui serait rendue par des juges intègres. Je prends
l’engagement et réitère, en tant que Magistrat Suprême, mon vœu de nommer des
hommes et des femmes intègres afin qu’ils redorent le blason terni de notre
justice. Une autre grande réforme devra
viser le système électoral dans la mesure où celui qui est en vigueur a montré
ses limites, plus précisément en ce qui concerne le mode de désignation des
sénateurs et des gouverneurs.
Chers compatriotes,
Au moment où nous déplorons
l’insécurité dans les 6 provinces précitées, voilà qu’un autre drame vient
durement assombrir cette journée anniversaire de l’indépendance avec
l’effondrement d’une mine à Kolwezi qui a causé plusieurs morts parmi nos
concitoyens. Après avoir ordonné une assistance aux familles éplorées, je leur
présente mes condoléances les plus attristées. Je viens de diligenter une
enquête pour établir les responsabilités dans ce drame. Chers compatriotes, Ce
30 juin est le premier que je célèbre avec vous en tant que Chef de
l’état. Je l’ai voulu moins fastueux et
plus dans la méditation et la prière. Ce qui nous permet à tous de faire l’état
des lieux afin de mieux nous projeter dans l’avenir. Un avenir que je veux
radieux et prospère pour tous les Congolais. Que vive la République
Démocratique du Congo. Que Dieu bénisse notre pays et son peuple.
Je vous remercie
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