Message de la 55ème
assemblée plénière de la conférence épiscopale nationale du Congo
SAUVONS LE PROCESSUS
ELECTORAL
« Le Fils de l’homme
est venu sauver ce qui était perdu » (Mt 18, 11)
1.
Nous, Cardinal, Archevêques
et Evêques, membres de la Conférence Episcopale Nationale du Congo (CENCO),
réunis en Assemblée Plénière à Kinshasa du 25 au 29 juin 2018, toujours mus par
la sollicitude à l’égard du Peuple congolais
dont nous avons la charge pastorale, sommes très préoccupés par les
incertitudes qui planent sur notre pays. A six mois de la tenue des élections
présidentielle, législatives nationale et provinciale, le climat sociopolitique
demeure encore tendu, la situation sécuritaire et humanitaire précaire et les droits
de l’homme sont bafoués.
2.
Néanmoins, nous sommes
convaincus que la sortie pacifique de la
crise qui sévit dans notre pays, passe nécessairement par l’organisation de
bonnes élections. Nous devons sauver le processus électoral.
3.
Ayant
payé de son sang pour l’alternance démocratique, le Peuple congolais, debout,
attend impatiemment la tenue des élections le 23 décembre 2018 et non plus
au-delà.
I.
REGARD
SUR LE PROCESSUS ELECTORAL
4.
Considérant le calendrier
électoral publié, nous reconnaissons les avancées accomplies dans le processus
électoral, notamment l’existence d’un fichier électoral, la mise en œuvre
partielle des mesures de décrispation du climat politique, un timide respect de
la liberté des manifestations publiques.
5.
Cependant, au lendemain de
la convocation du l’électorat, les avancées susmentionnées ne nous rassurent
pas au regard des inquiétudes suivantes :
Le climat politique
6.
Le non parachèvement des
mesures de décrispation prévues dans l’Accord de la Saint-Sylvestre est inexplicable et inacceptable. Le
maintien en prison ou en exil des cas emblématiques pour leurs opinions
politiques, n’est pas de nature à favoriser les élections inclusives et
apaisées que nous voulons tous.
Le fichier électoral
7.
Nous sommes préoccupés par
le fait que le fichier électoral divise les parties prenantes au processus
électoral. A ce propos, l’audit réalisé par l’Organisation Internationale de la
Francophonie (OIF) a relevé des
faiblesses, dont le manque d’empreintes digitales pour 16,6 %, soit six millions sept cent mille d’enrôlés (6,7
millions).
La machine à
voter
8.
Nous constatons qu’il n’y a toujours pas de consensus sur l’utilisation ou non de la machine à
voter. A ce sujet, certains menacent même de boycotter les élections,
apparemment sans en évaluer les conséquences.
La sécurité
9. Nous
déplorons l’insécurité persistante et croissante dans plusieurs provinces,
aggravée par la multiplicité de groupes armés. Paradoxalement,
cette situation contraste avec l’impressionnante militarisation du pays, entre
autres dans le Nord-Kivu. Cette insécurité, vraisemblablement entretenue, ne
risque-t-elle pas de servir de prétexte au refus d’organiser les élections dans
le délai ?
II.
LES ELECTIONS QUE LE PEUPLE VEUT
10.
Pour être crédibles, les élections doivent
être conformes à la Constitution et à l’Accord de la Saint-Sylvestre, capables
de garantir l’alternance. A ce sujet, il convient de rappeler l’Accord du 31
décembre 2016 qui, conformément à la Constitution (Article 70), stipule :
« Le Président de la République est
élu au suffrage universel direct pour un mandat de cinq ans renouvelable une
seule fois. Il s’ensuit que tout président ayant épuisé le deuxième mandat ne
peut plus en briguer un troisième » (III.2.1). C’est le cas de
l’actuel Président de la République.
11.
Il importe de souligner que dans l’esprit
dudit Accord, les élections crédibles et apaisées sont celles inclusives où toutes les parties prenantes jouissent de
l’égalité de chance et dont les résultats sont
effectivement l’expression de la volonté du peuple. Nous disons NON aux
élections biaisées.
12.
Depuis plusieurs décennies, les différents systèmes
de gouvernance qui se sont succédé ont mis le pays à genoux. Dès lors, la RD Congo a besoin de l’alternance, d’un
nouveau leadership et d’une nouvelle classe politique qui placent les intérêts
des Congolais au centre de toutes les préoccupations politiques. Pour y
parvenir, il faut avoir aux commandes de l’Etat, des hommes et des femmes
compétents et intègres qui aiment réellement le pays.
III.
NOS RECOMMANDATIONS
13.
A Son Excellence Monsieur le Président de la
République:
Nous
demandons d’assumer ses responsabilités devant la Nation et de prêter l’oreille
aux aspirations du Peuple congolais en veillant au respect de la Constitution
et de l’Accord de la Saint-Sylvestre.
14.
A nous-mêmes, Peuple congolais :
Continuons
à exiger des élections crédibles dans le respect du calendrier électoral
publié. Ne cédons ni à la peur ni à la résignation et encore moins à la
violence. Résistons à l’achat de conscience et aux manipulations politiciennes.
15.
A vous, les Jeunes :
Nous
vous exhortons à ne pas vous laisser manipuler par ceux qui vous incitent à la violence
ou vous enrôlent dans des groupes armés ou des milices. L’avenir de la RD Congo
vous appartient, préparez-vous de manière responsable dès maintenant à assumer
vos responsabilités pour construire un Congo plus beau qu’avant.
16.
A vous, Honorables Députés et Sénateurs :
Nous
recommandons de relayer effectivement les aspirations profondes du Peuple au
changement et de ne pas voter des lois qui ne rencontrent pas le bien du Peuple
congolais.
17.
Au Gouvernement central:
Nous recommandons de tout mettre en œuvre pour parachever
les mesures de décrispation du climat politique. Il s’agit notamment des
cas des figures emblématiques, des prisonniers d’opinion et des exilés politiques,
afin de garantir l’inclusivité et l’égalité de chance pour tous. Il est temps de
faire lever les dispositions des Gouverneurs et Bourgmestres qui entravent la
liberté de manifestations publiques. Nous
vous demandons d’assurer
le décaissement des fonds au rythme des besoins de la CENI,
afin de respecter le calendrier électoral. Il vous incombe de sécuriser
effectivement la population et le territoire national, particulièrement les
frontières afin d’avoir les élections apaisées sur toute l’étendue du pays.
18.
A la CENI :
Nous
demandons de publier le plus tôt possible les listes provisoires qui pourront
rassurer que les six millions sept cent mille (6,7 millions) enrôlés sans
empreintes digitales ne sont pas des personnes fictives et d’apaiser la Nation
sur la gestion de 1,2 millions de surplus de cartes d’électeurs non utilisées ;
d’accéder à la demande d’une expertise nationale et internationale de la « machine
à voter ». Car, les conclusions d’une telle expertise indépendante pourraient
aider à trouver un consensus. Nous le rappelons, sans consensus à ce sujet, il
serait prudent de s’en tenir à ce qui est prévu dans le calendrier électoral, à
savoir l’impression et le déploiement des bulletins de votes, des
procès-verbaux et des fiches de résultat (cf. nn. 38, 39 et 40).
19.
A vous, Acteurs politiques:
Nous
recommandons de vous engager de bonne foi dans le processus électoral et d’éviter tout extrémisme qui risque de
plonger le pays dans une crise plus profonde encore ; de vous
concentrer sur la formation des membres de vos partis ; de proposer des
programmes politiques et des projets de société pertinents, en privilégiant les
débats d’idées ; de préparer vos témoins pour les bureaux de vote ; et
d’éviter de manipuler les jeunes ou de les inciter à la violence à de fins
électoralistes.
20.
Aux membres des Organisations de la Société
civile:
Il
vous incombe de demeurer alertes et engagés à accompagner la population par
l’éducation civique et électorale, et de l’aider à bien discerner pour faire un
bon choix.
21.
A vous, membres de la Communauté
Internationale:
Nous
vous prions de poursuivre l’accompagnement du processus électoral et de placer
l’intérêt supérieur du Peuple congolais au centre des négociations
diplomatiques.
CONCLUSION
22. Nous
recommandons au Peuple congolais et aux hommes de bonne volonté d’être assidus
dans la prière pour la sauvegarde du processus électoral. Car, « Si le Seigneur ne bâtit la maison, c’est en
vain que peinent les bâtisseurs ; si le Seigneur ne garde la ville, en
vain la garde veille » (Ps 127,1).
23. A
l’occasion du 58ème anniversaire de l’Indépendance, que Dieu bénisse notre Pays et son Peuple et que l’Esprit
Saint rende lucides les parties prenantes au processus électoral en vue d’un
avenir meilleur. Puisse la Vierge Marie, Notre Dame de l’espérance, intercéder
pour nous.
Kinshasa,
le 29 juin 2018, en la solennité des Saints Apôtres Pierre et Paul.
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