Les 19 et 20 septembre 2016, Kinshasa
a été le théâtre de violences inouïes consécutives à une tentative délibérée de
déstabilisation de l’Etat, perpétré par une frange de l’opposition politique
dont quelques partis furent naguère adeptes de la lutte démocratique non
violente mais qui semblent s'être radicalisés depuis. On peut présenter comme
preuve du refus du consensus de leur part leur boycott actif du dialogue
politique national inclusif que certains d'entre eux réclamaient avec
insistance il y a encore quelques temps, en plus d’avoir pris part aux
pourparlers préparatoires y relatifs. Ce dialogue national se tient pourtant à
la Cité de l’UA dans les conditions convenues de commun accord avec eux.
Plusieurs partis politiques de la Majorité, de l'opposition et des
représentants de la société civile accompagnés par l'Union Africaine et
l'ensemble de la Communauté internationale y participent pour débattre de la question
électorale dans l'optique d'une solution consensuelle en vue de préserver la
RDC et son peuple du chaos.
Force est de constater que pour les
initiateurs des désordres des 19 et 20 septembre c’est bien le chaos et rien
que le chaos qui était recherché ainsi que l’a avoué l’un d’entre eux dans un
entretien du 16 septembre avec l’hebdomadaire Jeune Afrique qui l’a publié le
18 septembre en se référant aux pyromanes de Ouagadougou qui avaient incendié
leur parlement comme un modèle à suivre.
Le bilan de ces violences est très
lourd car selon les dernières données fournies par la PNC, on a compté pour les
deux jours
- 32
morts dont des éléments des forces de police en plein exercice de leurs
fonctions, des enfants tués sur la route de l’école ainsi que quelques pilleurs
et casseurs ;
- plusieurs
biens tant publics que privés vandalisés objet de destruction méchante ;
- des
propriétés privées pillées.
Au nom du Gouvernement et en mémoire
de tous nos compatriotes ainsi fauchés inutilement, parmi lesquels des
policiers brûlés vifs dans l'exercice de leur mission, je vous convie à vous
lever et à garder une minute de silence. (Merci).
Nos sincères condoléances à toutes les familles éplorées.
Mesdames
et Messieurs,
Contrairement au sempiternel refrain
entendu ici et là au sujet du non respect des droits de l'Homme ou du
rétrécissement des espaces démocratiques en RDC, c’est bien dans le cadre de
l'exercice légitimement revendiqué et reconnu de la liberté d’expression et de
manifestation garanti dans notre pays que ces crimes humainement inacceptables
ont été commis. Le Gouvernement congolais, toujours attaché à ces droits et
libertés, n'a jamais interdit à quiconque de se faire entendre dans les limites
du respect des lois. Tout le monde se souvient qu'il y a à peine quelques
semaines, le retour au pays en grande pompe et le meeting du leader d’un
regroupement de partis de l’opposition à Kinshasa avaient drainé beaucoup de
monde sans que cela ne donne lieu à quelque désordre que ce soit.
C'est fort de ces convictions et suivant les
mêmes principes que le regroupement politique "Rassemblement" avait
obtenu, après concertations avec les autorités urbaines de Kinshasa,
l'autorisation d'organiser une "marche pacifique" pour la remise
d’une pétition à la CENI selon un itinéraire et un chronogramme bien précis.
Alors que cette marche était, selon ses
organisateurs prévue pour débuter à 12H00, on s’est rendu compte que dès les
petites heures du matin, parfois la veille dans quelques quartiers de la ville,
elle s’est muée en un mouvement insurrectionnel manifestement prémédité de
longue date. Dans un certain nombre de points de la capitale, on a en effet vu
débouler de manière coordonnée des bandes d’émeutiers, de pilleurs et de
meurtriers. Des appels au saccage des résidences de certains acteurs politiques
qui circulaient sur les réseaux sociaux comme des mots de passe en langues
lingala et en tshiluba témoignent de cette stratégie virale. Les meurtres de
sang froid comme ceux d’une fillette élève à l’Ecole Mwinda, après avoir été
violée, parce qu’elle avait osé porter son uniforme d’écolière, d’une dame
receveur de bus Newtrans lapidée jusqu’à ce que mort s’ensuive et d’un policier
de garde devant la permanence d’un parti de la Majorité dont les émeutiers mettront
le feu à son corps. Ces meurtres atroces étaient destinés à terroriser la
population de Kinshasa. La mise à sac des sièges des partis politiques prenant
part au dialogue, qu’ils soient de la Majorité comme de l’Opposition, la
détention et l'utilisation par les émeutiers d'armes et de munitions de guerre,
les attaques contre les monuments des pères de l’indépendance Patrice Lumumba
et Joseph Kasa-Vubu, la destruction des symboles de l'Etat, notamment les
commissariats et sous - commissariats de la police nationale ainsi que les
sièges des tribunaux et les écoles donnent à penser à un schéma de coup d’Etat
sur lequel la justice ne manquera pas de nous éclairer bientôt.
Devant cette flambée de violence et pour éviter
le chaos généralisé, les autorités municipales de la capitale, qui ont réalisé
la supercherie de la part de leurs interlocuteurs désormais auteurs
intellectuels, moraux et matériels de ces assassinats et autres crimes
socio-économiques collatéraux, ont pris la décision salutaire d'interdire cette
manifestation dont l'objectif inavoué n'avait plus rien à avoir avec celui
déclaré au départ. D’où leur décision de disperser les faux manifestants tout
en faisant procéder à l’arrestation de ceux d’entre eux surpris en flagrant
délit d’actes criminels.
Tout porte à croire que l’information portée à
la connaissance du gouverneur de Kinshasa d’une marche pacifique ayant pour
objectif de déposer une pétition à la CENI n'avait été qu'une pure diversion.
L’objectif principal des auteurs de cette procédure qui se sont répandus par la
suite à travers les médias et réseaux sociaux en des appels délibérés aux actes
répréhensibles qui ont endeuillé la ville de Kinshasa semble avoir été de
conduire au renversement des institutions de la République et leur remplacement
par de nouveaux acteurs suivant un schéma insurrectionnel sous le prétexte de
mettre la pression sur les participants au dialogue politique national inclusif
qu’ils accusaient de vouloir violer la Constitution de la République.
Leurs atermoiements et leur refus catégorique de
prendre part audit dialogue qu’ils n’avaient cessé de réclamer depuis plus de
trois ans malgré les invitations réitérées de larges couches de Congolaises et
de Congolais ainsi que des supplications
de la communauté internationale sont révélateurs de cette démarche funeste.
Le Gouvernement condamne sans ambages de tels actes
de violence. Il est décidé à faire régner l'ordre et encourage fermement le
Procureur Général de la République qui a annoncé dès hier sa détermination à
arrêter et engager sans désemparer des poursuites judiciaires à l’encontre des
auteurs matériels et intellectuels de tous les auteurs de cette flambée de
violences qui ne peut en aucune manière être justifiée.
Le Gouvernement se félicite de ce que les deux
chefs des délégations, respectivement le ministre de la Justice Alexis Thambwe Mwamba pour la
majorité et le président du parti UNC, Monsieur Vital Kamerhe pour l’opposition
les aient condamné sans ambages au nom de tous les participants à ce forum tout
en insistant sur le caractère exemplaire des sanctions qui doivent être
infligées aux auteurs matériels et intellectuels de ces drames causés par ce
véritable dévoiement des libertés démocratiques fondamentales.
On a entendu un des initiateurs de ces
débordements criminels avouer pratiquement sur les ondes des médias
périphériques la paternité des crimes commis le 19 septembre en les attribuant
ce qu’il a eu l’outrecuidance d’appeler « le peuple » qui aurait
ainsi manifesté sa réprobation devant la tentative du Chef de l’Etat de rester
au pouvoir au-delà de la fin de son mandat constitutionnel. Sans un mot pour
les nombreuses victimes de ses turpitudes, il se lamentait uniquement au sujet
de l’incendie du QG de son parti causé par des individus que les services du
PGR s’efforcent encore d’identifier et qui, du point de vue du Gouvernement, ne
sont pas plus criminels que ceux qui avaient mis le feu aux sièges de quelques
autres formations politiques de la majorité, les représailles épidermiques
n’étant pas acceptables dans un l’Etat de droit.
Le lourd bilan humain que les kinois déplorent
aujourd’hui doit, hélas, nous ramener à la réalité. Un lourd bilan aggravé par
une déstructuration systématique du tissu socio-économique de la capitale dont le
Gouvernement encourage les autorités à établir rapidement les responsabilités.
Le Gouvernement de la République est convaincu
que les violences du 19 et 20 septembre traduisent à suffisance l'incapacité de
ceux qui les ont initiées d'infuser un minimum de civisme de vivre-ensemble
pacifiquement et convivial dans ce pays, tellement ils sont pressés d'arriver
au pouvoir par tous les moyens. Les masques sont tombés. Ayant déserté son
agenda initial du dialogue pour exécuter par procuration celui du chaos avec
meurtres, un schéma cher à un affairiste véreux devenu ainsi un mollah dont les
acolytes doivent exécuter les fatwas, un des principaux partis de l’opposition
congolaise vient malheureusement par l’implication de certains de ses
responsables dans ces violences humainement inacceptables de ressusciter en RDC
des pratiques surannées des coups de force qui avaient plongé le pays dans une
dictature sanguinaire de plus de trois décennies et dont les conséquences sont
encore prégnantes autour de nous.
Par ailleurs, le Gouvernement s’insurge contre une certaine tendance
observée chez quelques médias internationaux œuvrant dans notre pays à
s'émouvoir des conséquences, en l'espèce la répression des actes criminels tout
en méconnaissant les causes qui la rendent nécessaire dans tout Etat de droit.
Nous nous perdons également en conjectures sur leur propension à servir
volontiers de caisses de résonance à certains messages partisans et dévoyés ou
à exprimer une compassion sélective devant les vies fauchées des Congolais. Une
véritable prime au chaos et à l’anarchie qui semble s’inscrire dans une
certaine symbiose avec la vision de la situation en RDC par certains dirigeants
étrangers qui semblent parier sur la déstabilisation et, à terme, la
balkanisation de notre pays pour leurs propres intérêts. J’en veux pour exemple
les récents propos tenus par le Président de la République française sur les
graves événements survenus à Kinshasa les 19 et 20 septembre en marge de son
discours devant l’Assemblée générale des Nations Unies à New York.
En effet, le Président François Hollande, avec des accents de maître
d’école, s'est permis de tirer à boulets rouges sur le gouvernement congolais
auquel il impute la responsabilité de ces violences dans lesquelles il n’a
sélectionné on ne sait pourquoi que l'incendie au deuxième jour, le 20
septembre du siège d’un parti de l’opposition, passant sous silence les
meurtres, viols et saccages intervenus la veille aux QG des autres partis
politiques de la majorité ou de ceux prenant part au dialogue politique
national, ainsi que des écoles et du pillage des commerces qui avaient eu lieu
le même jour, allant jusqu’à faire grief à nos forces de sécurité de réprimer
des criminels !
Le Gouvernement congolais a été surpris
d'entendre le Chef d'un État comme la France, pays ami bien représenté ici à
Kinshasa, ignorer superbement l'origine et le cheminement desdits événements et
s’abstenir de la moindre expression de compassion à l'endroit du plus grand
nombre de morts du 19 septembre en se limitant à n'évoquer que deux victimes
tombées le 20, deuxième jour du mouvement insurrectionnel. Cette façon de
diviser les Congolais qui nous gêne énormément.
Comme à l'accoutumée, nous avons eu droit à des
injonctions comminatoires par lesquelles, à travers une vaine tentative de
substitution à la fois au souverain primaire et à la CENI, il a rappelé qu’il
avait déjà prévenu qu’il « ne transigerait pas sur les dates des
élections en RDC». À se demander si la République Démocratique du Congo
était devenue un nouveau département d'outre-mer issu de nouvelles conquêtes de
l'Hexagone. Il n’est pas inutile de rappeler un de ses prédécesseurs qui
confronté aussi à l’époque à des problèmes avec les sondages préélectoraux,
avait tenté de se refaire une santé
politique en caressant l'idée de faire d’un autre pays africain, la Libye pour
ne pas la citer, un scalp pour améliorer son image passablement brouillée dans
l’opinion. En vain. Nous, Congolais ne pouvons continuer à admettre qu'un pays
étranger fasse de notre pays ce qu’il est reproché à certains d’avoir fait de
la jadis prospère Jamahiriya Libyenne qui n’existe pratiquement plus que de
nom, pour des intérêts qui n’ont rien à voir avec les droits brandis de sa
population.
C’est le lieu de rappeler aux uns et aux autres que le peuple congolais
tient à exercer son droit inaliénable à l’autodétermination et que, comme l’a
souhaité l’immortel Patrice Lumumba, son Avenir s’écrit en RDC par les
Congolais eux-mêmes et non à Paris ou dans les couloirs des Nations Unies.
Nous avons des problèmes mais on peut bien poser
la question de savoir quel pays, quel peuple n’en a pas. La Nation tout entière
en a pris conscience et a estimé que le dialogue politique national inclusif
que le leader du Rassemblement de l’opposition qualifiait il n’y a pas si
longtemps de « voie royale » pour des élections crédibles et apaisées
était de toute évidence incontournable pour le développement et l’émergence de
ce grand pays au cœur de l’Afrique.
C’est pourquoi le Gouvernement continue à
insister pour que la classe politique congolaise dans son ensemble se retrouve
autour de la table du Consensus dans l’intérêt supérieur de la Nation et que
l’on arrête de mettre le feu à la maison
commune à cause de l’impatience suscitée par des ambitions personnelles mal
maîtrisées.
Pour conclure, le Gouvernement de la République
invite la population de Kinshasa à garder sa sérénité habituelle qui sera
bientôt renforcée par les résolutions pertinentes du dialogue national et
inclusif. Grâce à ces résolutions, le chemin qui nous conduira à des élections
libres, transparentes et apaisées, seul mode d’accession légitime au pouvoir
dans un Etat démocratique, sera ainsi balisé.
Je vous remercie.
Lambert MENDE OMALANGA
Ministre de la Communication et Médias
Porte-Parole du Gouvernement
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