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République démocratique du Congo (RDC) : la situation humanitaire et sécuritaire continue de se dégrader dans l’est du pays

Alors que les tensions militaires et les violences intercommunautaires s’intensifient dans les trois provinces de l’est de la République démocratique du Congo (RDC), l’ONU appelle à un cessez-le-feu immédiat

Lors d’un point de presse, vendredi, au siège de l’organisation à New York, Stéphane Dujarric, le porte-parole du Secrétaire général des Nations Unies, s’est dit préoccupé par l’instabilité persistante et la crise humanitaire de plus en plus aiguë en RDC.

« La situation dans l'est du pays demeure critique, notamment dans les provinces de l'Ituri et du Nord-Kivu, où la mission continue de mettre en œuvre son mandat et où les casques bleus jouent un rôle essentiel en matière de protection », a déclaré M. Dujarric, en référence à la mission de maintien de la paix de l’ONU déployée dans le pays, la MONUSCO.

Ituri

Cette dernière est aujourd’hui confrontée à une recrudescence des affrontements en Ituri, où des groupes armés profitent de la diversion causée par l’offensive des rebelles du M23 dans les provinces voisines du Nord- et Sud-Kivu pour multiplier les attaques. 

Selon M. Dujarric, des combats récurrents entre les milices CODECO et zaïroises prennent pour cible les populations civiles, y compris à proximité de camps pour personnes déplacées, de terres agricoles et de sites miniers.

Face à cette spirale de violence, la MONUSCO soutient des initiatives locales de dialogue politique. Un effort qui porte quelques fruits, selon le porte-parole : plus de 1.000 combattants zaïrois ont été démobilisés depuis janvier, grâce à un programme de désarmement soutenu par le gouvernement.

Nord-Kivu

Mais l’Ituri n’est pas le seul foyer de tension. À Goma, le personnel international non essentiel des Nations Unies qui avait été évacué au temps fort des combats entre le M23, soutenu par le Rwanda, et les forces régulières du gouvernement de Kinshasa, retourne à l’heure actuelle dans la métropole. Toutefois, M. Dujarric indique que la MONUSCO éprouve des difficultés à assumer son mandat de protection des civils sous le contrôle du M23, qui occupe la ville depuis fin janvier. 

La compagnie de génie Bangladesh de la MONUSCO réhabilite actuellement les routes endommagées lors des combats afin de rétablir l’accès humanitaire. 

Ailleurs dans le Nord-Kivu, la situation demeure alarmante. « La reprise des hostilités hier entre groupes armés dans le territoire de Rutshuru a provoqué le déplacement de quelque 7 500 personnes. […] Nombre d’entre elles fuient pour la deuxième ou la troisième fois. On ne peut qu’imaginer l’état dans lequel elles se trouvent », a indiqué le porte-parole.

La détérioration de la sécurité ne se limite pas aux zones de combat. À Walikale Centre, des groupes armés ont pillé les maisons, les commerces et même les locaux de la seule organisation humanitaire active dans la région, compromettant l'accès à des soins médicaux et à une aide alimentaire vitale. « Cette attaque a gravement perturbé les programmes nutritionnels et médicaux vitaux pour des milliers de personnes vulnérables », a déploré M. Dujarric.

Sud-Kivu

La province du Sud-Kivu n’est pas épargnée. Selon M. Dujarric, des individus armés ont attaqué à deux reprises en un mois l’hôpital général de Mukongola, vandalisant notamment la maternité et les stocks de médicaments.

Dans les territoires de Fizi et de Kalehe, les affrontements en cours depuis le 27 mars ont poussé plus de 20.000 personnes à fuir leur domicile. Nombre d’entre elles vivent désormais à ciel ouvert.

« Si certaines personnes sont hébergées par des familles d’accueil, beaucoup restent bloquées dans des zones ouvertes, sans eau ni nourriture », a souligné le porte-parole.

Les opérations militaires en cours limitent considérablement l’accès des humanitaires aux populations affectées. M. Dujarric a demandé la mise en place d’un accès « immédiat, sûr et durable » à toutes les zones de l’est du pays.

Il a également appelé l’ensemble des parties prenantes à respecter l’appel à l’instauration d’un cessez-le-feu immédiat et inconditionnel lancé cette année par le Conseil de sécurité de l’ONU dans sa résolution 2773.



Distribué par APO Group pour UN News.

jeudi 29 septembre 2016

Angèle Makombo : ‘’Où allons-nous en RDC ?

Elle crève l’abcès. Dans une analyse pointue, la Présidente de la LIDEC et Déléguée au Dialogue, reprend, ici, les grandes péripéties de l’histoire récente des événements douloureux qu’a connus la RD. Congo. Elle revient, à sa manière, sur les tentatives de réponse, les ratés et, s’il y a lieu, les rares acquis. Elle fustige, en même temps, le déficit de la participation des femmes dans tous les enjeux. Scrutant l’avenir, devenu flou, à la lumière de tous les tâtonnements, elle se demande où va, finalement, la RDC et son peuple. Sur quels rails veut-on les engager? Très préoccupée, elle place la classe politique congolaise, quelles que soient les tendances ou sensibilités, dans l’obligation de sortir de l’ankylose ou, à la limite, de la politique du cercle vicieux,  et de s’assumer pleinement face à ce qui apparaît, désormais, comme  des vrais défis : le dialogue,  la paix, l’unité du pays, la consolidation de la démocratie et du pluralisme, la protection des libertés individuelles et collectives, le respect des lois et de la Constitution, la tenue des élections transparentes, la reconstruction et le développement. Décidément, Angèle Makombo crie sur le toit  de la maison.
RDC : où allons-nous ?
Année 2015, les 19, 20 et 21 janvier : répression sanglante des manifestations dans plusieurs villes du pays contre le projet de loi électorale censé subordonner la tenue des élections au recensement de la population, et entraîner le report de l’élection présidentielle initialement prévue en novembre 2016. Bilan de cette répression à Kinshasa, selon la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH) : 42 morts et de nombreux blessés.  Un jeune militant de notre parti politique, la Ligue des Démocrates Congolais (LIDEC), victime d’une balle perdue dans la commune populaire de Ngaba, fait partie des blessés.
Année 2016, les 19 et 20 septembre, nouvelle répression ! Cette fois-ci, il s’agit de  manifestations du Rassemblement des forces politiques et sociales acquises au changement d’Etienne Tshisekedi, menées à travers le pays pour exiger de la Commission électorale nationale indépendante (CENI), la convocation du corps électoral pour l’élection présidentielle. Bilan de ces deux jours de violence meurtrière à Kinshasa, selon Human Rights Watch : 44 morts dont 37 personnes tuées par les forces de sécurité, et 7 policiers morts dans les affrontements avec des manifestants; 32 morts selon la Police Nationale Congolaise. A cela, s’ajoutent de nombreux blessés et des dégâts matériels considérables: plusieurs sièges ou bureaux des partis politiques incendiés, des écoles brûlées, des résidences privées et des commerces pillés et saccagés, des véhicules calcinés ou caillassés,
Des morts, encore des morts
Pourquoi faut-il des morts, encore des morts, pour une marche de protestation  politique dans notre pays ? Et,  parmi ces compatriotes innocents qui succombent, nombreux sont ceux qui sont touchés par des balles réelles tirées à bout portant par certains éléments des forces de sécurité. Je voudrais rappeler,  ici,  l’appel pathétique que nous avions  lancé  aux autorités congolaises,  lors d’un meeting politique de notre parti,  le 7 février 2015 à Ngaba, suite aux évènements tragiques de janvier : « Plus jamais ça! », plus jamais des forces de l’ordre tirant à balles réelles sur la population ! Rien n’y fait, les balles continuent à crépiter lorsque les Congolais usent de leur droit constitutionnel de manifester. Les pouvoirs publics ont,  pourtant,  l’obligation de garantir ce droit.
Œil pour œil, dent pour dent
Le 19 septembre 2016  dernier au soir, les sièges ou bureaux de certains partis politiques sont incendiés. Il s’agit du RCD, CNC, ARC, ATD et PPRD. Est-ce un hasard ? Certainement pas. Ces partis ont un point commun : leurs leaders ont accepté de participer au dialogue facilité par Edem Kodjo à la Cité de l’Union africaine à Kinshasa. Le lendemain, c’est œil pour œil, dent pour dent : les sièges de l’UDPS, du MLP, des FONUS et de l’ECIDE sont mis à feu. Ce n’est pas non plus un hasard : ces partis politiques membres du Rassemblement, ne participent pas au dialogue et ont récusé le Facilitateur Edem Kodjo, qu’ils accusent de partialité en faveur du Président Kabila. Ces attaques ciblées contre les partis politiques précités ont donc tout l’air d’une réponse musclée du berger à la bergère.
A la LIDEC, parti politique de l’opposition, nous condamnons fermement toute forme de violence d’où qu’elle vienne et demandons que toute personne coupable d’un acte répréhensible soit sévèrement punie. Nous pleurons nos compatriotes tombés pour défendre la Constitution, mais déplorons la violence aveugle perpétrée par certains jeunes gens manipulés et désorientés. Les meurtres de policiers brûlés vifs, les scènes de pillage, les destructions méchantes auxquelles nous avons assisté ou avons été victimes, ne relevaient pas d’un soulèvement populaire pour la défense de la Constitution mais bien,  du lot d’actes criminels et de vandalisme. Et ces exactions reflètent un manque criant de civisme et d’empathie au sein d’une population congolaise meurtrie, frustrée et appauvrie du fait d’une gouvernance inefficace du pays.
Qui donc conseille le Président Kabila ?
Suite à une telle tragédie, le peuple congolais était en droit de s’attendre à une déclaration télévisée ou radiodiffusée du Chef de l’Etat. Mais qu’avons nous eu à la place ? Après deux jours d’un silence déconcertant, nous avons eu un simple communiqué de la Présidence de la République, signé par le Directeur de cabinet du Président et lu par un journaliste sur la chaîne de télévision nationale dans lequel le Président présente ses condoléances aux familles éprouvées, blâme l’opposition pour les violences et appelle à l’apaisement.  Présenter des condoléances par communiqué? Comment interpréter cela? Qui donc conseille le Chef de l’Etat?
A  qui profite le crime ?
Autre question : à qui profite le crime ? Il n’aura, en effet, échappé à personne que ces deux jours de violence meurtrière ont abouti au blocage persistant du dialogue. Etait-ce l’un des buts poursuivis ? Si oui, c’est hélas réussi! La Commission Episcopale Nationale du Congo (CENCO) a suspendu sa participation au dialogue politique depuis le 20 septembre, pour faire le deuil des personnes tuées et par solidarité avec les familles éprouvées ainsi que le peuple congolais, et pour rechercher un consensus sur l’accord politique censé sanctionner la fin des travaux du dialogue. Les représentants de la société civile et les délégués de l’opposition ont également suspendu leur participation au dialogue pour les mêmes raisons. La CENCO a demandé que certaines exigences soient prises en compte dans le projet d’accord politique élaboré par le Facilitateur notamment, une disposition stipulant que l’actuel Chef de l’Etat, le Président Kabila, ne sera pas candidat à la prochaine élection présidentielle à organiser, dès que possible ; et l’inclusion des dates précises des élections dans l’accord en question.
Le dialogue nécessaire pour baliser la voie à  des élections apaisées
La LIDEC, qui a toujours fait preuve d’une remarquable constance, avait dit « oui » au dialogue, mais pas n’importe lequel (lire mon article intitulé « Un dialogue pour quoi faire ? » paru dans le quotidien kinois La Prospérité du 11 juin 2015). Nous continuons à dire « oui » au dialogue et participons au Dialogue en cours à la Cité de l’Union africaine.  Car «Avec la violence, on s’entretue sans issue. Avec le dialogue, on se  chamaille pour déboucher sur une solution », et parce que « le dialogue est plus que jamais nécessaire pour baliser la voie à des élections apaisées » (Sam Bokolombe Batuli).
Aussi, osons-nous espérer que les consultations en cours pendant la suspension du dialogue permettront de dégager « un consensus le plus large possible qui puisse mener à la tenue d’élections crédibles et transparentes dans les meilleurs délais et dans le respect,  à la fois,  de la Constitution et de la volonté de la population », comme l’a déclaré, le 26 septembre, l’Ambassadeure du Canada en RDC, Ginette Martin, après la rencontre d’un  groupe d’ambassadeurs de l’Union européenne, du Canada et des Etats-Unis accrédités à Kinshasa avec le Facilitateur du dialogue, Edem Kodjo.
Espérons aussi que la récusation d’Edem Kodjo par le Rassemblement sera levée. Car, croire que remplacer le Facilitateur actuel suffirait à relancer le dialogue est un leurre. A cet égard, il convient de rappeler que les hommes politiques congolais ont souvent renié les facilitateurs de nos crises antérieures. Avons-nous oublié ce qu’ils disaient,  par exemple, de l’ancien Président sénégalais Abdoulaye Wade, de l’Algérien Lakhdar Brahimi  ou de l’ancien Président botswanais Ketumile Masire? S’agissant de Said Djinnit, évoqué récemment par Didier Reynders, Vice-Premier Ministre et Ministre belge des Affaires étrangères, on se souviendra que M. Olivier Kamitatu, Président de l’ARC, parti politique membre du G7, avait tweeté  l’an dernier : «La nkurunzization à pas lents de la RDC… Avec Saïd Djinnit en prime! On prend les mêmes et on recommence».

Les femmes congolaises n’ont pas droit au chapitre
Le mot de la fin ? Je suis convaincue que nous n’en serions peut-être pas là si les femmes congolaises avaient droit au chapitre. La crise actuelle en RDC, créée de toutes pièces par des hommes, orchestrée par des hommes, gérée par des hommes, était évitable. Les femmes congolaises ne l’ont pas voulue et n’ont pas recouru à des actes de violence, pour lesquels, d’ailleurs, l’ONU demande une enquête indépendante ; mais lorsque l’on recherche les voies et  moyens pour mettre fin à cette crise, elles sont systématiquement ignorées !
Angèle MAKOMBO


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