La négligence de l’État a provoqué plus de 100 morts parmi
les combattants et les membres de leurs familles
Kinshasa, le 1er octobre 2014 – Plus de
100 personnes parmi les combattants démobilisés, leurs femmes et leurs
enfants qui avaient été envoyés dans un camp militaire reculé en République
démocratique du Congo y sont
mortes de faim et de maladie après que les responsables ont négligé de leur
fournir la nourriture et les soins de santé appropriés, a déclaré Human Rights
Watch .
Le gouvernement congolais devrait de toute urgence déplacer toutes
les personnes du camp vers un site plus accessible, traduire en justice les
personnes responsables des mauvais traitements et encourager une plus grande
implication des Nations Unies dans la réhabilitation des anciens combattants, a
précisé Human Rights Watch.
« La négligence du gouvernement congolais envers ces anciens combattants et leurs familles est criminelle », a indiqué Ida Sawyer, chercheuse senior sur la RD Congo à Human Rights Watch. « Avant que d’autres personnes ne meurent, le gouvernement devrait immédiatement les déplacer vers un lieu où elles aient accès à de la nourriture et à des soins de santé, et où elles soient traitées avec une décence humaine fondamentale. »
« La négligence du gouvernement congolais envers ces anciens combattants et leurs familles est criminelle », a indiqué Ida Sawyer, chercheuse senior sur la RD Congo à Human Rights Watch. « Avant que d’autres personnes ne meurent, le gouvernement devrait immédiatement les déplacer vers un lieu où elles aient accès à de la nourriture et à des soins de santé, et où elles soient traitées avec une décence humaine fondamentale. »
En septembre 2013, 941 combattants de plusieurs groupes
armés qui se sont rendus et plusieurs centaines de membres de leurs familles
ont été déplacés de l’est de la RD Congo jusqu’au camp de Kotakoli, situé dans
une région reculée de la province de l’Équateur dans le nord-ouest du pays, en
attendant leur intégration dans l’armée ou leur retour à la vie civile. Les
provisions ont toutefois été épuisées vers la fin de
l’année 2013 et, pendant les neuf mois qui ont suivi, le gouvernement a
envoyé des quantités minimales de nourriture et de médicaments. En raison du
manque de nourriture et de l’absence quasi totale de soins de santé, de
nombreux anciens combattants et membres de leurs familles sont tombés
malades et sont morts de malnutrition et de maladie.
L’enquête menée par Human Rights Watch dans le camp de Kotakoli en
septembre 2014 a abouti au constat que 42 combattants démobilisés et
au moins cinq femmes et 57 enfants y sont décédés depuis
décembre 2013. Human Rights Watch s’est entretenu avec des anciens
combattants, des membres de leurs familles, des officiers de l’armée congolaise
supervisant le camp et des membres de la communauté locale.
Les anciens combattants ont raconté à Human Rights Watch que les
responsables militaires leur ont dit qu’ils seraient détenus trois mois dans le
camp, un ancien centre d’entraînement de commandos militaires délabré construit
en 1965. Les anciens combattants pensaient qu’ils seraient ensuite intégrés
dans l’armée ou prendraient part au programme Désarmement, Démobilisation et
Réinsertion (DDR) avant de revenir à la vie civile. Un an plus tard, le
gouvernement doit toujours lancer un nouveau programme
« DDR III ».
L’approvisionnement du camp a été compromis par le mauvais état
des routes dans la région. Pour chaque livraison, un camion militaire pouvait
mettre plusieurs jours pour se rendre de la ville la plus proche, Gbadolite, à
Kotakoli, par une route de 100 kilomètres détériorée. Un agent de la santé
travaillant dans le camp ne disposait de quasiment aucun matériel ou médicament
pour soigner les malades, et ne parlait pas la même langue que les anciens
combattants, ce qui limitait sa capacité à diagnostiquer correctement les
maladies.
Un ancien combattant âgé de 28 ans et originaire du Nord-Kivu
a expliqué à Human Rights Watch que les personnes ressemblaient à celles des
« photos de la famine en Somalie et en Éthiopie ». « Nous avons vu des personnes comme ça ici.
Un adulte avec seulement la peau et les os... Nous avons d’abord enterré les
morts dans le cimetière public. Lorsque nous avons vu que la situation devenait
de plus en plus épouvantable, nous avons commencé à les enterrer dans le centre
[de regroupement], loin de la population civile. Nous pouvions enterrer jusqu’à
cinq corps par jour. »
Le camp de Kotakoli était gardé, mais le commandant de l’armée
congolaise en place permettait aux anciens combattants de se rendre dans le
village de Kotakoli pendant la journée pour essayer de trouver de la
nourriture. Cependant, l’isolement de la zone – entourée de forêts denses et
quasiment inaccessible par la route – signifiait qu’il y avait peu de chance de
survie.
Au cours de l’année passée, le gouvernement a effectué deux versements
d’environ 20 USD à chaque ancien combattant, somme qui a été
essentiellement dépensée pour la nourriture. Pour obtenir de l’argent pour pouvoir
se nourrir, les anciens combattants ont vendu les matelas et ustensiles qu’ils
avaient reçus à leur arrivée et travaillaient pour les familles locales en
coupant l’herbe, en transportant du bois et en allant chercher de l’eau. La
plupart d'entre eux étaient payés entre 10 et 50 cents par jour. Ils
pouvaient acheter du manioc cuit pour 10 cents ou voler des courges
et des haricots dans les champs des fermiers voisins. La femme d’un ancien
combattant dans le camp a expliqué à Human Rights Watch qu’étant donné qu’ils
avaient vendu leurs ustensiles de cuisine, ils cuisinaient parfois dans des
casques de soldats.
Plusieurs femmes enceintes ont fait une fausse couche en raison du manque de nourriture, ont indiqué des résidents du camp à Human Rights Watch. Au moins une femme est morte pendant sa grossesse. Un ancien combattant âgé de 44 ans a raconté : « Les personnes ont perdu tellement de poids qu’on aurait pu voir ce qu’elles avaient dans le ventre. Les enfants ressemblaient à des squelettes. »
Plusieurs femmes enceintes ont fait une fausse couche en raison du manque de nourriture, ont indiqué des résidents du camp à Human Rights Watch. Au moins une femme est morte pendant sa grossesse. Un ancien combattant âgé de 44 ans a raconté : « Les personnes ont perdu tellement de poids qu’on aurait pu voir ce qu’elles avaient dans le ventre. Les enfants ressemblaient à des squelettes. »
Un ancien combattant âgé de 28 ans et père de deux enfants a
expliqué à Human Rights Watch qu’il a regardé sa fille de 9 ans et son
fils de 7 ans mourir. « Ils sont morts parce qu’il n’y avait pas
de médicaments. Il n’y avait pas de nourriture et je n’avais pas les moyens
d’en trouver pour nourrir ma famille », a-t-il raconté. « Je les ai regardés mourir sans rien
pouvoir faire. Pouvez-vous imaginer ma douleur quand je pensais à
comment je
vais enterrer mes enfants ? Même maintenant, lorsque je pense à mes enfants,
j’ai aussi envie de mourir. Ces enfants dans le centre de santé, ils dormaient
sur le sol, sur le ciment. Je n’avais rien à mettre sur le sol pour servir de
matelas. C’est cette chemise que je porte, cet uniforme que je mettais sur le
ciment pour soulager leur douleur. »
Un
chef local de Kotakoli a raconté à Human Rights Watch : « Cela nous fait mal de voir des personnes
souffrir comme des animaux. Même les animaux ne souffrent pas comme ces
personnes. » Le manquement par le gouvernement congolais à son devoir
de fournir aliments et soins de santé appropriés aux combattants qui se sont
rendus, ainsi qu’à leurs familles, viole le droit humanitaire international
(droit de la guerre) et le droit international relatif aux droits humains. Les
personnes détenues dans le camp de Kotakoli ont été privées de leurs droits à
la vie, à des traitements humains, à la nourriture et à la santé, entre autres.
Le
coordinateur « pré-DDR » du gouvernement, le général Delphin Kahimbi,
a indiqué à Human Rights Watch par téléphone le 24 septembre qu’il avait
connaissance des problèmes à Kotakoli et de la mort de certains détenus. Il a
précisé qu’il avait envoyé une commission sur place pour enquêter : « Le problème principal n’est pas que le
gouvernement les a abandonnés, mais que le gouvernement n’a pas les moyens ni
la capacité d’acheminer les approvisionnements jusqu’à Kotakoli. »
Lors
d’une réunion à Kinshasa le 30 septembre, Alexandre Luba Ntambo, le
vice-Premier ministre et ministre de la Défense et des Anciens combattants de
la RD Congo, a indiqué à Human Rights Watch que les anciens combattants et
leurs familles étaient détenus à Kotakoli depuis bien plus longtemps que prévu
en raison de retards significatifs dans la mise en œuvre du nouveau programme
DDR et de l’« hésitation des
bailleurs de fonds » à financer le programme.
« La situation est vraiment mauvaise et nous en sommes conscients », a-t-il expliqué. Nous n’avons pas volontairement choisi de voir ces personnes souffrir de faim ou mourir, mais nous avons rencontré des difficultés pour leur apporter des approvisionnements de première nécessité. Ces retards d’approvisionnements les ont rendus plus vulnérables aux maladies, notamment les enfants. »
« La situation est vraiment mauvaise et nous en sommes conscients », a-t-il expliqué. Nous n’avons pas volontairement choisi de voir ces personnes souffrir de faim ou mourir, mais nous avons rencontré des difficultés pour leur apporter des approvisionnements de première nécessité. Ces retards d’approvisionnements les ont rendus plus vulnérables aux maladies, notamment les enfants. »
Alexandre
Luba Ntambo a ajouté que le gouvernement avait décidé le 5 août de
transférer les anciens combattants de Kotakoli vers un autre centre de
regroupement où il serait plus facile d’assurer les approvisionnements
essentiels. Toutefois, les combattants et leurs familles n’ont toujours pas été
déplacés, et ce retard, a indiqué Ntambo, est dû au manque de moyens pour les
transporter.
« Au lieu de se
lamenter en invoquant comme excuse le manque d’argent ou de moyens de
transport, le gouvernement congolais devrait prendre des mesures urgentes pour
déplacer les personnes qui se trouvent encore au camp de Kotakoli avant qu’il
n’y ait davantage de morts », a souligné Ida Sawyer. « Le gouvernement n’aurait jamais dû
envoyer ces anciens combattants et leurs familles dans un camp isolé et
difficile d’accès s’il n’était pas en mesure de occuper d’eux de manière
adéquate. »
Pour aider à restaurer la confiance dans le programme DDR et
s’assurer que des conditions essentielles sont respectées, Human Rights Watch a
exhorté la mission de maintien de la paix des Nations Unies en RD Congo, la
MONUSCO, à jouer un rôle plus actif dans le programme en agissant comme garant
du processus. La mission devrait assurer une supervision conjointe avec le
gouvernement, aider à faire respecter les droits humains et surveiller
l’utilisation des fonds, a expliqué Human Rights Watch. Dans le cadre de son
mandat de protection des civils, la MONUSCO devrait aussi intervenir rapidement
pour contribuer à protéger les personnes à risque dans le camp de Kotakoli.
Le 11 septembre, le chef de la MONUSCO, Martin Kobler, a
visité le camp de Kotakoli pour se rendre compte des conditions de vie sur
place. Cependant, selon les anciens combattants interrogés par Human Rights
Watch, il n’a pas eu l’opportunité de voir la réalité de leur vie dans le camp.
« La commission
gouvernementale enquêtant sur le camp de Kotakoli devrait fournir un rapport
impartial et exhaustif à l’armée, qui devrait alors ouvrir des enquêtes et
poursuivre les responsables des décès dans le camp », a conclu Ida
Sawyer. « Un renforcement du rôle
de la mission de maintien de la paix des Nations Unies dans la démobilisation
et la réintégration des anciens combattants aiderait à empêcher la répétition
de tels événements tragiques, et encouragerait les autres groupes armés qui
peuvent être désormais réticents à se rendre. »
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