Le mois de juillet 2018 a été marqué des violentes
provocations interétatiques autour du Lac Edouard, frontalier avec l’Ouganda.
En plus des violences continues ailleurs dans les Kivus, on a aussi constaté
l’apparition de deux nouveaux chefs de guerre : Jules Vwiranda en territoire de
Beni (Nord-Kivu) et Kadaradara en territoire de Kalehe (Sud-Kivu).
À Beni, le territoire le plus meurtrier des Kivu au cours
de ce mois, 33 morts violentes de civils ont été recensées. La nouveauté du
mois de juillet a sans doute été l’éclosion de conflits entre l’Ouganda et la
RDC, ayant entrainé quelques escarmouches particulièrement violentes entre les
armées des deux pays au début du mois. Le 4 juillet, des marins ougandais ont
arrêté et conduit à Rwashama, en Ouganda, 53 pêcheurs congolais de Kasindi-port
et saisi 18 pirogues, au motif qu’ils auraient violé les frontières lacustres
et pêché clandestinement sur le territoire ougandais.
Le lendemain, une altercation entre une patrouille
congolaise mixte (forces navales et forces terrestres) et l’armée ougandaise a
entrainé la mort de trois militaires de la force navale ougandaise et de trois
pêcheurs ougandais à l’extrême nord du Lac Edouard, entre les rivières Semuliki
et Lubiriha, près du village de Muhiya.
Le 6 juillet, des pirogues appartenant aux pécheurs
congolais ont été retrouvées flottantes sans aucune présence humaine avec des
traces de sang sur certaines. Environ 12 pêcheurs congolais ont été tués et
plus de 90 arrêtés en Ouganda, selon un rapport dressé le 7 juillet par le
ministre de pêche et élevage sur les opérations menées par des militaires
ougandais sur le Lac Edouard la nuit du 6 au 7 juillet.
Le conflit est visiblement dû à l’absence de délimitation
claire de la frontière lacustre, à une diminution de ressources halieutiques à
la suite de la croissance démographique aux alentours du lac et à une absence
de rigueur dans la règlementation de la pêche du côté congolais, où le lac se trouve
entièrement dans le Parc de Virunga. Le nombre de bateaux de pêche y est passé
des 700 prévus à 1.400.
Les tentatives menées par le gouvernement congolais
auprès du gouvernement ougandais pour faire libérer les congolais détenus en
Ouganda ont jusqu’ici été vaines. Il faut aussi signaler l’installation dans
les plateaux situés à l’est de l’axe routier Beni- Butembo d’un nouveau groupe
armé dirigé par un chef du nom de Jules Vwiranda. Le territoire de Lubero a
connu une longue accalmie depuis la débandade du groupe armé Mai-Mai Kilalo à
Kipese et son déguerpissement vers le territoire de Beni : un seul affrontement
a été recensé en juillet, opposant les Mai-Mai Mazembe aux Forces Armées de la
République démocratique du Congo (FARDC).
Les positions des Mai-Mai Mazembe, le groupe armé le plus
puissant du territoire, sont restées stables : la dissidence créée le mois
passé par Justin (Mai-Mai Yira) a été éphémère, le groupe étant redevenu uni
pendant le mois de juillet. Cependant, vers la fin du mois, les kidnappings ont
refait surface sur les tronçons Kirumba-Kaseghe, Kikuvo-Kirumba,
Kirumba-Kanyabayonga et Lubero-Kasugho.
Dans le territoire de Rutshuru, il y a eu des
affrontements entre groupes armés, essentiellement entre Nyatura Domi (alliés
aux Forces Démocratiques pour la Libération du Rwanda-Forces Combattantes
Abacunguzi, FDLR-FOCA) et les FARDC ou Mai-Mai Mazembe. Le territoire a
également connu un grand nombre de kidnappings, suivis systématiquement de la
libération des otages quand une rançon était payée.
L’identité du groupe responsable des kidnappings était
dans la majorité des cas inconnue, sauf pour un cas où les FDLR – Ralliement
pour l’Unité et la Démocratie (RUD) ont été clairement identifiés.
En territoire de Masisi, le mois de juillet a été marqué
par les affrontements entre le Nduma Defence of Congo-Rénové (NDC-R) et
l’Alliance des Patriotes pour un Congo Libre et Souverain (APCLS). Le NDC-R a
réussi à se coaliser avec une dissidence de l’APCLS (le Groupe Mapenzi, appelé
aussi Lola Hale) pour combattre l’APCLS.
Contrairement au mois de juin, aucune attaque sur les
cheptels n’a eu lieu. En territoire de Walikale, les pillages ont été nombreux.
Les groupes armés Guides-MAC et les Kifuafua Shalio ont été identifiés comme
acteurs de deux pillages, tandis que les auteurs de deux autres incidents de
pillages n’ont pas pu être identifiés. Quant aux affrontements armés, la dynamique
ou coalition en cours en territoire de Masisi a, comme depuis avril-mai 2018,
un prolongement en territoire de Walikale : la coalition NDC-R & Groupe
Mapenzi (dissident de l’APCLS) s’est confrontée avec l’APCLS (considéré comme
allié au NDC Sheka de Mandaima) au moins une fois à Kilambo le 8 juillet.
En territoire de Kalehe, les exactions des groupes armés
sur les civils ont diminué du côté ouest (Bunyakiri) par rapport au mois de mai
et de juin, mais un nouveau groupe armé, nommé Raia Mutomboki Kadaradara, y a
vu le jour dans le groupement de Mushunguti en réaction aux attaques des
Nyatura.
Du côté du littoral, il y a eu de nombreux cas de
banditisme à main armée. Le 10 juillet, des troupes FARDC, qui venaient
participer de nuit à ce banditisme en partant de Goma, ont croisé le feu avec
d’autres troupes FARDC basées à Kalehe sur le Lac Kivu pendant une opération de
braquage de bateaux. L’Ile d’Idjwi était relativement calme, mais un cas de
violence policière sur un civil y a été documenté à la suite d’une dispute.
Dans le complexe Kabare-Bukavu-Walungu, l’opération
Tujikinge (traque des bandits armés initiée par le gouvernement provincial
depuis un semestre) a atteint ses limites, au regard du volume des actes de
banditisme urbain et périurbain. A Bukavu par exemple, à part une opération
d’assainissement ou de dégagement des rues qui a dégénéré en violence entre
policiers et civils au quartier Dendere le 8 juillet, toutes les autres
violences (6) étaient dues au banditisme urbain à main armée et incluent autant
les vols ou pillages à main armée de maisons ou de structures sanitaires que
les blessures infligées aux victimes pendant ces opérations.
Le territoire de Walungu a connu deux cas de ce genre le
11 juillet (une structure sanitaire saccagée et où une femme a été violée
pendant le pillage) et le 13 juillet (deux habitations). Le territoire de
Kabare a connu deux cas aussi, dont une structure sanitaire (à Lurhala le 12
juillet) et une maison (à Kabamba le 24 juillet).
Des soldats FARDC s’y sont aussi entretués, au village de
Miti le 14 juillet, pendant qu’un groupe inconnu attaquait la position FARDC à
Chishado. En territoire de Shabunda, le pillage de villages (Nyombe 3 juillet),
des carrières minières (Tumpyempye 17 juillet) ou de passagers (Ngolombe 14
juillet) par de groupes armés ont dominé le paysage de la violence. À deux
occasions, les groupes armés pillards se sont affrontés aux FARDC pendant leurs
incursions : les Raia Mutomboki Kikwama et Kazimoto au village de Byunda le 17
juillet, les Mai-Mai Malaika et les Raia Mutomboki Makindu au village de
Chabene le 12 juillet.
En territoire d’Uvira, les violences dues à la crise de
cohabitation entre les soi-disant autochtones (Fuliiru, Bembe, Nyindu) et les
Banyamulenge considérés comme allochtones, à Bijombo dans les franges est de la
forêt d’Itombwe ont beaucoup baissé en intensité durant le mois de juillet. Un
seul acte de provocation de ce genre a eu lieu plus nord et s’est soldé par le
meurtre d’une femme et l’incendie du village de Nyambindu par les Twiganeho le
24 juillet.
L’escalade qui pouvait être crainte le mois passé n’a pas
eu lieu. Toutefois, les kidnappings se sont multipliés (11 cas) dans la pleine
de la Ruzizi (Sange, Mutarule, Rubanga, Lemera, Kiliba, jusqu’en cité d’Uvira)
et ont touché plusieurs catégories socioprofessionnelles (des simples citoyens
aux agents de grandes entreprises comme la sucrerie de Kiliba, en passant par
les directeurs d’écoles primaires, les pasteurs d’églises et éleveurs). Des
passagers de bus y sont tombés aussi dans des embuscades tendues par des
groupes armés.
Il faut enfin signaler que les RED-Tabara ont renforcé
leur présence sur les crêtes des hauts plateaux de Lemera, tandis qu’une
traversée de taille des rebelles burundais des Forces Nationales de Libération
(FNL) s’est observée vers le territoire congolais, accompagné d’ailleurs d’une
attaque de bus dans la pleine.
En territoire de Fizi, les incidents sécuritaires ont
visiblement diminué, en partie grâce aux opérations des FARDC dans les moyens
plateaux de Lusambo (en Secteur Tanganyika) pour traquer les Raia Mutomboki
Bishambuke (faction sud), même si ces opérations ont entrainé un grand
déplacement des populations de Makyala, Etundu et Lusololo les 22 et 23
juillet. Toutefois, en secteur de Lulenge plus au sud, trois cas de vol de
vaches, attribués aux Mai-Mai Aoci, ont été rapportés les 21, 27 et le 31
juillet. Pour le tout dernier cas, les bergers en quête de leurs vaches ont
croisé un jeune agriculteur dans un champ au village Kayumba et l’ont blessé
par balle.
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