1. Réunis à Kinshasa, du 19 au 20 octobre 2016, Nous,
Cardinal, Archevêques et Évêques, Membres du Comité de suivi du processus
électoral de la Conférence Episcopale Nationale du Congo (CENCO), nous sommes
penchés sur des questions urgentes d’actualité, notamment le dialogue national
convoqué par le Président de la République pour dénouer la crise
socio-politique qui mine notre pays, et sur la situation sécuritaire. Ces
questions ont été abordées dans l’Accord politique pour l’organisation
d’élections apaisées, crédibles et transparentes en République Démocratiques du
Congo (18 octobre 2016) et le Rapport final des travaux du conclave du
Rassemblement des forces politiques et sociales acquises au changement (4
octobre 2016).
Du dialogue national
2. Depuis 2012, la CENCO n’a cessé d’exhorter les
acteurs politiques congolais au dialogue comme voie royale de sortie pacifique
de crise. La tenue du dialogue de la Cité de l’Union Africaine (UA) qui a pris
fin le 18 octobre 2016 s’est inscrite dans cette dynamique. Bien que la CENCO y
ait suspendu sa participation pour manque d’inclusivité, elle en a cependant
encouragé la poursuite des travaux en faisant des recommandations par souci du
respect de la Constitution et en vue d’un large consensus. Nous prenons acte des
résolutions issues de ces assises qui peuvent contribuer au dénouement de la
crise.
3. Malgré la tenue de ce dialogue, nous sommes
peinés de constater qu’à deux mois de la fin du mandat constitutionnel de
l’actuel Président de la République, les acteurs politiques ne réussissent
pas encore à se mettre d’accord pour trouver des solutions pacifiques et
consensuelles à la crise socio-politique qui prend des proportions de plus
en plus inquiétantes et qui risque de plonger notre pays dans le chaos.
4. Pourtant, il y a des points de convergence à
prendre en compte dans la recherche d’une sortie de crise pacifique tant
attendue par notre peuple :
1° Aussi bien les Participants au
dialogue que le Rassemblement de l’Opposition sont conscients de la dégradation
de la situation socio-politique et sécuritaire qui appelle des réponses
urgentes ;
2° Les uns et les autres jurent par
le respect absolu de la Constitution et sont d’accord sur la nécessité d’un
large consensus afin d’aboutir à l’organisation des élections libres,
transparentes et apaisées ;
3° Tous les protagonistes
reconnaissent qu’il est matériellement difficile d’organiser ces élections
avant la fin de l’année 2016 et, de fait, ils acceptent une période de
transition.
5. Par ailleurs, nous sommes préoccupés par des
grandes divergences entre les différentes parties au risque de dégénérer en une
confrontation violente. Il s’agit principalement :
1° de la durée de la période
transitoire ;
2° de l’exercice du pouvoir pendant
cette transition non prévue par la Constitution ;
3° du couplage des élections
(présidentielles, législatives et provinciales).
Il s’avère urgent et nécessaire pour
toutes les parties de se retrouver dans un cadre à convenir en vue d’aplanir
les divergences pour l’intérêt supérieur de la Nation.
6. En outre, le lundi 17 octobre 2016, seulement cinq
juges sur neuf de la Cour Constitutionnelle ont siégé pour répondre à la
requête de la CENI de reporter les élections. Nous sommes étonnés de constater
que, la plus haute juridiction de notre pays, ait statué sur une matière aussi
importante, sans que le quorum qui est de 7 juges ne soit atteint. Il y a de
quoi s’interroger sur cette procédure.
7. Au regard des solutions préconisées par les
différentes parties, nous tenons à attirer l’attention de l’opinion tant
nationale qu’internationale sur des points suivants :
1° Mettre en œuvre tous les moyens
afin de réduire la période transitoire pour qu’elle ne dépasse pas l’année
2017 ;
2° Les recommandations
visant l’exécution systématique des attributions du Parlement, du
Gouvernement et de la CENI dans le processus électoral devront être formulées
en termes précis, contraignants et péremptoires ;
3° Outre ses charges
régaliennes, le Gouvernement de transition à constituer devra avoir comme priorité :
organiser les élections, garantir le respect des libertés fondamentales,
dont la liberté d’expression, rétablir l’autorité de l’Etat sur toute l’étendue
du territoire national et améliorer la vie sociale de la population.
4° Dans le contexte qui est le
nôtre, il est impérieux qu’il soit clairement mentionné dans le consensus à
trouver que l’actuel Président de la République ne se représentera pas pour un
troisième mandat, conformément à l’Article 220 de la Constitution ;
5° Pour plus de garantie et de
crédibilité de la mise en œuvre des recommandations du consensus à trouver, il
est nécessaire que le Comité de suivi soit renforcé par une présence active des
Nations Unies.
De la situation sécuritaire
8. Nous sommes
préoccupés par la situation politique et inquiets par des informations faisant
état de l’insécurité dans plusieurs endroits à travers notre pays : les
massacres à répétition au Nord-Kivu, en particulier dans la Ville et Territoire
de Beni, et ce, en dépit des cris d’alarme ; les tueries au Kasai-Central
dues aux affrontements entre les forces de l’ordre et les miliciens du Chef
coutumier Kamuina-Nsapu ; les conflits intercommunautaires entraînant mort
d’hommes dans plusieurs provinces, notamment au Katanga ; les tristes
événements des 19 et 20 septembre 2016 à Kinshasa et la recrudescence du
banditisme. A cela s’ajoutent la porosité des frontières, l’installation des
rebelles sud-soudanais par la MONUSCO dans le Territoire de Nyiragongo (Goma),
les vagues migratoires incontrôlées dans l’Est, la résurgence de groupes
d’auto-défense, la menace du Gouvernement ougandais accusant la RD Congo
d’héberger des terroristes au Nord-Kivu et les attaques des paroisses et de
certaines communautés religieuses, notamment à Kinshasa, à Kananga et à Bukavu.
9. Nous déplorons cette situation
inacceptable. Nous condamnons toute violence d’où qu’elle vienne et nous
réitérons nos sentiments de compassion à l’égard des victimes innocentes et les
assurons de nos prières. Nous en appelons au Gouvernement congolais de prendre
davantage la mesure de cette tragédie, notamment par l’ouverture d’une enquête
indépendante, afin d’établir les responsabilités. Nous rappelons également à la
MONUSCO de protéger davantage les populations civiles. Nous prenons acte
du fait que le Chef Maï-Maï, Mutanga Gédéon et une centaine de ses compagnons
aient rendu les armes pour la paix, et nous demandons que justice soit faite
pour les centaines de victimes de leurs exactions.
Conclusion
10. Face à la gravité de la crise
socio-politique et sécuritaire dans notre pays, nous exhortons les acteurs
politiques à prendre de la hauteur en renonçant aux intérêts partisans, afin de
rechercher la paix par un large consensus en tenant compte des aspirations de
la population.
11. En ce moment critique de l’histoire de notre pays,
nous invitons le Peuple congolais à tenir bon et à se tourner vers le
Seigneur notre Dieu pour implorer la grâce de la paix. A cet effet, une
prière pour la paix sera organisée dans toutes les paroisses à travers nos
diocèses, le 20 novembre 2016, en la Solennité du Christ Roi de l’univers, à
l’occasion de la clôture de l’Année Sainte du Jubilé extraordinaire de la
Miséricorde. Par ailleurs, nous encourageons tous nos compatriotes à demeurer
vigilants au respect de la vie humaine, de la Constitution et de l’ordre
social, notamment les institutions et symboles de l’Etat, sans
céder ni à la manipulation ni à la violence.
12. Nous confions
la réussite du processus électoral et l’avenir de notre pays à l’intercession
maternelle de la Sainte Vierge Marie, Notre Dame du Congo, Reine de la paix. Que Dieu prenne en grâce notre peuple et bénisse notre
beau pays (cf. Ps 66) !
Kinshasa, le 20 octobre 2016.
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