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lundi 6 octobre 2025

Haut-Katanga : Une organisation de la société civile dénonce la spoliation foncière à Kashimbala

L’Institut de recherche en droits humains (IRDH) exhorte la Première ministre de la République Démocratique du Congo (RDC), Madame Judith Suminwa Tuluka, à prendre des mesures urgentes, pour mettre un terme aux actes d’extorsion de parcelles perpétrés avec la complicité manifeste des autorités civiles et militaires. L’IRDH juge inadmissible que même l’établissement public, l’Institut National pour la Recherche Agronomique de Kipopo (INERA Kipopo), soit autant malmené que des simples citoyens, par un individu se présentant avec des militaires, en violation du droit à la propriété privée.

Dans le lotissement de Kashimbala, situé dans le village du même nom, au sein du groupement Inakiluba, Chefferie Kaponda, Territoire de Kipushi, de nombreux propriétaires fonciers sont empêchés d’exercer leurs droits de jouissance. Qu’il s’agisse de construire, d’occuper ou d’exploiter leurs terrains, ces personnes sont, soit expulsées par des éléments des Forces armées de la République Démocratique du Congo (FARDC), soit dépossédées au profit des autorités et des tiers. L’opération s’étend sur une superficie de plus de 8.000 hectares et touche plus de 10.000 parcelles, y compris la concession de l’INERA.

Elle est menée par Freddy Kasongo Lumbala, qui revendique 3.800 hectares d’une emphytéose de 25 ans (PC 707) qui serait concédée à son grand-père, en 1983. Des anomalies. Les victimes de spoliation relèvent une série d’anomalies qui les poussent à croire qu’il y aurait une complicité des autorités, en échange des parcelles extorquées.

La réclamation de 3.800 hectares apparaît imprécise et non délimitée. Le titre foncier brandi ne spécifie pas les bornes de la concession revendiquée. Une indication vague suggérant que celle-ci débuterait à 10 kilomètres du centre-ville de Lubumbashi dans la province de la Tshopo, sur la Route Kipopo. Or, cette distance correspond, soit au Bureau de Quartier « La Voix » (à vol d’oiseau), soit à la Route du Contournement/Poids Lourds (par voie routière). Plus préoccupant, le terrain extorqué se trouve au-delà de 25 kilomètres de Lubumbashi et s’étend sur plus de 8.000 hectares, soit plus du double de la superficie revendiquée.

INERA : Historique éloquente

Le domaine de l’INERA remis en cause, abrite des bâtiments administratifs et résidentiels, construits depuis 1935. Il héberge plus de 100 ingénieurs et agents ; 208 étangs datant de 1940 et une foresterie servant à la recherche sur des légumineuses, céréales, tubercules et gestion des ressources naturelles.

L’INERA a été créé par l’arrêté royal du 3 décembre 1926, instituant la station forestière expérimentale de la Régie des Plantations de la Colonie (REPCO). Le 22 décembre 1933, cette entité fut transformée en Institut National pour l’Étude Agronomique du Congo belge (INEAC). Depuis le 31 décembre 1962, il est devenu l’Institut National pour la Recherche Agronomique (INERA). Jamais désaffecté, le domaine de 1.219 hectares est couvert par trois contrats d’emphytéoses : CE 1378, CE 1380 et CE 1382.

 Des victimes sélectionnées

Les personnes lésées par les agissements de Freddy Kasongo et ses complices peuvent être classées en trois catégories distinctes. Les citoyens vulnérables, expulsés avec le concours des FARDC, puis dépossédés de leurs parcelles que Freddy Kasongo revend à des tiers. La catégorie de ceux qui tentent de résister à l’expropriation. Leurs terrains sont attribués aux autorités civiles ou militaires, en guise de récompense pour leur complicité.

Enfin, la troisième catégorie comprend des individus que Freddy Kasongo choisit délibérément d’éviter, par crainte de représailles ou d’ennuis sérieux, en raison de leur statut, de leur influence ou de leur capacité à se défendre. De nouveaux propriétaires sont des autorités. À titre illustratif, l’administration locale de l’INERA est dissuadée d’intervenir sur son domaine, en raison de la présence militaire et des pancartes portant des mentions intimidantes telles que : « Conseil d’État », « Concession occupée par les magistrats », « DGM » ou « Chefferie Kaponda ».

Devant la parcelle sous PC 44583, appartenant à Mriya Mbayo, une pancarte porte l’inscription : « Concession privée, Honorable députée Prudence Kabange ». La concession Kabongo, enregistrée sous PC 4865, est envahie par des gens sans titres, prétextant avoir acheté à la famille du Chef Kashimbala ou à des militaires.

En raison de cette implication militaire dans le conflit foncier, certaines victimes, dont Patrick Bukasa Shabanza, ont dénoncé les actes de Freddy Kasongo à l’Auditorat Militaire de Garnison de Lubumbashi, pour occupation illégale et incitation de militaires à commettre des actes contraires à leurs obligations et à la discipline militaire.

Dans le cadre de l’instruction, l’Auditeur militaire a requis l’expertise du Conservateur des titres immobiliers de la circonscription foncière de Kipushi-Nord qui a rendu son avis technique, le 13 août 2025, en deux points. Les références figurant sur le contrat d’emphytéose de Freddy Kasongo, NADD8/0452445 (PC 707) du 08 novembre 1983, ne relèvent pas de la circonscription foncière de Kipushi-Nord. Le contrat d’occupation provisoire numéro HK/OP 001547 du 26/11/2013, portant le numéro PC 4865, est réellement situé au lotissement Kashimbala, Territoire de Kipushi, enregistré au nom de Kabongo A Kabongo.

En somme, l’IRDH note que la concession revendiquée par Freddy Kasongo, sous PC 707, n’a pas de localisation précise ni de délimitation formelle. Elle n’est non plus répertoriée dans la circonscription foncière de Kipushi Nord où se trouve le lotissement querellé. De même, qu’il n’y a aucune trace de la DGM, ni du Conseil d’Etat.

La zone visée, de plus de 8.000 hectares, couvre des parcelles légalement attribuées à des tiers et répertoriées au service de cadastre foncier, y compris l’entité publique, INERA Kipopo. La confusion, l’inexactitude, le doute, l’imprécision et l’illisibilité de la situation géographique de la concession réclamée par Freddy Kasongo, rend toute reconnaissance juridique impossible.

En décembre 2024, le ministre d’Etat en charge de la Justice avait instruit de déguerpir tout militaire qui occuperait illégalement ces propriétés privées. Et, le 4 juin 2025, celui de la recherche scientifique, Gilbert Kabanda, avait adressé une la lettre de dénonciation officielle, à Madame la Première ministre.

Au regard de tout ce qui précède, l’IRDH invite la Cheffe du Gouvernement à restaurer l’autorité de l’Etat, réhabiliter les victimes dans leurs droits et réprimer les autorités du Haut-Katanga qui seraient coupables ou complices de l’extorsion ainsi dénoncée.

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