Voici la pétition que les cheminots ont adressée au
président de la République, Félix-Antoine Tshisekedi :
L’occasion faisant le larron, c’est avec empressement et
le cœur plein d’espoir que nous, cheminots de la Société des Chemins de Fer
Uélé-Fleuve, SCFUF S.A., saluons votre accession à la Magistrature suprême de
notre pays. Que Dieu, Le Tout Puissant, daigne vous combler de sagesse comme Salomon
pour guider vos actions pour la réussite totale dans l’accomplissement de votre
projet de Société pour la République Démocratique du Congo si bien résumé dans votre discours d’investiture
le 24 Janvier 2019, car vous avez à prendre le taureau par les cornes en joignant
vos paroles aux actes !
Sous l’empire des articles 27, 36 de la Constitution de
la République Démocratique du Congo et 23 de la Déclaration Universelle des
Droits de l’Homme, grâce nous est donnée de vous adresser la présente pétition ouverte
concernant la Société des Chemins de Fer Uélé-Fleuve, S.C.F.U.F.
En effet, en scrutant votre discours d’investiture, nous avons
retenu certaines de vos déclarations qui concourent à mettre fin au désastre
que connaît la Société des Chemins de Fer Uélé-Fleuve depuis trois décennies, nous
citons : « Nous appelons les détenteurs de l’autorité, à tous les échelons de
notre pays, au respect strict et infaillible des droits des personnes et de
leurs biens conformément à la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, en
leur demandant de réaliser leur mission dans le cadre légal », « … le Congo
doit consacrer 6 milliards de dollars annuellement sur dix ans aux
infrastructures … », « Ces infrastructures, base de notre développement, sont
nécessaires pour garantir la reconquête de notre économie, particulièrement les
infrastructures routières, les ports, les aéroports … » Et l’une de vos
priorités est la «… lutte efficace et déterminée contre la corruption et les
antivaleurs notamment l’impunité la mauvaise gouvernance, le tribalisme et
autres ».
Malheureusement, en citant les infrastructures de base, vous
avez omis l’une d’elle, à savoir, les chemins de fer ! Norton Stanley n’a-t-il
pas dit : « Sans chemins de fer, le Congo ne vaut pas un penny » ?
Heureusement, par ailleurs dans le même discours de votre
investiture, vous avez dit : « Les défis que nous devons mener sont nombreux.
Aucun secteur n’échappe à une véritable politique d’urgence ». Ainsi, nous avons
bon espoir que vous accorderez une attention particulière à la Société des Chemins
de Fer Uélé-Fleuve qui attend réhabilitation et modernisation.
Il est à noter que dans le cadre du projet régional « Le Corridor
Nord » où la République Démocratique du Congo est partie prenante, les Chemins
de Fer Uélé-Fleuve doivent être interconnectés aux chemins de fer du Soudan du Sud,
de l’Ouganda et du Kenya.
1. Préambule
La Société des Chemins de Fer Uélé-Fleuve, « SCFU-F » en sigle,
Société commerciale du Porte Feuille de l’Etat, épine dorsale en puissance de l’économie
de la République Démocratique du Congo avec un réseau ferroviaire de 1.026 kilomètres de voie ferrée, est, à
l’instar de tous les autres chemins de fer du monde, l’une des infrastructures de
base par excellence pour le désenclavement des provinces agricoles de la partie
Nord-Est de notre pays qu’ elle a vocation de desservir.
Mais hélas, cet outil de développement, jadis performant,
est au jour d’aujourd’hui essoufflé, abandonné et perdu en pleine forêt équatoriale
et dans la grande savane du plateau des Uélés à cause de l’absence totale d’investissement
de la part de l’Etat Congolais.
Bref historique
1. Société Vicicongo
La société « Vicicongo », Société des Chemins de Fer Vicinaux
du Congo, a été créée au mois de Mai 1924. Dès ses débuts, elle a exploité un réseau mixte de transports.
C'est-à-dire, les chemins de fer, les routes et le port d’Aketi en vue d’assurer
le trafic des marchandises des contrées riveraines de son réseau. Les grands travaux de son implantation ont surtout eu
lieu entre 1924 et 1937.
1. Fusion
Dès 1967, les Autorités du pays ont initié le processus
de contrôle et de gestion de l’économie par le Gouvernement Zaïrois, et ont pris
les mesures de la zaïrianisation et de la radicalisation en 1973 pour que Les infrastructures efficaces de transports permettent la
croissance de l’économie du pays.
Par conséquent, diverses compagnies de transports ferroviaire,
routier, fluvial et lacustre furent regroupées pour atteindre cet objectif. La
Société Nationale des Chemins de Fer
Zaïrois, « SNCZ » en sigle, a ainsi vu le jour le 02 Décembre 1974 au
terme de l’Ordonnance Loi n°074/027 signée par le Président MOBUTU, fusionnant
les KDL, CFL et Vicizaïre, entreprise jusque-là fiable et viable.
1. Etat de chose
La région Nord, ex-VICIZAIRE, considérée par d’aucuns comme
réseau improductif et budgétivore, fut abandonnée en 1991. L’Etat Zaïrois, propriétaire
réorganisant la SNCZ, crée une nouvelle entreprise publique dénommée
SNCZ-Holding, renfermant en son sein les trois filiales suivantes :
- L’Office des Chemins de Fer du Sud, « OCS », chargé du réseau
Sud ;
- La Société des Chemins de Fer de l’Est, « SFE », chargé
du réseau Est ;
- L’Office des Chemins de Fer des Uélés, « CFU »,
actuelle SCFU-F, chargé du réseau Nord.
Cette formule ne connaîtra aucun succès et conduira le
CFU à la descente aux enfers entrainant aussi la faillite des plusieurs autres entreprises
des contrées desservies jadis par les CFU ; nous citons en titre exemplatif : «
BRACONGO à ISIRO », « SEP CONGO AKETI, BUTA, ISIRO, MUNGBERE », « COMUELE AKETI
», « SOCITURI ISIRO », « BELTEXCO ISIRO » pour ne citer que celles-là.
En 1995, toujours l’Etat Zaïrois, décide souverainement
de dissoudre d’abord la SNCZ-Holding et ses filiales par Décret n° 0044 du 07
Novembre 1995 et de créer ensuite deux nouvelles entreprises publiques
distinctes et autonomes :
- La SNCZ, actuelle SNCC, par Décret-loi numéro 0050 du 07
Novembre 1995 ;
- Le CFU, actuelle SCFU-F, par Décret-loi numéro 0052 du 07
Novembre 1995
.
1. Problématique
Le CFU, actuelle SCFU-F, mort-né et pierre rejetée des bâtisseurs,
ne disposent aujourd’hui que des matériels déclassés dont la vétusté, l’obsolescence
et le délabrement ne sont plus à démontrer :
Les vestiges des dernières locomotives qui ont desservi
le réseau SCFU-F.
De gauche à droite, Hitachi Nippon Sharyo, « HL 87 » de
32 tonnes de tare et Cockerill, « HL 72 » de 18 tonnes de tare au parc des
mitrailles à Bumba.
- Les récents wagons datent de 1939-1940 et les dernières
locomotives toutes déclassées sont de 1974.
Les décombres d’une caboose de service.
- L’absence totale d’investissement par l’Etat sur ce réseau
depuis 1974 constitue la cause principale de son déclin.
- Les 1026 kilomètres de voie ferrée d’un écartement de 670
millimètres sont tout simplement récupérés par la nature et les ouvrages d’art,
ponts et buses, bâtiments et locaux laissent à désirer.
- La destruction des certains biens de l’entreprise, le
vol des rails, traverses et autres matériels de la voie ferrée par des inciviques
ont pris des proportions de plus à plus inquiétantes.
La dégradation de la voie ferrée à BUMBA sur place. Et en
ligne qu’en est-il ?
- Dans l’ensemble, le réseau fait face au problème de végétation
qui est dense et exubérante dans cette région de forêt équatoriale avec une pluviométrie
au-dessus de 2.000 millimètres de précipitations moyennes annuelles.
- On observe l’ensablement de la plateforme de la voie ferrée
ainsi que la détérioration à certains endroits des traverses.
A Bumba, de gauche à droite, on voit le passage à niveau
de la poste et le passage à niveau de la prison centrale. Voilà le niveau de dégradation
de la voie ferrée en pleine agglomération.
Plus aucune circulation ferroviaire, alors l’on se permet
de se construire de quoi s’asseoir en pleine voie générale.
- La présence abondante des termites dans la région constitue
une contrainte majeure à la stabilité de la voie ferrée.
- Environs 6.000 kilomètres du réseau routier que desservait
la SCFU-F pour drainer les produits agricoles de l’hinterland vers la voie
ferrée, s’érigeant ainsi en véritable feederlines du réseau ferré et formant un
support indispensable à son exploitation, sont
aujourd’hui non exploités par manque de charroi automobile, sans oublier que
les routes sont dans un état de délabrement très avancé.
- La télécommunication, alors outil de base du trafic ferroviaire
est inexistante à la SCFU-F à cause de la vétusté et de l’obsolescence des équipements.
- Les ateliers de maintenance dont disposait la SCFU-F ne
font pas l’exception quant aux difficultés que connaît l’entreprise. Certaines unités
de production de ces ateliers, héritages de VICICONGO, ont été affectées et transférées,
pendant l’unification, dans les réseaux jugés, on ne sait trop pour quelles
raisons, plus rentables.
- La mise à sac par les soldats fuyards lors de deux guerres
qui ont endeuillé le pays des matériels des ateliers d’ISIRO, AKETI et BUMBA
n’a fait qu’exacerber la situation de la SCFU-F.
- C’est en Décembre 1994 que le dernier train a circulé avec
HL 87 d’Isiro à Bumba. En 1996, grâce l’ingéniosité et à l’esprit d’initiative
des cheminots à Bumba, deux camions-rail ont été montés et ont desservi Bumba-Buta
jusqu’à 1998.
Le camion-rail 373 en ligne entre Bumba et Aketi, la nécessité
oblige !
- Au terme de la réforme du secteur de transport ferroviaire
intervenue en 1991, la gestion du Port de Bumba a été confiée par Ordonnance
Loi 91/039 du 03 Avril 1991 à l’Office des Chemins de Fer des Uélés, actuelle
SCFU-F.
Cependant, ce Port se trouve aujourd’hui confronté à bon nombre de problèmes graves tels que :
1. La concurrence déloyale, d’où plus d’accostage dans ce
Port pourtant port public,
2. L’érosion galopante qui attaque son quai, Au port
SCFUF de Bumba, les pieds de la 2ème grue attaqués par l’érosion.
1. L’obsolescence des deux grues de marque DEMAG de ce
port,
1. L’absence d’engin de manutention, d’une source d’énergie
pour alimenter ces grues et d’une grue flottante pour toute éventualité,
2. L’insuffisance d’aire de stockage bétonné.
- Certains biens immobiliers de l’entreprise ont été
bradés par ci par là.
Vues des entrepôts de transit de Bumba dont les tôles
sont volées en partie.
- Comme si cela ne suffisait pas encore et contre toute attente,
la gestion calamiteuse axée sur la vente confisquée des mitrailles, ne profitant
qu’à l’l’actuel Comité de Gestion et à la petite poignée d’invétérés
thuriféraires, n’a fait que plonger la Société dans la profondeur de l’abîme :
une gabegie éhontée à peine voilée !
- La situation de plus ou moins 3.000 agents et familles
de la SCFU-F est piteuse. Pas de salaires, ni soins médicaux depuis 1992.
Les cheminots de la SCFU-F et leurs familles sont
abandonnés à leur triste sort. La plupart d’agents se sont résignés aux travaux
champêtres, d’autres ne sachant pas s’accrocher au rythme, ont succombé, fatigués
d’attendre sans espoir leurs arriérés salariaux. Ceux ayant atteint l’âge de retraite
ne sont pas mis en retraite faute de financement.
C’est donc un personnel désabusé, forcé au chômage et qui
croupit dans une misère qui ne dit pas son nom.
Au camp des travailleurs à Bumba, de gauche à droite, un Inspecteur
de la police ferroviaire et son épouse vendent de petits articles alimentaires pour
survivre et ce chauffeur, 70 ans d’âge et 50 ans de service, vend de charbon de
bois en attendant sa mise en retraite hypothétique !
Dans l’attente des décomptes finals des défunts maris,
les veuves frient le manioc et distillent l’alcool pour vendre !
- Le tableau d’activités de la SCFU-F est sombre et alarmant.
Tous les indicateurs sont au rouge.
D’où le cri d’au secours des Cheminots de cette
entreprise.
Le trafic ferroviaire est totalement inexistant, faute de
locomotive et de wagon. Tout est donc à refaire.
Il est important de signaler qu’au-delà de tout,
certaines autorités publiques mal intentionnées de notre pays ne jurent que par
la liquidation pure et simple de la SCFUF tombée en disgrâce hélas ! Cela dépasse
tout entendement quand on sait que la SCFUF est une infrastructure de base du développement
intégral d’un pays vaste comme le nôtre et fait partie du projet « Le corridor
Nord ».
1. Requête
Son Excellence Monsieur Le Président de la République, Eu
égard à ce qui précède, nous, agents, veuves et familles des cheminots de la
SCFU-F, profitant de votre ferme détermination à rétablir l’Etat de droits et
conscient de votre volonté de placer l’homme au centre de vos priorités, tel
que promu dans votre discours d’investiture, vous demandons :
1. De venir visiter la SCFUF à BUMBA, à AKETI et à ISIRO pour
vous rendre personnellement compte de ce qui s’y passe.
2. De bien vouloir vous impliquer personnellement pour la
reconstruction et la modernisation de la SCFU-F y compris son port de Bumba
pour les apprêter à intégrer le projet du « Corridor Nord ».
3. De diligenter un audit externe de la gestion de
l’actuel Comité de Gestion et de faire restituer à la SCFUF ses biens immeubles
à GOMA et à BUNIA, illicitement vendus par certains mandataires véreux pour
s’enrichir sans cause, confisqués à Kinshasa par la Force Navale à Ndolo,
occupés anarchiquement et de force à ISIRO par l’Exécutif Provincial du
Haut-Uélé sans oublier ceux sur lesquels l’on a fait main basse comme l’hôtel Monganzulu
à BUTA et l’hôtel Oasis à WATSA.
4. De limoger le Directeur Général ai., Monsieur Jean ENYANGE
MA NDOBO et son Comité de Gestion, et le cas échéant, diligenter leur poursuite
judiciaire pour ainsi mettre fin aux douze longues et douloureuses années de
gestion calamiteuse caractérisée par :
- Le népotisme et les intimidations ;
- L’arbitraire et le harcèlement assortis de mutations punitives
de certains agents à l’esprit orthodoxe;
- La destruction et vente illicite des certains biens mobiliers
et immobiliers de la SCFU-F à des fins d’enrichissement sans cause, dépouillant
ainsi sans vergogne cette dernière de ses poules aux œufs d’or ;
- Le clientélisme ;
- La coterie et la confiscation de l’information relative
à la SCFUF.
1. De faire jouir la SCFU-F de sa part de partage de patrimoine
issue de la liquidation de la SNCZ-holding non encore finalisée à ce jour malheureusement
;
2. D’inscrire la relance de la SCFU-F sur la liste de
votre plan d’urgence étant donné que la souffrance des agents de cette entreprise
a franchi le seuil du tolérable.
Dans l’espoir que vous examinerez et prendrez en compte notre
pétition avec diligence, nous vous prions d’agréer, Monsieur Le Président de la
République Démocratique du Congo, l’expression de notre haute considération auréolée
de notre esprit patriotique.
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