Une des questions qui
font débat aujourd'hui en RDC est de celle de savoir si la subornation des
témoins fait partie de la corruption, est un acte de corruption, voire une
infraction de corruption.
Entant que professeur de
droit pénal, cette reflexion se présente en deux parties :
- la première partir
porte sur la réponse que le code pénal congolais apporte à la question posée;
- la deuxième partie sera
consacrée à la réponse de donnée par les traités internationaux à la même
question.
Première partie :
Dispositions du code pénal congolais relatives à la subornation des témoins et
à la corruption.
Suite à des dispositions
du code pénal congolais peut difficilement asseoir la conviction de corruption
ou rentrerait dans la définition de celle-ci.
En effet, le code
pénal congolais définit la corruption et les infractions voisines au titre 4
intitulée consacré aux infractions contre l'ordre public, dans la section 7
intitulée "De la corruption, des rémunérations illicites, du trafic
d'influence et des abstentions coupables des fonctionnaires.
Et dans ces textes, la
subornation des témoins n'apparaît pas. Elle fait plutôt d'une disposition du
titre 3 du code pénal, et celui-ci, en l'article 129 de la section 5, intitulée
" Du faux témoignage et du faux serment", est ainsi libellé :
*le coupable de
subornation de témoin est passible de la même peine que le faux témoin, selon
la distinction de l'article précédent*.
La distinction dont il
est question dans cette disposition renvoie à l'article 128 du code pénal.
Celui-ci détermine la
peine selon qu'il s'agit d'un faux témoignage simple (5 ans de SP) ou aggravé
par le sort du condamné à la servitude pénale à perpétuité.
Ainsi donc, au regard du
code pénal congolais, la subornation des témoins ne relève pas des dispositions
relatives à la corruption ou aux infractions voisines.
Deuxième partie : Les
traités internationaux aux relatives à la corruption ou comportant des
dispositions relatives à la corruption et la subornation des témoins.
Comme nous le savons
tous, le droit pénal positif congolais, ou encore, le droit pénal congolais en
vigueur, ne se limite aux dispositions du code pénal congolais, et, comme le
précise clairement la constitution du 18 février 2006 telle que révisée par la
loi constitutionnelle n"11/002 du 20/01/2011, en son article 153, alinéa
4:
*Les cours et tribunaux,
civils et militaires, appliquent les traités internationaux dûment ratifiés,
les lois, les actes réglementaires pour autant qu'ils soient conformes aux lois
ainsi que la coutume pour autant que celle-ci ne soir pas contraire à l'ordre
public ou aux bonnes mœurs*.
A partir de cette
disposition, nous pouvons constater que le constituant congolais a placé les
Traités internationaux dûment ratifiés à la première place des sources du droit
mises à la disposition du juge congolais, qu'il soit civil ou militaire, et
quelle que soit la matière considérée, pénale, civile, commerciale,
administrative ou sociale.
Bien plus, précise la
même constitution en son article 215:
*Les traités et accords
internationaux régulièrement conclus ont, dès leur publication, une autorité
supérieure à celle des lois, sous réserve pour chaque traité ou accord, de son
application par l'autre partie*
Dès lors, trois traités
internationaux, dûment ratifiés par la RDC, doivent être rappelés, car ils
concernant la question qui nous occupe au plus haut point:
1) la convention des
Nations unies de 2003, relative à la prévention et à la lutte contre la
corruption;
2) la convention de
l'Union Africaine du 11 juillet 2003 sur la prévention et la lutte contre la
corruption;
3) le traité de Rome
portant création de la cour pénal internationale.
La lecture de ces
traités internationaux, par ailleurs dûment ratifiés par la RDC, ne laisse
aucun doute possible quant à la subornation des témoins en tant qu'infiltration,
forme de corruption ou acte de corruption.
A cet effet, nous vous
proposons de les parcourir ensemble.
A La convention des
Nations Unies de 2003, relative à la prévention et à la lutte contre la
corruption.
La convention des
nations-unies de 2003, relative à la prévention et à la lutte contre la
corruption énumère les actes constitutifs de la corruption, et l'entrave au bon
fonctionnement de la justice y apparaît en bonne place:
*Chaque Etat partie
adopte les mesures législatives et autres nécessaires pour conférer le
caractère d'infiltration pénale, lorsque les actes ont été commis
intentionnellement*:
a) *Au fait de recourir à
la force physique, à des menaces ou à l'intimidation ou de promettre, d'offrir
ou d'accorder un avantage indu pour obtenir un faux témoignage ou empêcher un
témoignage ou la présentation d'éléments de preuve dans une procédure en
rapport avec la commission d'infractions établies conformément à la convention*
La lise en œuvre d'une
telle disposition par l'Etat congolais ne demande aucune initiative ou réforme
particulière dans la mesure où la subornation des témoins, qui est une entrave
à la justice, est déjà une infraction au code pénal, en son article 129, et que
toute autre formulation non prévue au code pénal est applicable par le juge
congolais, civil et militaire, du fait de la ratification de la convention et
des dispositions pertinentes de celle-ci.
A titre de rappel d'une
situation antérieure comparable, ce sont ces mêmes principes de mise en œuvre
qui ont permis aux juridictions militaires congolaises depuis l'entrée en
vigueur du statut de Rome, en 2002, de juger les crimes de guerre et les crimes
contre l'humanité conformément aux définitions et aux dispositions de ce
traité, alors qu'aucune loi de mise en œuvre en droit congolais n'avait été
prise.
Les lois de mise en œuvre
du statut de Rome ne sont intervenues partiellement que la Loi organique du 11
avril 2013 portant organisation et fonctionnement des juridictions de l'ordre
judiciaire et confèrent la compétence matérielle des crimes contre la paix et
La sécurité de l'humanité aux cours d'appel, et totalement par les lois du 31
décembre 2015 modifiant le code pénal, le code de procédure pénale et le code
pénal militaire, pour tenir compte des exigences du Traité de Rome.
B) La convention de
l'Union Africaine du 11 juillet 2003 sur la prévention et la lutte contre la
corruption
Notre code pénal tel
quel, révisé en 2005 dit que la corruption s'applique à toute personne
c'est-à-dire agent public ou privé en tant qu'auteurs ou bénéficiaires des
actes de corruption, celle-ci s'applique désormais à toute personne au sens de
la convention de l'Union Africaine.
De même, la convention
vise la corruption entendue comme "actes et pratiques, y compris les
infractions assimilés, prohibés par la présente convention".
Bien plus, l'article4,
alinéa de la même convention, en définissant le champ d'application de
celle-ci, ne se limite pas à l'agent public, et dispose qu'elle est notamment
applicable aux codes de corruption et infractions assimilées ci-après :
b) l'offre ou l'octroi à
un agent public ou à toute autre personne, de manière directe ou indirecte, de
tout bien ayant une valeur monétaire, ou de tout autre avantage, tel qu'un don,
une faveur, une promesse ou un profit pour lui-même ou pour une autre personne
ou entité, en échange de l'accomplissement ou de l'omission d'un acte dans l'exercice
de ses fonctions;...;
C) l'offre, le don, la sollicitation
ou l'acceptation, de manière directe ou indirecte, ou la promesse d'un avantage
non justifiée à une personne ou par une personne affirmant ou confirmant
qu'elle est en mesure d'influencer irrégulièrement la décision d'une personne
exerçant des fonctions dans le secteur public ou privé, en contrepartie de cet
avantage, que celui-ci soit destiné à elle-même ou à une autre personne, ainsi
que la demande, la réception ou l'acceptation de l'offre ou la promesse d'un
tel avantage, en contrepartie d'une telle influence, que celle-ci ait été ou
non déterminante pour obtenir un résultat escompté.
Quant à l'article 4,
alinéa 2, ceci dispose que la convention est également applicable, sous
réserve d'un accord mutuel à cet effet, entre deux ou plusieurs Etats parties à
cet accord, pour tout autre ou pratique de corruption et infractions assimilées
non décrit dans la présente convention.
Enfin, une référence au
droit comparé nous permet de comprendre la légitimité que les conventions
internationales accordent à la corruption au sens large et le lien intime entre
la subornation des témoins et la corruption.
Ainsi, dans sa définition
de l'entrave à la justice, le code criminel canadien, en son article 139 (3),
range, parle des moyens de corruption, l'influence oublia tentative
d'influencer une personne dans sa conduite comme jurée, au même titre que les
menaces et les pots-de-vin de même, il a été jugé par la cour d'appel d'Alta
que *toute offre de payer une compensation, sous quelque forme que ce soit, à
une personne dans le but d'influencer cette dernière à ne pas témoigner dans
une procédure judiciaire ou y donner suite, constitue une tentative de
corruption afin d'entraver la justice.
Cette jurisprudence
canadienne montre clairement que, loin d'ériger un mur entre la subornation des
témoins et la corruption, celle-ci, dans le cas d'espèce, a été synonyme de
celle-là, avec comme finalité l'entrave de la justice.
Ainsi, l'entrave au bon
fonctionnement de la justice, dont la subornation des témoins n'est qu'une des
modalités, rendre bel et bien dans la définition de la corruption, telle que
définie par la convention de l'Union Africaine, dont la RDC est un Etat
partie.
La question peut de poser
de savoir si un témoin exerce une fonction au sens du droit pénal.
Tenant compte de son
autonomie, le droit pénal doit donner une réponse positive dans la mesure où :
1' Le témoin est cité à
comparaître par le service public qu'on appelle justice, à travers la
réquisition du ministère public ou du juge;
2' L'audition du témoin
est nécessaire à la manifestation de la vérité judiciaire;
3' Le témoin prête
serment de dire la vérité, exerçant ainsi une fonction et remplissant sa
mission d'auxiliaire de la justice;
4' Le témoin peut être
sanctionné en cas de défaillance dans sa mission;
5' Le témoin peut
prétendre à une indemnité pour sa prestation et l'accomplissement de sa fonction.
C) Le Traité de Rome
Cet instrument
international prévoit, en son article 70, les atteintes suivantes à
l'administration de la justice, lorsqu'elles sont commises
intentionnellement:
" Article 70, 1.c.
Subornation de témoin, manœuvres visant à empêcher un témoin de comparaître ou
de déposer librement, représailles exercées contre un témoin en raison de sa
déposition, destruction ou falsification d'éléments de preuve, ou entrave au
rassemblement de tels éléments.
Le temps de la science
n'est pas l'heure de la politique, n'est pas l'heure de la presse.
C'est comme les épîtres
de saint Paul elles s'expriment à temps et à contre temps.
Il revient aux
institutions comme aux individus d'en tirer toutes les conséquences pour
l'ordre public, le respect de ses engagements par la RDC et l'avènement d'un
Etat de droit toujours plus démocratique.
Raphaël NYABIRUNGU MWENE SONGA, Professeur Emérite et
Doyen Honoraire de la Faculté de Droit de l'université de Kinshasa.