Le
15 août 2018, alors candidat Président de la République, j’avais présenté ma
vision à travers mon programme politique intitulé : « VAINCRE LA PAUVRETÉ ». A
cette occasion, j’invitais le peuple Congolais à m’accompagner dans ma ferme
détermination à réaliser avec lui le rêve d’un nouveau départ.
Durant
ma tournée de campagne, j’ai été troublé par l’ampleur réelle de la
paupérisation de l’ensemble de nos concitoyens qui a atteint des proportions
considérables, n’épargnant ni l’agriculteur, ni le pêcheur, ni l’éleveur, ni
l’artisan, ni le fonctionnaire, ni l’enseignant, ni même l’étudiant, bref la
grande majorité de notre population.
J’ai
constaté que 27 ans depuis le lancement de la journée internationale pour
l’élimination de la pauvreté, les progrès se font encore attendre dans notre
pays car on note une progression exponentielle de ce fléau. L’état d’indigence,
de vulnérabilité et de désespoir que nous lisons chaque jour dans les yeux de
nombre de nos concitoyens est révoltant et ne peut nous laisser indifférents.
Des enseignements importants sont à tirer des résultats de la dernière grande
enquête nationale sur la pauvreté couvrant la période allant de 2005 à 2012.
En
moyenne nationale, l’incidence de la pauvreté a baissé de 8 points de
pourcentage, passant de 71,3 % en 2005 à 63,4 % en 2012. Durant la même
période, l’extrême pauvreté ou pauvreté sévère a baissé 2 fois moins vite. Du fait de la mise en œuvre simultanée de
nombreux projets de développement à travers le pays, la réduction de la
pauvreté en milieu rural a été dix fois supérieure à celle intervenue en milieu
urbain.
En
dépit de la baisse de l’incidence de la pauvreté en moyenne nationale, les
inégalités entre provinces sont demeurées criantes. Suivant l’ancien découpage
administratif du pays, le Kasaï Oriental, jadis grand grenier agricole du
Centre, est aujourd’hui deux fois plus pauvre que Kinshasa.
Ceci
peut être expliqué par plusieurs facteurs notamment la libéralisation de
l’exploitation de diamant artisanal qui a détourné la population de
l’agriculture et la jeunesse de l’école. Quatre provinces issues de l’ancien
découpage administratif ont vu l’incidence de pauvreté se maintenir au-delà de
70 %. Il s’agit du Kasaï Oriental (78,6 %), de l’Équateur (77,3 %), du Kasaï
Occidental (74,9 %) et du Bandundu (74,6%). Ces quatre provinces sont celles
qui ont enregistré le plus grand recul en matière de lutte contre la pauvreté.
Les provinces ayant reçu le plus d’assistance ont été les plus performantes en
matière de réduction de la pauvreté. Il s’agit respectivement du Nord Kivu, du
Sud Kivu et de la Province Orientale.
Ces
trois provinces ont bénéficié d’une attention particulière des bailleurs de
fonds du fait des conflits armés qui y ont sévi durant de longues années.
Aussi, l’orientation de leur économie à dominance agricole explique-t-elle en
partie leurs performances. Les mines n’ont pas été, hélas, un facteur décisif
de réduction de la pauvreté.
Autre
illustration, la baisse de l’incidence de la pauvreté au Katanga, province
minière par excellence, a été inférieure à 3 points de pourcentages durant la
période, contre une moyenne nationale de 8 points et un record de 24 points au
Sud Kivu.
La
pauvreté reste donc un phénomène de masse en RDC. En dépit de l’absence d’une
mise à jour récente de l’enquête nationale sur la pauvreté, celle-ci est
évaluée à 63% en 2017, avec une incidence en milieu rural qui avoisine les 70%.
Dans 15 territoires de la RDC, l’incidence de la pauvreté était supérieure à
85%, selon une étude menée en 2017 par la Cellule d’Analyses des Indicateurs de
Développement, CAID en sigle. Il s’agit des territoires de Boso-Bolo, Businga,
Djolu, Inongo, Kasongo-Lunda, Katako-Kombe, Katanda, Kiri, Kole, Lodja, Lomela,
Lusambo, Miabi, Poko, et Songololo. Au-delà des variables prises en compte par
le PNUD, il y en a d’autres qui influencent très négativement la qualité de vie
de nos concitoyens. En effet, la desserte en eau potable tourne autour de 26%
au niveau national, avec une disparité criante entre le milieu urbain,
ravitaillé à 38%, et le milieu rural couvert à 14%. Quant à l’électricité, la
couverture est inférieure à 10 % au niveau national et de seulement 1% en
milieu rural.
Dans
ce magnifique site du Lac de Ma Vallée qui nous accueille ce jour, mais aussi
dans les villages avoisinants, tous situés à seulement quelques kilomètres du
centre de Kinshasa, des services adéquats d’approvisionnement en eau potable
sont inexistants. Il en est de même de l’électricité.
En
milieu rural, seuls 7% des logements sont construits en matériaux durables
tandis que 95% des ménages sont dépourvus de tout système d’assainissement, de
fosses septiques et de latrines couvertes. Ces statistiques expriment le
paradoxe de la République Démocratique du Congo : un pays immensément riche
avec une population extrêmement pauvre.
J’ai
pris la ferme résolution de combattre ce paradoxe avec les moyens que peut
générer notre pays et avec l’appui des amis de la République Démocratique du
Congo. Ma détermination est ferme, mais le succès ne sera au rendez-vous
qu’avec l’implication de tous mes compatriotes, au-delà des clivages
politiques. C’est pourquoi, je vais engager le pays dans des réformes de grande
envergure partant de la refondation de l’État avec la justice comme épicentre
jusqu’aux secteurs de la vie nationale.
La
lutte contre les anti-valeurs notamment la corruption, le détournement des
deniers publics, la fraude fiscale, la contrebande, le tribalisme, sera
acharnée. Tous les moyens seront mis en œuvre pour que toutes les recettes de
l’État soient canalisées vers le Trésor public. Ceci nous donnera les moyens
nécessaires pour enrayer ces inégalités et instaurer ainsi la justice sociale
pour nos concitoyens.
C’est
d’ailleurs dans cette optique que le dernier Conseil des Ministres a adopté
l’hypothèse d’un budget qui atteint la barre de 10 milliards que je juge encore
maigre pour le grand Congo, mais nous allons y aller progressivement.
Mesdames
et Messieurs, Dans notre pays, la pauvreté est en outre l’un des principaux
vecteurs de violences et divers autres types de conflits. Elle suscite et ravive
l’émergence des forces négatives dont les mouvements rebelles en favorisant
l’enrôlement facile des femmes, hommes et enfants démunis dans diverses
entreprises criminelles, allant du phénomène « Kuluna » dans nos villes, aux
rebellions armées qui sévissent encore dans certaines parties du
territoire.
Vivre
dans un environnement hostile, sans eau potable ni électricité, sans écoles ni
formation pour adultes, sans système de santé adéquat, sans routes, sans
nourriture, sans revenu, etc. est l’une des formes les plus insidieuses de
violation des droits de l’homme. La pauvreté en République Démocratique du
Congo, je la côtoie depuis ma tendre enfance, que ce soit ici même à Kinshasa
ou dans de nombreuses localités du pays où j’ai été relégué à l’époque avec ma
famille.
Nous
sommes partis de la pauvreté de quelques minorités au moment de l’accession de
notre pays à la souveraineté internationale à sa généralisation telle que nous
la vivons à nos jours.
Je
ne perds de vue que certains de nos compatriotes ont acquis leurs richesses au
fruit de leurs efforts, tandis que d’autres par des voies illégales. Ma vision
n’est pas celle de pérenniser la pauvreté mais bien au contraire celle de l’éclosion
de milliers d’entrepreneurs congolais créateurs d’emploi et de richesse.
Nos
populations n’ont rien à faire des réunions interminables, tables rondes,
forums ou sommets qui traitent des questions du développement et de lutte
contre la pauvreté dans le monde non assortis de solutions idoines. Elles
attendent des actions concrètes qui transforment leur vécu quotidien et
restaurent leur dignité. C’est à cela que ce programme doit s’atteler. Ce
Programme Présidentiel Accéléré de Lutte Contre la Pauvreté et les Inégalités
doit être compris comme l’une des initiatives phares du Programme de
gouvernement pour le quinquennat. Il s’agit d’un programme présidentiel
ambitieux, qui se mettra en œuvre à travers différents canaux, dont le Fonds
Social de la République. Il n’a pas vocation à se substituer aux différents
programmes et projets existants.
Il
vise simplement à réduire les inégalités et à permettre l’accélération, là où
les programmes traditionnels apportent des résultats plus lents. Je voudrais
m’assurer que le gouvernement qui gère au quotidien la vie de nos populations,
partage cette vision pour soulager et sortir nos populations de cette misère
devenue chronique. L’accélération de la réduction de la pauvreté est à ce prix.
S’agissant des Provinces, je saisis l’opportunité de la rencontre de ce jour
pour les engager dans les programmes mettant l’amélioration de l’homme au
centre de leurs actions de façon à offrir les meilleures conditions de vie dans
les milieux ruraux. C’est ici le lieu de rappeler l’initiative que j’ai prise
visant l’émulation des gouvernements provinciaux, à travers un mécanisme
d’évaluation régulière des provinces en fonction de leurs performances,
c’està-dire sur base de leurs capacités à répondre aux besoins de base des
populations sous leur administration. Mesdames et Messieurs, Comme je l’ai dit
ci-haut, l’extrême misère de notre peuple n’est pas une fatalité. Elle n’est
pas non plus une malédiction ou un mauvais sort qui nous serait jeté. J’ai
l’intime conviction que nous pouvons inverser la courbe de la pauvreté en
transformant le potentiel de notre pays en richesses, au service de tous.
J’insiste
sur la participation de tous pour éviter les erreurs du passé dont la plus
grave était que seuls les pouvoirs publics définissaient les projets, les
géraient à partir de Kinshasa et souvent les détournaient de leur destination
initiale.
De
manière concrète, ce Programme vise à ce que vingt millions de congolais vivant
en milieu rural et périurbain dans les 145 territoires de notre pays quittent
la pauvreté ou l’extrême pauvreté dans les 5 prochaines années. Il comprend
trois composantes, à savoir :
Premièrement,
l’amélioration de l’accès des populations rurales et périurbaines aux
infrastructures et services socio-économiques de base ;
Deuxièmement,
la promotion des économies rurales et périurbaines ;
Troisièmement,
le renforcement des capacités en gestion axée sur les résultats de
développement au niveau national, provincial et local. La première composante
du Programme vise à accroître l’accès de la population aux services de base qui
sont l’habitat, l’électricité à travers la promotion des micro-centrales
hydroélectriques, l’eau potable, la santé et les pistes de desserte agricole.
Cette liste n’est pas exhaustive. La seconde composante vise à s’assurer que
les populations des villages et des quartiers périurbains disposent de sources
de revenu améliorées et stables et qu’elles consomment au moins un repas
équilibré par jour. Cette composante mettra un accent particulier sur la
promotion de filières agricoles inclusives. La troisième composante vise à
développer une culture de l’autonomie, qui se traduira par l’appropriation du
développement par les populations bénéficiaires, le renforcement de l’estime de
soi, la méritocratie et l’attachement motivé à leur milieu de vie. Par
ailleurs, la promotion d’un financement adapté en milieu rural est un élément
majeur du Programme Présidentiel Accéléré de Lutte contre la Pauvreté et les
Inégalités. En effet, que ce soit en milieu rural ou en milieu urbain,
plusieurs congolais sont exclus du système financier classique.
Le
Programme dont je viens de dévoiler les principales articulations exige un
financement ambitieux sur plusieurs années. A ceux qui pourraient se montrer
sceptiques face à une telle ambition, je leur dirais ceci : Exceller, c’est
avant tout progresser, être en mouvement, s’efforcer d’agir de mieux en mieux.
C’est pourquoi, je demanderai au Gouvernement de ne ménager aucun effort pour
explorer toutes les voies possibles susceptibles de nous donner les moyens de
cette action salvatrice pour notre peuple.
J’émets
le vœu que l’an prochain, nous nous retrouvions, lors de la journée
internationale de l’élimination de la pauvreté, pour évaluer nos progrès et
nous projeter pour la suite.
Les
populations de Kimwenza qui nous accueillent ce jour m’ont fait parvenir leurs états
de besoins et priorités. Il y a, entre autres besoins, la construction d’un
pont sur la Lukaya, la fourniture en eau et électricité, la construction d’une
école et d’un centre de santé. De tous ces besoins, la réhabilitation du pont
était en tête de leurs priorités.
Je
crois pouvoir indiquer aujourd’hui est que dans un proche avenir, nous
reviendrons dans ce quartier pour inaugurer avec eux le pont indiqué. Le reste
de leurs besoins seront discutés et analysés au cas par cas pour des mesures
appropriées. Toutefois, nous avons anticipé sur leur autre besoin d’importance
en procédant à la réhabilitation et la construction de la route de Kimwenza qui
part de l’avenue By Pass jusqu’au-delà de la gare de Kimwenza. Sur ce, je lance
officiellement le Programme Présidentiel Accéléré de lutte contre la Pauvreté
et les inégalités.
Je
vous remercie et que Dieu bénisse la République Démocratique du Congo